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Nu et son fantôme
 
d'Emmanuel Berland
 Editions Hélices


Un poète doit donner, chaque jour, une preuve de l’authen- ticité de sa poésie.

Recueil après recueil, sa poésie doit prendre corps, se faire plus présente, donner à penser, à évoquer, fournir aux exégètes matières à débattre, à comparer, à critiquer aussi.

Emmanuel Berland est un de ces poètes qui répondent à ces critères, car sa poésie au fil d’une douzaine de recueils se confirme à chaque fois davantage.

Je voudrais vous parler ici du recueil publié l’année dernière et qui s’intitule : «Nu et son fantôme» édité chez Hélices.

Recueil de 80 pages et d’autant de poèmes qui évoquent les chemins à tracer hors de soi comme les poèmes : Libre, anonyme et nu ou Animale cérébrale où l’auteur se dit «pétri d’animalité/j’écoute derrière la vitre inhabitée/la ville dans mon crâne/où j’ai trouvé un coin pour ne rien faire.»

Sa vision sait se montrer hors des dimensions habituelles comme dans Trapèze où Emmanuel Berland se projette dans l’espace : «Rejoins-moi/à peine visible dans le ciel, tu me vois ?/ oui, là, en haut de cet arbre, passe ta/vie à grandir jusqu’à la taille/des bois pour me rejoindre.»

Le poème qui donne le titre à l’ouvrage nous dit qu’ «Il y a un clown dans mon cœur/je dois le nourrir d’affection/le caresser d’une œuvre/j’ai cherché, il fuyait, étroitement/détaché du monde, toujours en avance/sur ma poésie.»

Le non-dit dans Rose de joie est ici mis en valeur : «Je me tourne vers l’inexprimée, je l’empoigne/on ne tire jamais longtemps un trait sur elle/on ne jette un pont que sur la faille/de son sourire.»

L’hypnose, chère à René Char est évoquée dans le texte intitulé Feu d’hypnose : « Poésie, espace enchanté, ensorcelé… » repris plus loin dans un autre poème Blé d’une planète où l’auteur avoue : «Je n’ai jamais reflété d’autre lave/traîné d’autre algue dans les océans…» Voici des affirmations qui scellent la plénitude d’un poète. Chaque poème est comme une pièce d’un immense puzzle où le but doit être atteint à la fin de l’ouvrage et dans ce dessein la pensée de l’auteur se doit d’être en construction tout au long du recueil. Il rappelle que le poète peut être un Mendiant sans route et qu’à la fin de ce poème, il avoue : «Je suis banni de mes songes, dont l’arbre/arraché, ne se présente plus.»

Quand on analyse la liste de ses recueils déjà publiés, les titres parlent d’eux-mêmes : Concert en d‘autres mondes ; Exil céleste ; Filets lancés à l’aube ; L’Éternité plus une voix ou encore Entrée de secours du paradis terrestre ou De l’hiver à l’aube, autant d’étapes d’une élaboration, d’une maturation de la pensée qui se veut résolument poétique.

Ainsi doit fonctionner un poète. Livre après livre, phrase après phrase, mots recherchés, à chaque fois pesés, recréés, modulés, il va de l’avant pour mieux assouvir la soif de s’exprimer qui le hante en permanence. Ainsi va le poète avec en tête cette idée saugrenue de bâtir une œuvre qui lui survivra. Prétention démesurée, certes, mais tel est le poète dans sa quête de la perfection personnelle.

Des images fortes naissent au fil des textes, je relève celle-ci : là où tombent des larmes/je creuse un puits.

Il sait s’imprégner de philosophie dans ce poème dont le titre est à lui seul le fruit d’une longue méditation : Convaincu du néant de toutes choses humaines. «Courbe un peu ta hauteur pour passer la petite porte prince que tu es» Un très beau poème clôt ce recueil où le Messie est évoqué, son titre : L’homme à la figure de flamme «C’était le messie /on l’enjoignit/on le héla/Il répondit qu’il allait s’envoler, qu’on ne le retarde pas/ses couleurs n’étaient pas conformes à la loi/le monde était temporaire/il n’avait pas la tête à l’humain. Une forêt noircie par les flammes d’un feu énorme les délivrerait.»

L’évocation est totale, je dirai picturale, incandescente. En peu de mots, tout est dit !

Un bon livre à s’imprégner, à méditer aussi. Je le recommande aux amateurs d’une poésie où à chaque instant l’homme, l’auteur, est comme en filigrane derrière chaque mot.

 

On peut acquérir cet ouvrage sur le site : http://helices.poesie.free.fr ou en écrivant à
Hélices Poésie BP 146. 94733 Nogent-sur-Marne Cedex au prix de 12 €



Michel Ostertag
pour Francopolis
mai 2007 

 

 

Créé le 1 mars 2002

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