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Coup de coeur : Archives 2010-2013

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent, toujours intéressant et en mouvement.
Nous redonnons vie ici  à vos textes qui nous ont séduit que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.


Poème Coup de Coeur du Comité

FÉVRIER 2014

Michel Bourhis
Serge Mathurin Thebault

Jean Metellus
Sire Ibn Angel
Louise Gagnon





MICHEL BOURHIS

Michel Bourhis, vit en Corse, choix de Michel Ostertag

POUR TOI

Pour toi j'inventerai des mondes de couleurs.
Aux palettes de bleu, apparaîtront des fleurs
Qui mêleront l'amour à l'azur magicien
Dont la porte sera l'arc-en-ciel de tes yeux.
Pour toi j'inventerai des rivières de mots.
Aux encres de tes yeux, m'emporteront les flots
Qui écriront nos vies dans le grimoire ancien
Dont le secret dira combien je suis heureux.
Pour toi j'inventerai une mer symphonique.
Aux vagues de ton corps, s'écriront les musiques
Qui berceront nos nuits dans un chant vénitien
Dont le refrain sera le bonheur d'être deux.


**

CE SOIR ENCORE

L'odeur ?
As-tu senti l'odeur de ces grands incendies,
Ame insensée, frémissant aux lointaines fumées?
Ce soir, ce soir encore,
Je repars chez les fous, enivré de clameurs,
Aux cathédrales écarlates de rages assassines,
Et la spirale sans fin des chevaux carnivores
S'emballe soudain.
Aux horizons sournois,
Les lueurs allumées par des mains inconnues,
Divinatoires éclairs aux senteurs de sang, m'appellent.
Et je danse dans la nuit, nu, la poitrine rougie,
Martelée de métal, de chants, de hauts tambours.
Puis, narines dilatées,
Humant le chuchoté,
L'insinué,
Le prudent sur les sentes obscures,
Je m'en vais au carnage secret des embuscades sombres,
Visage charbonneux, zébrures végétales,
Regard cyclopéen où vacille la mort,
Une fois encore.



***
TANGO

Les notes du tango flottaient dans l'air humide
Des ruelles du port et s'envolaient du bar,
Dans les relents de bière et d'anisette.
Un danseur mal rasé risquait trois pas
Sur la piste vide, au bras d'une brune
Et le bandonéon pleurait l'exil.
Sous les néons tremblant au spleen du matelot,
Visages émaciés, tristesse de comptoir,
J'étais le figurant du zinc humide
Où s'étalaient billets froissés, mouillés,
En acompte des gerbes à venir
Et le bandonéon pleurait l'exil.
Ailleurs une autre vie, ailleurs une autre fille,
Mais toujours dans l'air humide du port
De bistrots latinos en bouges de Manille,
Et cet air de tango, comme un parfum
Sur la peau moite et grasse des putains
Et le bandonéon pleurait l'exil.
Bourlingueur embarqué sur un tabouret ivre,
Pour quelques billets verts,
Une autre vie, un autre port,
Et toujours cet air de tango…



Michel Bourhis, est un poète reconnu et aimé de tous les amoureux de poésie qui le lisent sur le Net, notamment sur Facebook.  Je l’ai connu à l’époque du site www.ecrits-vains.com où il a été un des acteurs principaux de la vie passionnante de cette époque. L’anthologie qui a été consacrée aux 10 ans de ce site en collectant un grand nombre de poèmes parus dans les pages du site, Michel Bourhis figure aux meilleures pages. N’hésitez pas à vous rendre à cet ouvrage : http://ecrits-vains.com/recueils/AnthologieThematiqueEV2008.pdf vous y connaitrez un moment de réel bonheur. Michel Bourhis vit en Corse.


JEAN METELLUS


Jean Metellus, médecin de l’âme humaine choix de Dana Shishmanian

La main douloureuse

Térébrante
Telle une vrille à la vis aiguisée
La douleur jaillit
Intermittente
Comme une palie qui s’ouvre et se ferme
Indéfiniment et très lentement
Elle va et vient
Laissant respirer la paume
Pour ressurgir de nouveau
Au même endroit ou un peu plus loin
Avec plus d’acuité et de ténacité
S’étendant volontiers
Se repliant parfois
Pour regagner l’instant d’après
Selon son bon vouloir
Des territoires jusque là épargnés


Douloureuse et mobile
La main sollicite le regard
Car elle s’agite
Défiant le corps entier
Jusqu’à l’esprit brouillé par l’anxiété
Elle gicle sur tous les espaces sains
Les menace de son histoire
La main douloureuse
A caresser
A soigner
A secouer
A libérer
La main minutieuse et pointilleuse
A l’avant-garde de toutes les rencontres
La main de la preuve et de la volonté
La main qui n’obéit qu’à elle-même
Impuissante devant la souffrance


Ponctuelle et brève
La douleur
Mais toujours menaçante
Pointillant tout l’espace
Méticuleusement
S’en allant et revenant
Irradiant au bord et au centre
Brisant toute quiétude
La douleur lancinante
Remuant l’être tout entier
Annihilant toute résistance
Insultant toute décision
La douleur au creux de la main


La main douloureuse implore le pardon
Car elle se veut allègre et dispose
Prête à participer à l’élévation de l’esprit
Pour enthousiasmer et enflammer le cœur
A dénombrer sans plaisanter
A faire mûrir les fruits trop verts
Et à tisser des exploits
Pour faire jaillir la gloire
La main douloureuse épie la pensée
En attendant de somptueuses récoltes
Elle regarde la paume
Déchiffre ses plis ses boursouflures
Ses creux et ses monts
Elle entre en méditation
Dans l’attente
Dans l’attente de jours meilleurs


Tous les étages de la main
De la chair rose en traversant les muscles
Jusqu’à l’os où s’agrafaient les fibres
Connaissent ce déchirement
Cette morsure et cette mutilation
Entaille, coupure indéfiniment répétée
La surface de la paume brûlait
Comme s’il allait en sortir du feu
Comme percée, criblée, perforée
Par un dard acéré
Comme si une pique ou un pique-feu
Se mettait à tournoyer
Et voulait cuire, tisonner ou brûler
La pauvre chair impassible
Et voulait étendre
En surface
Et en profondeur
Puis à distance
Et jusqu’aux os
Cette douleur insupportable
Châtiment exemplaire du mutisme de l’esprit

Extraits du recueil La Main et autres poèmes,
Les éditions de Janus, 2010


On n’ouvre pas sans frémir un recueil de Jean Metellus… La justesse, l’intensité, le concentré de sens de chaque mot, l’économie et l’élégance du phrasé, la force du message, le sentiment de reconnaître une vérité humaine permanente et universelle dans chaque poème, sont les signes qui ne trompent pas du fait qu’on se trouve devant un très grand poète, une de ces personnalités qui font bouger les montagnes… Et ce, en toute humilité, sans aucune emphase, sans prétention, sans rhétorique. En partant d’ici bas, ce médecin de l’âme humaine nous a laissé une œuvre dense et riche comme une forêt près d’un fleuve, pour nous en abreuver sans peur d’épuisement de l’eau ni de la sève de vie ; et une leçon de simplicité et de foi… dans l’humain le plus immédiat, tel la main et les doigts, expression directe du cœur, mutisme de l’esprit, souffrance, peine, et guérison…
Dana Shishmanian

  
SERGE MATHURIN THEBAULT

Serge Mathurin Thebault, choix Éliette Vialle -
En la cinquième journée de l’an 2014, je vous apporte ses vœux. J’y ajoute trois courts poèmes pris dans le fouillis de mes errances. Je les souhaite bons ambassadeurs sur le poitrail de vos murs pour vous souhaiter le plein de poésie tout au long de l’année.
Art poétique

Chaque soir faire
sa collecte de poèmes
sans savoir
si la pêche sera miraculeuse
Il n’y a pas d’aisance
dans cet exercice là
La facilité induit l’erreur
Il n’est pas de pire chose
Que de se laisser aller
Il n’est pas de pire chose que le contraire

**
Le pot de confiture

Qui aime ce que j’écris m’embarrasse
Qui me lit je lui rends grâce
D’y trouver un peu de miel
Pour son pot de confiture
Mais avant tout singulièrement
Dans mes habits d’épouvante
Ce que je sers ce que j’invente
Paradoxalement
S’adresse au moi des autres

***
L’éculée

Toujours
la sempiternelle question :
« Poète,
comment faites-vous
pour gagner votre vie ? »
Je ne la gagne pas, je la vis !




SIRE IBN ANGEL


Sire Ibn Angel,poète sénégalais, texte tiré du recueil  ''Vole et séduit les vents, choix Khalid El Morabethi

Les larmes enfouies au fond de son cœur 
Sa dignité rangée au fond d’un tiroir
Elle préfère vendre son corps 
Pour pouvoir s’en sortir

Ni père,  ni mère 
N’auront mot à dire 
Puisqu’elle nourrit
Même si sa vie devient de plus en plus pourrie 

Fille des nuits
Celle qui arpente les ruelles sombres à minuit
Celle qui brille plus que les réverbères
Longe les murs tous les soirs,  à pas débonnaires

Fille des nuits, n’avais-tu pas d’autre choix
Que d’emprunter cette voie ?
Vendre ce que Dieu t’a donné de si pur
Ton âme que tu as jetée aux ordures

Tu tendras les mains vers le ciel un jour
Pour demander pardon et ce sera trop tard.

'' Le recueil de poèmes Vole et séduit les vents reflète les maux de la société. Le jeune auteur Sire Ibn Angel y relate des thèmes comme la prostitution, le viol, des sujets réputés sensibles et rarement portés sur la place publique. Paru aux éditions Diasporas noires, le jeune écrivain sénégalais a adopté ce style pour, dit-il, «ne pas heurter la sensibilité de certains». Aussi des thèmes comme la prostitution et le viol, qui gangrènent les sociétés s’y retrouvent dans une perspective d’éveil des consciences. Lire la suite ici


 
LOUISE GAGNON


Louise Gagnon, elle vit dans les Laurentides et partage son temps en 3 passions : Voyage, Peinture et Poésie, choix Gertrude Millaire

Depuis le ciel pend
une corde
ses fils échevelés frôlent le sol
la quête se balance au vent

Au bout  l’herbe
au bout la chair, la corde
une paume offerte
une main
ample longtemps caressante
qui s’étend et s’exhibe

Nous courons, nous courons
pour l’attraper

Depuis le ciel pendant
dans l’air, le ciel, se taire
le ciel se tait

….

Autour de son cou, le nœud
d’autres coulaient

et moi

suspendu au fil, je m’accrochais
mettant du gris dans du noir
comme si je savais la lumière.

( extrait - Le fruit, le don, publié dans la Revue
«  En Route Air Canada- 10/2013 » « Elle agence les images et les mots afin de passer du silence à la parole » - 1er Prix Poésie. 


Coup de coeur
 
Michel Ostertag, Dana Shishmanian,
Éliette Vialle, Gertrude Millaire
et Khalid El Morabethi
Francopolis, février 2014


Pour lire les rubriques des anciens numéros :

http://www.francopolis.net/rubriques/rubriquesarchive.html