Je voudrais
d’entée de JE, remercier M. Oudadess de m’avoir confier la
rédaction de la préface de son recueil de Haïkus,
car la lecture de ce genre poétique me procure parfois autant de
plaisir que l’écoute d’un chant amazigh.
C’est affirmer que la réception d’une œuvre poétique
déjoue les obstacles que crée le conditionnement culturel
local. Les voies des autres cultures nous atteignent sans que nous
disposions nécessairement des outils pour les comprendre. Le
Chant Grégorien (exécuté par des moines) emprunte
les mêmes ‘voies’ que le Ddiker (exécuté par les
Soufis musulmans).
Je voudrais rappeler quelques particularités du Haïku dans
l’espoir de rapprocher le lecteur des sources d’inspiration de M.
Oudadess. Le Haïku est un petit poème japonais de trois
vers distribués en Cinq-Sept-Cinq syllabes. Cette structure
(5-7-5.) n’est pas toujours respectée. Nous allons voir que ce
qui prime entre autre, chez les auteurs de Haïkus, c’est la force
d’inspiration, le coup d’œil et le choix des métaphores.
Ceci dit, la brièveté du Haïku
est constante aussi bien dans le travail de M. Oudadess que dans les
exemples des auteurs japonais :
De temps à autre
Les nuages accordent une
pause
À ceux qui
contemplent la lune.
BASHÔ
Ne tue pas la mouche !
Elle se frotte mains et
pieds
Elle implore
ISSA
La nuit sans lune,
Astres peu brillants ;
Sourdent les murmures du temps.
OUDADESS
Escargot
À quoi penses-tu
Avec ta corne plus longue
que l’autre
BUSON
Bébé rabaisse les paupières
Cache son regard ;
Demande à réfléchir.
OUDADESS
Pour les auteurs de Haïkus, la
précarité des êtres et leur
éphémère existence ne fait qu’augmenter leur
charge symbolique.
Le regard du poète Issa pénètre l’intimité
d’une goutte de rosée qui se détache de son support non
pas pour s’écraser au sol mais pour s’insurger contre "ce monde sordide" !
Chez Oudadess, le
bébé ne baisse pas ses paupières pour dormir mais,
comme par pudeur, pour réfléchir !
Les galets pour lesquels nous n’accordons habituellement que peu
d’intérêt meublent dans un Haïku d’ Oudadess le musée de
l’éternité.
Le bestiaire anodin, les petits objets que nous enjambons
allègrement sont convoqués par les maîtres du
Haïku pour nous rappeler notre cécité face à
l’éveil de la nature …
Quelle muse a-t-elle poussé M. Oudadess
à se familiariser avec les "gestes" animaliers ; les "murmures"
de la matière pour entreprendre une longue incursion dans la
poésie japonaise ?
Question rhétorique pour tous ceux qui ont eu la chance de
contempler les paysages de l’Atlas ; de goûter à la
douceur des Oasis d’Aoufous, Goulmima, Tinjdad, Tinghir …
Non seulement M. Oudadess a eu
le privilège de parcourir, dès son jeune âge, les
paysages atlasiens, mais il a, en outre, le mérite d’être
docteur en mathématiques. Cette discipline, me semble-t-il,
s’accommode fort bien de la rigueur qu’impose l’observation du
microcosme.
Saisir la rapidité avec laquelle un petit chat peut plaquer au
sol une feuille entraînée par le vent (ISSA) relève
d’un sens aigu qui a permis, par ailleurs, aux maîtres des arts
martiaux d’étudier le mouvement et les postures de
défense de certains félins …
Parallèlement, l’état d’éveil qui préside
à l’observation de la nature s’accompagne chez les auteurs
du Haïku d’une profonde sympathie à l’égard de
la condition humaine :
La femme sans enfants
Comme elle est tendre
Avec les poupées !
RANSETSU
Voilà, au-delà du plaisir que m’a
procuré la rédaction de cette courte préface,
j’invite le lecteur non seulement à savourer la création
de mon ami Oudadess mais
à prendre sa propre plume pour se livrer au plaisir de la
créativité.