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Coup de cœur : Archives

(2010-2017)

Une escale à la rubrique "Coup de cœur"
découvrir un poème qui nous a particulièrement touché
par sa qualité, son originalité, sa valeur

 

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(un tableau de Bruno Aimetti)

 

À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes,
d'un niveau d'écriture souvent excellent,
toujours intéressant et en mouvement.

Nous redonnons vie ici à vos textes qui nous ont séduit
que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.

***

Poème Coup de Cœur du Comité

Janvier - Février 2019

 

Paul Farellier, choix Dominique Zinenberg

Catherine Jarrett, choix François Minod

Patrick Laupin, choix Mireille Diaz-Florian

Patricia Laranco, choix Dana Shishmanian

Laurent Vivat, choix Michel Ostertag

 

 

 

 

Paul FARELLIER

choix Dominique Zinenberg

 

 

Dans l’âtre du silence

(2004)

 

La montée du soir :

 

une odeur de sable dans les pins,

avec ce peu qu’il faut de souffle

pour dire le silence.

 

Et la nuit maintenant cerne le regard,

l’enfant te donne la main

pour traverser sa mémoire ;

 

il manque la voix pour creuser le visage,

le visage sans retour,

 

la rive, trop évidente.

 

***

 

Super-8

-ces morts de trente ans,

 

avec eux,

aussi mort, ce presque toi

 

où rescapé de toi-même,

 

avec eux

tu te revois sourire.

 

***

 

Une brume basse

ouate le nord et le silence.

 

Des flaques de gel aux ornières.

 

À quelles voix répondre,

 

de la nuit à peine divisées ?

Vers quel horizon,

 

quel amont de rumeur ?

 

Dis-moi si je délire

pour d’impossibles déserts,

visité

non d’harmonie mais de vide,

 

avec ce rien

qui prend son vol au-dedans,

 

ce chant,

sa douceur d’âme.

 

***

 

Le temps t’aveugle d’images

de reflets, de regards.

 

Que cherches-tu

sinon ta parole d’ombre ?

 

Un seuil est là

qu’il te faut déceler,

 

la demeure de la voix,

 

le sombre où luira ton silence.

 

***

 

A-t-on dormi

dans cette maison de cendre,

 

dans l’âtre de silence

où la nuit s’est consumée ?

 

Une dernière charpente

effondre sa poussière.

 

Un rêve de feu s’étonne :

quel réveil de forêt craquante

 

à cette aube comme un brûlot

de sèves sous la brume ?

 

Nous connaissions la nuit.

Nous étions de la nuit,

 

de sa flamme lente et sombre,

 

non de ces vents levés matin,

de ces ciels maintenant déchirés,

 

non du feu rapide et blanc

que souffle la lumière.

 

 

Extraits de L’Entretien devant la nuit. Poèmes 1968-2013, Les Hommes sans Épaules éditions, 2014.

 

 

 

Catherine JARRETT

choix François Minod

 

 

Je pense à cette marche

à ce pas de marcheur

de grimpeur

à cet éloignement

 

à l'absence de temps

à la marche immobile

de lui que je ne vois

qui échappe en paroles

inutiles bouffantes

corolles de broussailles

que la main n'atteint pas

 

Je pense à eux

de dos

immobiles

et pour l'éternité de quelques vie sur terre

mais la terre se brise 

à la nuit

 

y avait-il du vent devant la roche rouille

y avait-il un rire un regard

 

Je la vois dans ses éclats d'enfance

elle

un peu trop

 

mais d'elle à moi un barbelé

 

déjà de discordance

 

à un bras elle suspend sa 

confiance 

 

ils marchent ne marchent

elle marche ne marche

ciel mauve

et aux hoquets du soir ne cède 

 

ambre la mer

violet le ciel

la folie purpurine avance

gicle  mémoire 

sur le thorax mine de plomb

grenaille pluie de feu avalanche

 

ne se retourne

ne se retournent

 

à la pointe de nuit

cette goutte de sang

sur mes yeux

 

 

 

Catherine Jarrett, Ni absence, ni ombre,

numéro 35 de la revue Choisi de J. Renou,

linogravure de Floriane Fagot

 

 

 

 

Patrick LAUPIN

choix Mireille Diaz-Florian

 

 

Depuis l’enfance il ne renonce pas à l’écriture car elle est le trésor perdu qui parle et qui raconte. C’est une créature, une personne. C’est une fable, une épopée, une fresque anonyme du rêve sans nom mais dont la force éponyme élève des frissons. Les pommes reinette qui tombent dans l’herbe, le coucou, sa gorge close et sans nid, la pie et ses solutions bavardes, la calèche et les figurants noirs du silence dans le miroir poli d’ébène. C’est la stèle diamantaire du lac où plongent les enfants, les galets bleuis par les eaux, l’ibis et la magie lente des fleurs inconcevables quand il voit le rose et le parme des lagunes se poser doucement aux pieds des blancheurs de grève dans la matité intacte du souffle des étoiles et de la commotion digitale de l’herbe. C’est une étoffe de chair qui parle.

 

C’est aussi l’air qui parle. Quelque chose de banni, tombe, diaphane, irrémédiable, en un cri muet rageur d’étincelle. C’est la vieille maison en ruine sous les arbres et la chair déchirée à faire peur quand on voit en rêve la peau cristal ou porcelaine des habitants du siècle d’avant. On s’initie à l’écriture comme on sort des ténèbres. Un lourd bagage dans le cartable, du chagrin, des feuilles étoilées blanches. C’est une vie dont on se dit à regret qu’on ne l’écrira sans doute pas. Trop loin, trop lent, trop dur, trop difficile. Et puis tellement de passage à côté du corps affolé qui creuse un trou pour se taire ou ignorer. Et pourtant, malgré les doubles, railleurs, violents, désinvoltes, cette passion dévore à merci. Elle blanchit qui l’ignore. Elle noircit la digue et les empreintes. Jusqu’à la preuve du son et du sans nom. (…)

 

Je rêvais d’écrire comme on parle, feuilles cathédrales de jours, petites voix, brindilles qui irradient, parfums de merisiers et ombres de cavaleries légères dans la ronde des peupliers. J’aimais les débris retenus dans la profondeur d’eau verte de l’écluse, les remous acides et le brou de noix dans l’air, les saisonniers d’arbres qui finissent dans le grand vent. J’aimais lieux communs, variations, style, l’hélice centrée au dedans, l’astre insaisissable, le charme et la volupté incorruptible d’images corporelles qui frôlent la pâleur centaurée d’ivoire du vieil or noir des soleils qu’on a rêvé longtemps dans le puits réel des souffrances. Je voulais des phrases de résurrection indemnes dans la magie du silence.

 

Extrait de Ravins, Editions La rumeur libre, 2013

 

 

Patricia LARANCO

choix Dana Shishmanian

 

 

Poèmes en l'honneur du printemps…

 

N'enlevez pas aux murs

leur peau de lumière

même si celle-ci

forme des angles aigus !

Laissez-là bien collée

à leur surface nue

par escaliers, par blocs

laissez-là

adhérer.

Laissez-là jeter ses

puits blancs aveuglants,

grésillants

dans les cours,

offrez-lui

vos yeux,

tant pis s'ils sont brûlés :

un jour,

tout sera nuit.

 

FB, 6/02/2019

 

Je hume le bleu du ciel

neuf, diaphane et lumineux :

une fraîche et compacte odeur,

dure tel un premier bourgeon

qui dit le jour encore intact

et les sèves

qui se réveillent,

et le soleil qui s'adoucit;

un parfum franc un parfum net,

un bloc cubique de senteur

et de couleur

qui crée le choc.

 

FB, 17/02/2019

 

Les champs parfois viennent me manger dans la main
lorsque leur marée s'arrête juste à mon seuil ;
ils ressemblent
à une bête apprivoisée
géante qui draine en son mouvement
tout l'air.
Et c'est alors que je caresse leurs longs plis
un à un, que leur houle
entre dans ma maison
pour en repousser les murs
et l'illuminer.

 

FB, 24/02/2019

 

Photo par l’auteure (FS, 6/02/2019)

 

Merci à Patricia de m’avoir permis de faire partager ces beaux poèmes cueillis sur Facebook, en ce printemps précoce de février…

 

 

Laurent VIVAT

choix Michel Ostertag

 

 

Arrête de te plaindre
Répondit le grand mage
Il est grand temps pour toi
De vivre au lieu de craindre

 

Et dire et faire et croire
Voilà ce que tu dois
Pour aller sur les traces
De celui que tu es

 

Dire ce qui est beau
Pour que tout le devienne
Et faire ce que tu dois
Pour enfin être libre

 

Puis croire en ce destin
Qui n’existe qu’en toi
Et implore l’entends-tu
Que tu le réalises

 

 


Coup de cœur

Paul Farellier, choix Dominique Zinenberg

Catherine Jarrett, choix François Minod

Patrick Laupin, choix Mireille Diaz-Florian

Patricia Laranco, choix Dana Shishmanian

Laurent Vivat, choix Michel Ostertag

 

Francopolis janvier-février 2019