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Coup de coeur : Archives 2010-2011

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent, toujours intéressant et en mouvement.
Nous redonnons vie ici  à vos textes qui nous ont séduit que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.


Poème Coup de Coeur du Comité

JANVIER 2013

Patricia Laranco
Béatrice Douvre
Natacha Kanapé Fontaine
André Laude



PATRICIA LARANCO

M

Patricia Laranco,
derniers poèmes 2012, choix d'Éliette Vialle

 

La lumière filtre au travers des longs nuages, platinée,
elle débroussaille peu à peu le grand fouillis de grisaille

puis c'est au tour du soleil de s'installer, vaste papillon
qui s'en vient s'insérer entre les mur et y battre des ailes.

*
Simili-haïku :

L'éventail roux de la lumière
se pavane dans mes carreaux :
beau et cuisant matin d'automne

*

NE M'EN VOULEZ PAS !

Ne m'en voulez pas, je ne suis
qu'un poète fait de cristal,
je promène mon corps plus fin

que la toile d'une araignée;
je le vois traverser les murs
et le regard absent
des gens,
nul n'aperçoit ni ne ressent
mon errance de neutrino.

Comme c'est le temps d'Halloween
je vous dirai peut-être que
je suis un fantôme égaré,
une ombre qui qui existe
à peine...

Ne m'en voulez pas, je ne suis
qu'un rien tout juste perçu
en pénitence dans le Temps
ne vous mettez pas en colère !
Ne déchaînez pas contre moi
les foudres de l'indignation,
s'indigne-t-on d'un blanc flocon
de coton, d'un grain de pollen ?
A-t-on le temps de mépriser,

de bousculer un souffle d'air,
un flux de gaz évanescent ?
Ne vous impatientez pas de
mon étrange inutilité,
de mes quêtes inusitées,
de mes trébuchements sans fin
car en tout et pour tout je suis
un poète mal équipé,
mal fagoté, mal embouché,
tout à la fois le magasin
de porcelaines et l'éléphant.

*

L'âme contemplative
n'a besoin de rien.
Partout où elle est,
elle contemple et saisit
la plénitude à l'intérieur de l'univers

et elle sait en faire de suite
son miel.




BÉATRICE DOUVRE



Béatrice Douvre, choix de ces trois poèmes de Dana Shishmanian

De joie et d’ombre

Ange, car il fallut bien le langage
L’ordre exilé malgré la grâce
Ange d’ombre pour dire et l’épaule pour prendre
Appui sur le chemin de la chute à l’effroi

 
Es-tu jamais aimé, parfois tu te demandes
Si le Verbe repose au fond du geste d’homme

 
Sais-tu la joie quand l’espérance épuise
L’enfer léger de chaque jour
Le splendide soir de sang ainsi qu’une chaleur
Où la chair en marchant s’accroît de la substance

 
Ange, ma mort passée mon martyre témoigne
J’ai l’âge dangereux de la si vive absence
Ta beauté maintenant me regarde pourquoi
Ange de joie, pourquoi tant d’ombre où je souffris ?

 

La lumière eut tremblé

Adieu profondément, quand la lumière tremble
Sur des feuilles de sang, comme un rehaut d’étoiles

 
Des mains rêvaient en forme imparfaite de larmes
Ton corps écartelé dans ses courroies de sel

 
Mais l’ange, car il était notre âge, l’ange
Indomptable, fut doux dans la nuit bleue, dehors

 
Des chemins, hauts, brillaient, dans l’herbe notre preuve
Au flanc de ta clarté quand m’accablait le jour

 
Rire nous avait porté comme un début de mer
Étincelle debout, eau d’une barque heureuse.

 
Aube

L’aube a recommencé
Comme la mer
Il n’y a personne pour regarder
Les vitres closes cachent deux sommeils
L’un et l’autre ont l’épaule qui brille

 
Il y a quelqu’un
Pour approcher la vitre sans regard
Il y a quelqu’un qui touche du doigt l’aube
Et l’aube recommence dans ces mains avancées
 

Les oiseaux libres ont fui qui les engendrent
Ils caressent de leur vol doucement tous les hommes
Le veilleur a pris une torche pour entendre
Les cris splendides et vrais au plus haut bord du monde
 

(Extraits de Béatrice Douvre. Œuvre poétique, édition établie par Alain Blanc, préface de Philippe Jaccottet, éd. Voix d’ancre, 2000)


 




NATASHA KANAPÉ FONTAINE



Natasha Kanapé Fontaine, découverte de cette jeune poète innue du Québec, un cadeau fort appécié de mes petites nièces Charlotte et Sabrina, pour souligner l'arrivée de l'an 2013, choix de Gertrude Millaire


Poser ma tête sur tes genoux
libérer les rivières
leurs étreintes
fuir enfin parallèle et couronnée
tendresse émancipée
perdue
éperdue éternelle pareille toujours

affamée de tes lunes de jour

disparus les songes des capteurs
me revenir te tenir nous tenir
droit encore loin devant
souvenance perlée de plages infaillibles

tu as pour moi l'épouvante des loups
les chaleurs des étés vains
les forêts mordantes de sourds
nos adieux sans demain

sans secours
poser ma tête sur tes genoux.

***

un soupir
à peine audible
tu veilles les mondes parallèles.

tiré du recueil "N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures", premier recueill de poésie de Natasha Kanapé Fontaine, aux Ed, MÉMOIRE D'ENCRIER, Montréal.

" Je lance un cri, avec dedans toute ma peine et ma peur. Toute mon angoisse de femme innue. J'écris pour le respect de ma personne. J'écris pour le respect de toutes les personnes de toutes les nations. Pour le respect de toutes les langues et de tous les paysages. Grâce à Joséphine Bacon, j'ai appris que je pouvais écrire, que j'avais une voix. Moi, je crie. Je hurle. Si les gens ne comprnnent pas ma langue innue, au moins, ils retiendront l'intensité du cri. " Natasha Kanapé Fontaine




ANDRE LAUDE

André Laude, ce poème merveilleux m'a été transmis par André Cuzon, Président de l'association "Les amis d'André Laude" et a paru dans la revue "Source" en avril 1958, choix André Chenet

MEURTRE DU ROSSIGNOL

Le chœur - Première femme - Deuxième femme - Troisième femme


Le Chœur

Il ne chante plus le rossignol
Maintenant il dort
Dans son éternité de cailloux et de racines
Et son cœur glacé a la forme d’une guitare

Première femme

Chaque parole de sa bouche d’or
Avait la saveur d’un fruit du printemps
Ses caresses brûlaient le corps des amantes
Et le flot de ses baisers
Animait dans nos veines des roses de feu.

Deuxième femme

Je me souviens de la grâce de ses cheveux
Si j’avais la voix du vent
Je chanterais son profil d’ange
grave parfois devant la mort.

Troisième femme

Quand il dormait les étoiles
Attelages royaux de la nuit
Buvaient comme des bêtes blanches
La lumière énamourée de ses yeux.

 

Le chœur

Il ne chante plus le rossignol
Il se tait dans la paix des eaux
La chaleur centrale
Traverse le manteau de verdure.

Première femme

O Compagnes infidèles qui glissez entre les lilas
Vers les rendez-vous furtifs
Des oliveraies le rossignol chante pour vous,
La lune éclaire pour vous
Et la brise met une confondante prière
A vos joues poudrées

Deuxième femme

Le sang est plus rouge que l’argile de la rivière
Où nous lavons, mes sœurs, l’enfant de minuit
On dirait qu’un profond couteau de crime
A traversé la gorge du rossignol.
il ne chante plus, ô mes sœurs, l’oiseau
Dont chaque aile était un saéta
Et la mer ne peut dormir derrière les ramblas
Et son ventre pâle tourne et se renverse
Sur le lit de sable
Comme l’épouse prise de douleurs.

Troisième femme

Les gitans, qui, comme toi, nomades
Vont où les guide le vent
Invoqueront ce soir Sarah la noire.
O taureaux messagers ailés de la mort
Portez son âme vers les pâturages éternels ;
Qu’il repose le cœur bourdonnant
Comme un vol d’abeilles des Hurdès,
Toujours plus près de la lumière et que son chant
Soit l’aurore nouvelle de notre peuple.

André Laude 





Coup de coeur de 
 Éliette Vialle, Dana Shishmanian,
André Chenet et Gertrude Millaire
 

  Janvier 2013

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