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Coup de coeur : Archives 2010-2011

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


A Francopolis, la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés. Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent, toujours intéressant et en mouvement. Nous redonnons vie à vos textes qui nous ont séduit que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.

Février 2011

Poème Coup de Coeur du Comité


choix de Juliette Clochelune...  Patrick Packwood
choix de Gertrude Millaire...... 
Hector de Saint-Denys Garneau
choix de Lilas......................  Cristina Castello
choix d'Eliette Vialle............. 
Patrick Delaplace-Trinquet  
choix de Michel  Ostertag..........  Marcel Peltier






   PATRICK DELAPLACE-TRINQUET

Patrick Delaplace-Trinquet est un auteur que j'ai découvert grâce à une amie, ses textes sont poignants et torturés. (Éliette)



arbre de Pat

Dans les forêts entremêlées de nos angoisses, de mornes défilés aux feuillus éteints aux feuilles fanées, de bourgeons mourant à peine nés, l'arbre grand tronc flottant honoré pour lui même, côtoie sans même le savoir l'Arbre de vie. Arbre au grand tronc flottant, tes prières s'enlisent, racines rouges gonflées, écorces écaillées de bleu, déchéance du paradis perdu, vieille conscience partagée, superposés les yeux de ceux qui sont ici, s'enivrent de l'inconscience du houppier pour s'abimer dans l'ivresse et la crasse du fruit défendu.
Paradis perdu, conscience poudreuse clonée à l'arrogance, fier qu'on la fabrique, ici dans ma terre, là-bas en Palestine, la haine qui les prend et tout ce déshabillage carnavalesque s'immerge dans ce besoin de l'autre, glaise inavouée à proportion des futilités de l'anonymat, ah ! pauvre Noé croyant s'enivrer seul dans sa vigne, fallait-il qu'il eut un fil pour lui rappeler sa nudité ! De la conscience perdue à la terre promise, d'Abraham à Christ, le palestinien s'estime encore débiteur du droit ulcéreux et la nouvelle Jérusalem venue combler le vide par le bas de contention, sérénité des faux nantis aux écorces déguisées de la victime désignée et consentante, il en est ainsi des terres où tout n'est qu'eczémas !
Dans les forêts entremêlées de nos angoisses, seule la foudre est lucide, de chaque tronc la sève coule dans la détresse de la résine, on regarde moisir la mousse, le feuillage, à bout de force la forêt est livide et pourtant, il est une autre terre qui blanchit tout le jour, où la limpidité du jardin laisse éclater sa joie, elle n'habite pas l'hier de l'exil, ni même la promesse d'un demain, mais bien dans la seule promesse de vérité où tout fut dit dans l'aujourd'hui d'un arbre révélé : Tout est consommé !


MARCEL PELTIER

Il a été professeur de mathématique pendant 38 ans, à la retraite depuis 1994, réalise maintenant un rêve : écrire de la poésie, non point imiter, mais tenter de trouver un style personnel. Un premier recueil a été publié en 2000, l'éphémère vérité, chez l'arbre à paroles
Il est membre sociétaire de l'association des écrivains belges de langue française.
Il est le récipiendaire du
Prix de Vulgarisation Scientifique de la Province du Hainaut - Prix Tobbie Jonckheere de l'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique et du Prix de la Communauté Wallonie-Bruxelles au concours de poésie Pyramide 2000
 
Plusieurs revues-papier publient ses textes: Le Spantole/ Traversées/ L'Arche d'Ouvèze/ Inédit nouveau/ Dixformes-informes/ An +/ La Pensée Wallonne/ Bleu d'encre/ Plumes et pinceaux.
Il est également possible de le lire sur les sites:

 An Plus - La Page Blanche - Écrits-vains (théma: tempêtes) - Temps Libres (La vie ordinaire).
(Michel Ostertag)

«Pour me qualifier : homme libre à la recherche d'un absolu ?» dit-il.


La fuite du temps

et le fou patient s'approche du temps entend un autre tic-tac tic ou tac se penche en avant pour mieux entendre le balancement des feuilles à contre-temps bascule dans le vent simple passe-temps le presse contre son coeur pendant quelques instants et le fou mécontent attend que la mer se calme en une valse à quatre temps que la barque ne prenne plus l'eau à l'avant contrefait le chant du loup car des gens il s'en fout le fou et le fol impénitent se moque de tout de l'herbe tendue vers l'océan des étoiles en l'air de l'espace-temps d'Einstein di bataclan de la bombe à retardement qui l'attend le fou se dévêtant déguste la douceur de la fleur écoute battre son coeur s'enivre de l'odeur du printemps il a bien le temps le fou le fou sans la moindre peur...




HECTOR DE SAINT-DENYS GARNEAU

Ce poète joue des mots comme il peint un tableau: il reproduit ce que ses sens captent et ce que son cœur ressent".
Sa poésie marche dans mes pas et je marche dans ses pas. Il sera reconnu plus tard, après sa mort, comme un précurseur de la littérature moderne québécoise.  Il meurt à l'âge de 31 ans, suite à une crise cardiaque.(Gertrude Millaire)


ACCOMPAGNEMENT

 

Je marche à côté d'une joie

D'une joie qui n'est pas à moi

D'une joie à moi que je ne puis pas prendre

Je marche à côté de moi en joie

J'entends mon pas en joie qui marche à côté de moi

Mais je ne puis changer de place sur le trottoir

Je ne puis pas mettre mes pieds dans ces pas-là

                              et dire voilà c'est moi

Je me contente pour le moment de cette compagnie

Mais je machine en secret des échanges

Par toutes sortes d'opérations, des alchimies,

Par des transfusions de sang

Des déménagements d'atomes

                              par des jeux d'équilibre

Afin qu'un jour, transposé,

Je sois porté par la danse de ces pas de joie

Avec le bruit décroissant de mon pas à côté de moi

Avec la perte de mon pas perdu

                              s'étiolant à ma gauche

Sous les pieds d'un étranger

                              qui prend une rue transversale.

 ***

à lire...
Sa biographie
Et ses poèmes


                                                                    
                       

CRISTINA CASTELLO

Un poème de Cristina Castello qui, parmi d'autres lus aussi dans Orage, est de plus en plus d’actualité. (Lilas)


Jasmins et bourreaux

Un peloton de bourreaux poursuit
Les jasmins qui dansent avec la brise
Libanais, Palestiniens, Humains.
Les soleils se meurent sur leurs paupières
Leurs horizons sont tranchés aux ciseaux
Ils se nourrissent de pleurs ravalés
Et dans leur âme ils bercent une colombe morte.
La sève les repousse et la mort les saccage
Tous les firmaments leur sont défendus
La prière vers un dieu sourd sillonne leurs haillons
Et à chaque bataille Thanatos l'emporte sur Éros.
Les cloches ne sonnent plus des angélus de pétales
Les clochers épouvantés sifflotent des squelettes.
Tels des feux d'artifice le pouvoir lance des missiles
Qui se brisent dans un fracas de bombes et d'ossements.
Et ils meurent en s'avortant, telle une fleur avant d’être née
Mais quoi, que fais-je avec ma seule voix qui brame.
Des millions d'étoiles suicident mes joues
Pendant que mon âme traverse la galaxie des cèdres
Pour que  l'univers s'abreuve dans des nids-calices
Pour  des bouquets de petits pieds de bébés bien nourris
Pour un ciel qui dirige l'orchestre d'un coeur d'anges
Et un lit qui fasse naviguer les jasmins sur les mers, vers la paix.

(traduction  Pedro Vianna)




PATRICK  PACKWOOD

Patrick Packwood est un auteur québécois déjà publié sur Francopolis et ailleurs. Il nous a offert quelques textes formant un recueil en cours et j'ai été touchée par ce texte-ci en particulier :"entre deux planètes s'est tapi le noyau dur de la tendresse". J'adopte ce noyau dur de la tendresse, je le roule en mon coeur, qu'on ne le casse pas... (Liette Clochelune)


LE NOYAU DUR DE LA TENDRESSE

sous le vernis dort le nœud
tourne en rond
à s'ennuyer de sa branche
en jours concentriques 

brille la patine de l'attente
l'usure à ne rien faire
la tension agrippe le néant
cerne le cœur
artères luisantes après la pluie

autour d'un point
les forces s'abattent
enclume à tête d'écume
sur le noyau dur de la tendresse

* 

l'onde choque la mer longe deux planètes au pléistocène
volcan
des cendres descendent en capuchon rabattu
la grisaille-cisaille scelle les cils contre l'émeraude
donne un air de cambrioleur au cœur

le chien hurle hurlera les échos de granit
radeau sur le magma
perfusion en la veine minérale
l'aiguille glisse sur la dérive des sentiments
se casse sur les plaques tectoniques

le temps n'a plus la distance
et la distance n'a plus le temps

scories noires de gris
entre deux planètes
s'est tapi le noyau dur de la tendresse

*

le vent fou virevolte
à la rencontre de deux atmosphères
deux couleurs de ciel
l'astre darde ses flocons
la pluie brûle la peau
le brouillard ouvre des horizons bleus
que le langage ne peut nommer
plus purs que l'air
plus liquides que l'eau
remplis de plus de bruissements que la forêt boréale

il y aura des cendres
des nuages de douleur pour secouer le cœur
le maintenir en cette vie qui n'est pas de la tarte en forme de soleil

le vent fou charrie des particules embryonnaires de destins
des semences sur une île en équilibre par la gravité de vivre entre deux planètes

*

le vent fou démonte la mer torture une rivière berce l'île
caresse de semis que les jours nommeront peut-être
la lave durcie se couvre d'herbe douce
mais pas avant que le gel ne la fende et que des arbres y germent

une pointe de tarte vagabonde dans les cieux
se lève se couche
ballotte un sablier sur la plage

*

le vent fou a apporté des herbes folles
deux arbres surgissent parmi elles
parfois leurs feuilles se frémissent
leurs ombres s'entremêlent
dans les fantaisies des tartes sauvages qui hantent les voûtes trop bleues

un jour leurs branches seront chargées
d'inventions qui auront des noms de fruits
fidèles à leurs racines
ancrées dans le noyau dur de la tendresse







coup de coeur de
   Eliette Vialle - Michel Ostertag - Gertrude Millaire
Lilas -  Liette Clochelune

   février
2011

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