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Les maîtres de la nouvelle - I
 
Pêchés Mignons III
de Joseph Ouaknine
 Editions Poiêtês


La nouvelle est un art majeur.
Je l’affirme, car j’en suis convaincu ! Mal aimée des lecteurs français, la nouvelle bénéficie, depuis quelques années, d’un regain de popularité. De nouveaux auteurs, je pense à Anna Gavalda, abordent maintenant avec succès ce mode d’expression. Le cinéma emboîte le pas et trouve dans des recueils matière à films. Eric-Emmanuel Schmitt et son « Odette Toulemonde » a trouvé un public ou encore, tout récemment « Paris je t’aime » un film à sketches. Les Anglo-saxons n’ont pas cette réticence devant la nouvelle, de grands auteurs comme Hemingway ont écrit une part importante de leur œuvre sous forme de nouvelles. De même pour Allan Poe. Plus près de nous, je pense à Charles Bukowski et ses « Contes de la folie ordinaire » ou encore au russe Anton Tchekhov.

On peut se poser la question suivante : cette forme resserrée convient-elle à l’esprit français ? Serions-nous d’impénitents bavards à ce point qu’il nous faut trois cents pages pour raconter une histoire qui devrait normalement être dite en trente ? Je pose la question ! Et je crains devoir répondre par l’affirmative. Bien que la vie actuelle avec son manque permanent de temps, son stress quotidien, son goût d’aller au plus pressé devrait nous orienter vers ce genre de littérature où la lecture d’une nouvelle est adaptée à nos loisirs fragmentés.

Bien sûr, nous avons eu Guy de Maupassant, le maître incontesté du genre, mais après lui qu’avons-nous connus ? Des auteurs comme Daniel Boulanger, certes, Philippe Djian, également, mais ils nous donnent l’impression que la nouvelle est juste un moment de basses eaux dans leur vie d’écrivain, quand, les grands auteurs dont nous parlons, ont consacré la majeure partie de leur œuvre à ce genre d‘écriture, la différence est d’importance. Les éditeurs jusqu’à pas longtemps n’y croyaient pas. Ils voulaient bien accepter de publier un recueil de nouvelles mais à conditions que l’auteur soit déjà connu, reconnu. Alors, un auteur débutant, vous pensez !…

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler d’un auteur que je considère comme un maître en la matière, je veux parler de Joseph Ouaknine. Plusieurs ouvrages romanesques, romans et recueils de nouvelles forment l’essentiel de son œuvre.

Un recueil, intitulé « Péchés Mignons III » édité aux éditions Poiêtês mérite qu’on s’y arrête. Quinze nouvelles touchent des genres différents. Le fantastique est un art que Joseph Ouaknine maîtrise à la perfection ( il est un habitué du Festival du film policier de Cognac) Dans un style naturel, de lecture facile, agrémenté de dialogues qui donnent vie au récit, cet auteur à l’art de maintenir en éveil son lecteur, la chute n’est jamais téléguidée, le suspens est alimenté par des détails et des rebondissements qui rendent crédibles ce qui est ici raconté.

La nouvelle suppose un nombre limité de pages, d’où pour l’auteur une maîtrise complète de son art, sinon, la chute le guette et le lecteur « zappe » aussitôt. Le récit doit être condensé mais jamais au détriment de l’histoire racontée ; le style télégraphique n’est pas de mise, toutes les qualités du roman doivent être présentes, mais en réduction, chaque moment raconté doit porter en lui l’essentiel du récit. Ici point de bavardage inutile, le récit se déroule sans digression, on va au fond, sans détour. Écrire pour ne rien dire n’est pas admis !

L’autre difficulté est qu’un recueil de nouvelles ne se lit pas comme un roman. En effet, il s’ouvre au hasard, on lit un texte, puis un second, trente pages suivantes, on va, on vient, on picore ici ou là. Et il faut que le lecteur reconnaisse à travers chacun de ces textes la « patte » de l’auteur : sa manière bien à lui de raconter. Un fil directeur n’est pas absolument nécessaire excepté ce ton qui est propre à l’écrivain, ce qui fait la nature même des récits. Cet impératif est assuré tout au long des 135 pages du recueil de Joseph Ouaknine.

Une nouvelle n’est pas pour autant un roman en « modèle réduit », au 1/42e, non, c’est autre chose, c’est une fraction de vie avec un début, un développement, une fin qui amène une chute forte. Au fond, la force de la chute fait tout le succès – ou non – d’une nouvelle. La nouvelle peut également prendre ses aises et s’étaler sur une soixantaine de pages comme Le vieil homme et la mer d’Hemingway ou encore La mort d’Ivan Illich de Tolstoï (pour moi, le chef-d’œuvre absolu)

Mais revenons au recueil de Joseph Ouaknine :

Ce que j’ai aimé personnellement c’est cet art de passer d’un récit masculin à un récit féminin ; changer de sexe dans le récit avec ce talent mérite un coup de chapeau ! Dans sa préface, l’éditeur Laurent Fels, souligne que « la palette des sujets traités est très variée : à côté d’un cleptomane emprisonné dans un ascenseur, le lecteur aura l’occasion de savourer les histoires saisissantes d’un collectionneur passionné qui finit par acquérir un liquide très précieux, d’une femme qui a une petite main sur la nuque, d’un miroir magique, d’une péripatéticienne violée, d’un enfant dévoré par des rats et de beaucoup d’autres personnages. Le dénouement des différentes aventures relève souvent du fantastique, voire de la science-fiction. »

Qui est Joseph Ouaknine ? Né à rabat en 1957, il commence son parcours littéraire par un ouvrage intitulé Sans rancune, une œuvre autobiographique, puis, il se lance dans une production foisonnante et éclectique de romans policiers, romans fantastique et surtout nouvelles dont il est l’auteur de plus desoixante-dix textes dont plusieurs ont été publiées dans des magazines et aussi sous forme de recueils. Également, la poésie et la philosophie sont pour lui des raisons d’écrire. Il est également éditeur des « Cahiers de la poésie »

Voilà, je vous recommande ce livre, ne tardez pas à l’acheter sur le site : http://www.poietes.fr.ms au prix de 17,30 euros. Pour le prix de deux places de cinéma, vous pourrez éclairer vos soirées d’autant de films que vous vous fabriquerez à partir de ces récits. C’est le moment de débrider votre imagination… Quant à moi, je vous promets que vous n’êtes pas prêt d’oublier ce que vous allez lire !



Michel Ostertag
pour Francopolis
mai 2007 

 

 

Créé le 1 mars 2002

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