ACCUEIL



Coup de coeur : Archives 2010-2013

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent, toujours intéressant et en mouvement.
Nous redonnons vie ici  à vos textes qui nous ont séduit que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.


Poème Coup de Coeur du Comité

DÉCEMBRE  2013

Georges Noël  Coldold
Salah Al Hamdani
Joséphine Bacon
Yves Elleouêt




GEORGES NOËL COLDOLD

Georges Noël Coldold, poète martiniquais, choix de Éliette Vialle 

Sonnet de la lune brisée

Ténu, fragile et pâle ainsi qu’un éphémère
Fraîchement libéré de l’alcôve larvaire,
Un croissant lumineux, mince comme un coup d’ongle,
Raye la soie ténébreuse au-dessus de la jungle....

Et la voûte étoilée, partout où mes yeux portent,
Est un écrin trop plein déversant l’or du ciel
En gerbe par milliers, bien nonchalante escorte
Dérivant dans la nuit, sous l’éclipse partielle.

Cette lune est timide, une vraie jouvencelle.
Le moindre des sursauts la ferait s’évanouir
Tel son reflet dans l’eau que je vois tressaillir,

Ravivant son éclat dans les flots argentés
Dont le miroir brisé, à chaque volte-face,
Danse en mille morceaux scintillants de clarté.


SALAH AL HAMDANI


Salah Al Hamdani, poète d'origine irakienne, choix de Dana Shishmanian

Ailleurs sur un trottoir

I

Cette vie court comme mon regard à travers ce matin
fleuve qui abandonne ses rives


Visage unique
vagabond de la mémoire
vol infondé
cruauté de la pensée
douleur en lave
L’aube, encore l’aube
à portée de la main
et ce jardin tenu en laisse
dans le regard d’un mendiant venu de nulle part

II

Qu’elle glisse, oui, qu’elle glisse ma vie
le long de cette aridité
tout près
comme à distance encore
d’une nuit
sans toi

L’exilé est le témoin d’une humanité
qui s’achève au pied du jour sur son propre carnage
alors que ton absence
à la croisée de l’attente
est une improbable parole
et que les mots d’un mourant
soufflés avec la buée
restent sans mesure


III

Existence macabre, tenace
reflet persistant de soi
dans la vallée sans retour
lumière obscène
increvable illusion de vie
à l’envers
à l’envers
et soudain l’envie de trembler dans tes bras


IV

Dans l’insoutenable brasier des instants
le fleuve ne livre plus ses noyés
sa frustration interminable face au regret
celui de ne pas clouer le portait de ton aube
et les écrits inachevés de l’exil

Me jeter à corps perdu dan ton miroir
me figer aussi, comme l’armoire derrière la porte
comme cette tâche de lune sur le muret
près de toi
tout près de toi
à te laisser partir
à te laisser venir
sans lendemain
comme une jument lancée à l’orée de sa perdition
    me perdre
    justement

Salah Al Hamdani
Extrait du recueil Le Balayeur du désert,
éditions Bruno Doucey, 2010

  
JOSEPHINE BACON

Joséphine Bacon, poète innue, de la réserve indienne Pessamit, choix Gertrude Millaire
Je cherche l'horizon

J'ai vu des horizons
que je n'ai pas atteints
des aurores
M'attendaient ce matin
où je te cherchais
et tu n'existais pas
Maintenant, je vais
où l'on t'a vu et tu
n'échapperas plus
à mes songes
Je te retrouve
dans un rêve
qui nous rassemble
 
J'aimerais passer des mots tendres
attraper la parole
marcher sur le nuage
accueilli par la mer
m'envoler avec l'azur
revoir ces yeux
ce regard partagé.
 
extrait (lire et entendre le poème sur Francophonie des Amériques)

Elle a travaillé comme traductrice interprète, et avec sagesse, elle a appris à écouter les paroles. Elle dit souvent d’elle-même qu’elle n’est pas poète, mais que dans son coeur nomade et généreux, elle parle un langage rempli de poésie où s’entend l’écho des anciens qui ont jalonné sa vie.
Joséphine est cette femme de parole vraie - et, à travers elle, celle aussi de tout un peuple porteur d'une tradition millénaire - qui lance ici un cri à tous : " on ne tue pas l'origine, la nature et la culture sans, du même coup, tuer l'avenir, l'enfant et la mémoire en chacun de nous. "
Publications:
- " Bâtons à message " (Éditions Mémoire d’encrier, 2009), qui a reçu le Prix des lecteurs du Marché de la poésie de Montréal 2010,
- " Un thé dans la toundra " chez
Renaud Bray

 
 
YVES ELLEOUËT


 Yves Elleouêt, choix André Chenet
Au pays de lointaine mémoire

c’était les grandes outres du ciel
dans un pays de lointaine mémoire
c’étaient profondes et vieilles les hantises
c’étaient les bûchers où bascule
l’échelle cagneuse du nécromant
et le vent crève sous les tripes outremer

la nuit couchée sur les troncs couchés
les bourrasques dans le cœur d’août
la pluie veuve et se traînant
c’était l’août bourru et moite
l’août au ciel ras l’août des épidémies

on se battait dans la cécité des murs
dans la pierre levée des clochers
là je vivais environné de doubles
au large des fermes et des meules
lettre vide attendant le souffle et la voix


Sa biographie sur Wikipedia

Coup de coeur
Éliette Vialle, André Chenet,
Gertrude Millaire, Dana Shismanian

Francopolis, décembre 2013



Pour lire les rubriques des anciens numéros :

http://www.francopolis.net/rubriques/rubriquesarchive.html