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Coup de coeur : Archives 2010-2013

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent,
toujours intéressant et en mouvement.

Nous redonnons vie ici à vos textes qui nous ont séduit
que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.


Poème Coup de Coeur du Comité

FÉVRIER 2015


  Eric Dubois
Gwen Garnier-Duguy
Rozema Sterlin C.
Robert Villemus
Saint-John Perse
Serge Maturin Thébault 




DUBOIS ERIC


Éric Dubois, poète français, choix Michel Ostertag

Il faut laisser les mots

Il faut laisser les mots
entrer dans les rêves        

                  Délivrer le silence
 
Les mots dessinent les chemins
suivent les traces de pas
Il est de la mémoire comme du temps comme l'eau à son puits 

Mai 2013 ERIC DUBOIS 
(Poème publié sur le site Les tribulations d'Eric Dubois, le 5 mai 2013)
 
(Au mois de janvier dernier, l'actualité poétique a été illustrée par l'acte du poète Éric Dubois de lancer un appel sur le site  le bon coin, pour convaincre le public à acheter ses recueils de poésie.
France-Info dans son émission L’autre Info de Guy Birenbaum a relayé la démarche du poète.


 GARNIER-DUGUY GWEN

Gwen Garnier-Duguy, choix Dana Shismanian
La vie devant
                     pour Pascal Boulanger

Pas de théorie du langage
pas de stratégie pas de plan
Avec leur charge de plain-temps
les événements sont considérables
À travers les fruits du hasard
se meut le poème du monde
La vie est une apparition
à la recherche de sa forme
La figure c’est l’homme
Pas de glose pas d’exégèse
pas de machine intellectuelle
la transe des êtres
dessine la constellation du sens
Pas de discours pas de thèse
le poème réfléchit l’univers
dans la palpitation de son surgissement

***

Polaris vox

Vous aurez beau secouer la cape de la nuit
Pour déraciner les étoiles
Beau démembrer le Corps du Monde
Beau profaner l’Univers
Vous n’obtiendrez que je n’habite
La Petite
Ourse
Vous n’empêcherez le chant des sphères.
Je suis votre Nord
Le Nord de la Terre
Un phare céleste.
À marcher sur la voie obscure
Le regard fixant mon soleil
Le regard gorgé de merveilles
Vous marchez sur la voie de l’Homme
Vos pieds renouent avec la Terre
Qui se reforme sous vos pas
Je suis votre Nord la mer intérieure
L’antique
Méditerranée amniotique
Qui coule encore bleue dans vos veines
Et oxygène
Les territoires ignorés
À l’œuvre sous la voute-infini de vos crânes
Je suis votre Nord la Présence
Dans la boussole perdue de vos orbites
Dressant ma fureur créatrice
Contre tout ce qui attente à la vie
Enfoncez-vous dans la forêt
L’Esprit qui porte le secret
Vous y rencontrerez peut-être
Alors
À bras le corps
Il s’agirait d’embrasser son feu
Affrontez mes sentiers, mes à-pics
Avec pour arme de guerre
Votre insolent refus d’échec
Votre âme chargée d’explosifs
Au cas où le chant des sirènes
Tenterait de dévoyer vos vœux.
Par une volonté de bure
Votre chair serait d’or, de myrrhe
Et la soie de votre pensée
Se laisserait déchirer
Par vos ailes de papillon
Et si vous peuplez le cosmos
Au fil de votre aventure
Faites-y couler le Jourdain
Répandez le Tigre, l’Euphrate
Abreuvez les constellations
Des crues d’un Nil qui vous regarde
Mais n’oubliez pas que toujours
Même si vous peuplez l’Espace
Je demeurerai dans vos cœurs
La pulsation salvatrice
Je suis votre Nord l’insoumis
Votre Nord la révolution
Car je ne veux plus de ce monde
Je suis votre Nord l’oranger
Jardin suspendu à vos lèvres
Jardin suspendu d’espérance
Entre terreur et violence
J’ondule dans un feu montant
Je suis votre baiser de l’ange.


Poèmes extraits du recueil Le corps du monde, préface de Pascal Boulanger, Éditions de Corlevour, 2014.


ROZEMA STERLIN C.

C.Sterlin Rozema, poète haîtien, choix Gertrude Millaire

Aujourd'hui

               C Sterlin Rozema

plus tard peut-être
l'âge bondira sur moi
le coeur comme un vieux coffret pourpre
visage fuyant
encore épuisé
dans la pirogue perdue

plus tard peut-être
sourire absent d'homme bouleversé
aux impasses de la terre

plus tard peut-être
la délivrance du jour

et peut-être
l'éternelle nuit du néant

peut-être
la vie m'échappera
jusqu'à la nudité de mes os

et peut-être
jusqu'au flanc meurtri de la terre
les yeux cruels de mes îles rongées
devant l'horizon rituel du chaos

(texte sur Facebook-Collectif Francopolis)

N.B. Je me tourne vers le peuple haïtien... avec une pensée spéciale
comme un signe d'encouragment amical en ce 5ième anniversaire du Grand Tremblement de terre.

  
  VILLEMUS  ROBERT

 Robert Villemus, auteur français, choix Éliette Vialle
Mélancolie

Mélanger les pleurs du jour et les blancheurs de la nuit
Souffrir des torpeurs du présent et craindre les clameurs du futur
Voir venir le temps du destin parsemé de vinaigre et de sels
Prostré ou chancelant
Ignorant les désarrois d’une âme malmenée.
(4/02/2013)

*
L’esprit du vide

Sur un fil translucide
Tout doucement l’aiguille pique la curiosité
Et avant le vide suspend le vol léger de l’âme.

*
Écrire

Écrire sur des murs invisibles
Écrire sur des visages inconnus
Écrire des partitions inachevées
Ou ne pas écrire, perdu au port de l’angoisse…

Extraits de "noces païennes "
blogourt messirazur-Robert Villemus-Grasse 06

(Ecrit aussi pour le théâtre)



SAINT-JOHN PERSE
 
  Saint-John Perse, nous vient des Antilles, choix Dominique Zinenberg

AMERS

... Étroits sont nos vaisseaux, étroite notre couche.
Immense l'étendue des eaux, plus vaste notre empire
Aux chambres closes du désir.

Entre l'Été, qui vient de mer. A la mer seule, nous dirons
Quels étrangers nous fûmes aux fêtes de la Ville, et quel astre montant des fêtes sous-marines
S'en vint un soir, sur notre couche, flairer la couche du divin.

En vain la terre proche nous trace sa frontière. Une même vague par le monde, une même vague depuis Troie

Roule sa hanche jusqu'à nous. Au très grand large loin de nous fut imprimé jadis ce souffle...
Et la rumeur un soir fut grande dans les chambres : la mort elle-même, à son de conques, ne s'y ferait point entendre!

Aimez, ô couples, les vaisseaux; et la mer haute dans les chambres!
La terre un soir pleure ses dieux, et l'homme chasse aux bêtes rousses; les villes s'usent, les femmes songent...
Qu'il y ait toujours à notre porte
Cette aube immense appelée mer – élite d'ailes et levée d'armes, amour et mer de même lit, amour et mer au même lit - et ce dialogue encore dans les chambres :

II

« ... Amour, amour, qui tiens si haut le cri de ma naissance, qu'il est de mer en marche vers l'Amante!
Vigne foulée sur toutes grèves, bienfait d'écume en toute chair, et chant de bulles sur les sables... Hommage, hommage à la Vivacité divine!

« Toi, l'homme avide, me dévêts : maître plus calme qu'à son bord le maître du navire. Et tant de toile se défait, il n'est plus femme qu'agréée. S'ouvre l'Été, qui vit de mer. Et mon coeur t'ouvre femme plus fraîche que l''eau verte : semence et sève de douceur, l'acide avec le lait mêlé, le sel avec le sang très vif, et l'or et l'iode, et la saveur aussi du cuivre et son principe d'amertume – toute la mer en moi portée comme dans l'urne maternelle...

(extrait)
Saint-John Perse. Amers suivi de Oiseau et de Poésie. Paris : Poésie/Gallimard, 1970.


THÉBAULT MATURIN SERGE


Serge Naturin Thébault, poète français, choix François Minod

Un œil

L’œil est vert
Il miaule sous la paupière

Il pleure le vent qui murmure
Le bruissement des feuilles
Dans l’azur et les nervures
D’un chant que l’ombre recueille

Il ne geint pas il cueille
Gouttes à gouttes l’image
Que la rue propage
Il n’a pas froid il veille
Net, fixe, le front sur lequel
Se pose un bouquet d’hirondelles

Ce n’est pas grand-chose un œil
C’est un phare qui côtoie le deuil
Un espace chaque jour à faire
                           Et à défaire…

Serge Maturin Thebault,  
in AA, Editions@rt .chignaned, collection « Ecole alréenne », 2011



Coup de coeur
 
Dana Shishmanian,Michel Ostertag
Éliette Vialle,
Dominique Zinenberg,
Gertrude Millaire et François Minod  
Francopolis février 2015

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