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Mots de neige, de sable et d’océan
littératures autochtones...
sous la direction de Maurizio Gatti -
oeuvre de
la couverture O'wdesis de ChristianeSiou Wawanoloath


par Gertrude Millaire

Mots de neige, de sable et d’océan est un incontournable pour qui aime voyager dans les mots sans frontière, à la rencontre de poètes différents par leur culture. Auteurs autochtones, bien que menacées, leur tradition orale s’est perpétuée jusqu’à nos jours.

Ce livre commence par une préface de Thomas Highway qui différencie la littérature autochtone des autres langues, du fait que cette langue n’a pas perdu son contact fondamental avec la nature. La terre est toujours un jardin de beauté, de joie et de plaisir. La littérature autochtone est une langue viscérale et non cérébrale, qui est par le fait même pas toujours facile de traduire en français, certaines expressions ne trouvant pas leur équivalent en une autre langue. Ici c’est le français qui sert de pont entre les Wendat, Innu, Aatikamekw, Anishnabe,Wabanaki, Amazigh, Kabyle, Ma’ohi, Kanak; entre les Amérindiens du Québec, les Berbères du Maroc et de l’Algérie, les Polynésiens et les Kanak de la Nouvelle Calédonie.

Mots de neige, de sable et d’océan, regroupe une trentaine d’auteurs autochtones que francopolis ne peut passer sous silence. C’est une première dans le monde de l’édition et un bel exemple de ce que la venue d’internet peut rapprocher les peuples. Dans ce livre, on retrouve plusieurs genres littéraires : poésie - haïkus - conte - roman - théâtre - récit de vie. De plus une note biographique de chaque auteur et une brève présentation précède leurs textes.

Rassembler les textes de ces auteurs est une chose mais donner en plus à ces auteurs, la possibilité de se rencontrer à Wendake au Québec, lors des fêtes du 400ième est un exploit. Il n’y a pas meilleure façon de tisser des liens solides entres ces cultures. Le lancement a donc eu lieu à Québec, en septembre en présence d’une grande majorité de ces auteurs.

On peut lire dans l’introduction :
L’ensemble de ces écrivains partagent des histoires coloniales semblables même si elles s’étalent sur des époques différentes. Leur langue est interdite".

Plusieurs thèmes se regroupent dans ces différents corpus:

“Tadebbuzt ( La Matraque” de Salem Zénia
, né à Fréha (Algérie)

La matraque
me montre
me poursuit
me frappe
....
Mon mal s’appelle silence
je ne peux crier que caché
...

et “le gourdin” de Louis-Karl Picard-Sioui, originaire de Wendake (Québec)

À mon sein s’abreuve un gourdin
son ombre est triste
nostalgique de la guerre, de la misère
du combat de nos pères

Un gourdin lourd de peines
Il s’est faufilé
Pour pleurer dans mes bras

l’attachement au territoire est viscéral pour Mohamed Agoujil, né à Tagrirt (Maroc)

Tes mots sèchent
au feu des départs infinis
rivière traversant un désert
pour une goutte de vie
aux pas des caravanes
qui errent avec les mirages...

partagé aussi par Jean Siou, né à Wendake (Québec)
...
Une famille de chevreuil qui l’observent
lui disent d’un ton gêné
oublie le rire des trembles
et nous t’accompagnerons
chante encore aux rivières
et nous danserons...

alors que l’exploitation minière, forestière, hydro-électrique ou nucléaire est fermement pointée du doigt par Waixen Wayewol, né à Maré (Nouvelle Calédonie)
...
Inlassablement, méthodiquement, tel le ver dans son fruit, la machine grignotait puis déchiquetait la montagne, qui ne put résister que par un dernier murmure
...
La civilisation de la machine, du pot de fer, eut le dernier mot, dans ce combat inégal, sur celle du pot de terre. Dans un dernier soupir, ma montagne expira longuement pour lâcher son étreinte...

ainsi que chez Geneviève McKenzie-Sioui, née à Matimekush (Nord du Québec) qui a écrit ce poème inspiré des pleurs de sa mère devant le refus d’une compagnie étatsunienne de cesser l’exploitation de leur territoire de chasse traditionnelle.

Nitassinan (Notre Terre)
Pendant longtemps, tout près de la nature,
l’homme innu était là, présent à la vie
La terre était pour nous, une mère attendrie,
faisant pousser la plus petite graine voulant naître au soleil
Mais voilà que lui-même a failli en dessous d’un épais nuage...


D’autres mettent en scène des personnages qui aspirent non seulement à survivre mais à s’épanouir pleinement en tant qu’êtres humains libres et maître de leur avenir, Jacynthe Connolly, innu au Québec dans son texte Dialogue pour la vie.

Certains expriment la souffrance tel que NadiaChafik née à Casablanca (Maroc)

Cerné par les nuits filantes
ton regard mouvant engloutit
les murmures d’une image
bègue
effritement d’un alibi
mille fois recomposé
bâillonné par la révolte
des vides granulés
....

 D’autres encore dégagent une profonde sensualité, tel Rai Chaze, né Papeeti (Tahiti)

La mer était présente ce jour là
dans la chambre des amants
...
Il ferme les yeux
et met son corps contre le sien
Tout bas il lui dit qu’il s’est mis à l’aimer
...
Elle ne l’entend pas
elle entend seulement
le bruit de la mer dans la chambre.....


ou encore la vie rurale et pastorale des Amazighs par Ali Iken, né à Almou Ayt Aissa (Maroc), oui c’est bien notre cher Ali qui fait partie de l’équipe de francopolis et que j’ai eu la chance de rencontrer lors de son séjour au Québec dans le cadre du lancement de ce livre.

Quand le silence nous enchaîne
dans sa voix lisse de quête
d’évasion
mes doigts
se cherchent un exil
dans l’oeil bleu de ta source
où se consume ma mort
en petits bouts de regard
comme des dards d’abeille

Ou encore la révolte chez Ali Khadaoui, né au Maroc
ainsi que l’ironie et l’humour chez Sylvie Anne Siou-Trudel, d’origine Wendat (Québec).
ou la spiritualité selon la tradition que Charles Cooko, originaire de Wemotaci (Québec) nous partage dans ce recueil.
et le rêve que Jean-Louis Lafontaine, innu du Québec nous partage dans ces légendes : Le hibou et la chute, L’étranger et La montagne de l’aigle.

Luc Camoui, né à Pouébo ( Nouvelle Calédonie) nous donne deux poèmes Le silence de l’Océanie et L’étranger, silence chargé d’émotions et de contraintes, une écriture engagée et militante.

Et plusieurs nous offre leur mots en langue originale et française tel que Devatine Flora, originaire de la presqu’île de Tahiti.

Pirogue en pierre

Hou te patura’a ‘a ‘ai a te mau oripo
Te taman’a ‘au a te tamau ‘a ‘au

      Hou te va ‘ a vaevae e te va’ a mata ‘ eina ‘a

Bien avant les récits des promeneurs de nuit et la mémorisation des conteurs

Bien avant les propriétaires terriens, pirogues aux yeux d’alevins
Les voyageurs de la terre ferme, pirogues aux pieds rameurs....

Et surprise de découvrir un auteur de ma région, Michel Noël, d’origine algonguine, né à Messines (Québec), il a publié, au cours des trente dernières années, plus de cinquante livres dont quelques-uns sont traduits en plusieurs langues et diffusés en Europe.

Et bien d’autres à découvrir.

Bonne lecture et belles découvertes !

*
Ce recueil: Des mots de neige, de sable et d’océan est disponible sur Internet  à la
Coopérative de l’Université Laval.

**
Et voici quelques liens sur ce qui se jase autour de ce recueil.

- Association des écrivains de la Nouvelle Calédonie.

- Site personnel du journaliste québécois Patrick White, couvrant la scène culturelle au Québec et ailleurs..

- Journal Québec-Hebdo

- sur Wikipedia

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Gertrude Millaire
novembre 2008
     pour Francopolis


Créé le 1 mars 2002

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