Le livre de l’anomalie
De Marie-Gabrielle Montant
Aux éditions du Cygne
Une
autre façon d’écrire…
Poésie, prose ? On ne saurait dire ! La phrase est
contrariée, complexe, inattendue surtout… Le
lecteur est dérouté, perdu d’un mot à
l’autre, pratique le demi-tour, la relecture car cette
succession des mots n’entre pas dans sa logique habituelle,
il se sent prisonnier et ne sait comment se libérer
de cette emprise… Puis, il cède et se laisse
emporter par cette errance voulue par l’auteur.
Et ce qu’il lit s’adresse aussi à lui :
Votre prison de mots, derrière une vitrine opaque que
vous aviez placée devant vos actions muettes…
Plus loin : Votre anomalie pouvait certes griser certains
esprits : je le voulais aussi… pour vous, décrire
– coder, et formater.
Les sentiments exprimés ici sont aussi les nôtres
; cette façon de dire est mienne, aussi : Je recherchais
l’éclipse dans la douceur, et le lendemain, d’une
cuillère qui tourne – puis dans la craie, s’égosillant
dans le besoin d’être seule…
L’excès dans la forme et le fond est de mise
dans le texte. L’auteur s’en explique : Ma
gravité de ton n’est pas minimaliste : je suis
ensemencée des impressions du jour. Mes phrases courtes
font peur livrées au hasard des mots…
Paroles d’amour aussi et surtout : Cet homme est
dans ma vie ce que l’on voit de mieux. Son capital est
d’or – son ombre sans aïeux…La ligne
de son feu m’aura coupée en deux…
Marie-Gabrielle Montant joue avec ses émotions, pour
elle « ce sont mes émotions qui créent
la combustion ».
Les récriminations, le passé revisité,
le questionnement installé en tant que mode de pensée
:À quoi servirait-il d’aimer ? Souhaitions-nous
ensevelir nos dons ?
Cette phrase terrible dite avec une sérénité
qui fait peur : Je voudrais raconter que tu vivais imperturbable
en ton esprit.
Et le désenchantement recouvre tout, jusqu’à
la rupture : D’une balle reçue en plein cœur
– j’arrache un dernier pétale de fleur…
La mort est présente à chaque paragraphe : La
porte a des verrous que je n’ouvrirai pas. Les barreaux
de ma vie ont fait partie de moi. L’anomalie…
c’est moi.
L’auteur joue avec une phraséologie des plus
déroutantes, fait s’entrechoquer les mots, les
placent où l'on ne les attend pas… La vague
intime bras de la mort inlassable qui aura côtoyé
les embruns. Ou encore : Mes dents d’émissaires
faciles à briser la sonde féconde un sourire
de Joconde lors de son pourparler…
Il faut voir dans ce texte un effort d’écrire
autrement, de créer un climat propice à la description
d’un état d’âme et à nous
le faire partager au niveau des sentiments ressentis et non
des mots généralement utilisés. Effort
louable car au-delà des mots, l’émotion
est constamment perceptible tout au long du recueil. Le parti
pris de l’anomalie est tenu de bout en bout. La quatrième
de couverture nous précise :
Une expérience holographique et poétique
y est plus forte que la violence ou bien la mort, assimilant
finalement la vie à une anomalie.
Cet auteur donne une dimension et une épaisseur inégalées
à ses émotions de femme ; celles-ci couchées
sur le papier touchent et heurtent à la fois l’esprit
du lecteur et lui donne l’envie de comprendre cette
histoire d‘amour qui sourde à chaque ligne.
Ce recueil est en vente dans toutes les librairies et directement
chez l’ éditeur sur son site
www.editionsducygne.com
Par Michel Ostertag
pour Francopolis
octobre 2006
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