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Coup de coeur : Archives 2010-2013

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent,
toujours intéressant et en mouvement.

Nous redonnons vie ici à vos textes qui nous ont séduit
que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.


Poèmes - Coup de Coeur du Comité

JUIN  2016

ERIC DUBOIS
MIREILLE PODCHLEBNIK
PAUL  FARELLIER
RAYMOND LÉVESQUE
JORGE  SOUZA
BLAISE CENDRARS
 


ERIC DUBOIS

Eric Dubois, choix Eliette Vialle

matin
dans
la voix
de
l'oiseau
dans
les ailes
du monde
matin
dans
les nuages
abstraits
de la
mémoire
matin
dans
l'oiseau

***

Poète, lecteur-récitant et performeur avec l’association Hélices et le Club-Poésie de Champigny sur Marne, Éric Dubois a publié plusieurs ouvrages de poésie, dont Entre gouffre et lumière, préfacé par Charles Dobzynski (L'Harmattan, 2010) et les livres numériques C'est encore l'hiver, Radiographie, Mais qui lira le dernier poème? chez Publie.net.  Il est le fondateur et responsable de la revue de poésie en ligne Le Capital des mots. Il habite à Joinville le pont. On peut le suivre sur Facebook


   MIREILLE PODCHLEBNIK

Mireille Podchlebnik, choix Dana Shishmanian
Tailleurs pour femme

Devant la machine
A coudre
Le père
Pique et surpique
Dans un mouvement
Répété
Interrompu
Par l’enchevêtrement
Des fils
Qui cassent
Canette vide
A changer

Temps discontinu
Assise contre
La machine à coudre
L’enfant
Regarde
Sa mère
Ajuster
Sur le mannequin
Taille 44
Un manteau
Sans manches
(…)

Toujours présente
La radio blanche
Poste à galènes
Essaime
Une musique
Feutrée
Et des nouvelles
Graves
Parfois des blagues
(…)

Ouvriers à domicile
Tous les deux
Tailleurs pour femme
Père presseur
Mécanicien
Couturier

Mère finisseuse
Couturière
Et fine critique

Les enfants livreurs
Porteurs de fardeaux
A libérer

Héritière
Du passé
Témoin d’un autre âge
Reconstruire
Leur histoire
A mots mesurés
Feuillets
Eparts
Souvenirs volés

(extrait du recueil Tailleurs pour femme, éditions La Porte, 2014)
La poète Mireille Podchlebnik (Sélection Francopolis de mars 2016) Elle tient un blog révélateur de son histoire et que je recommande chaleureusement. 


 
PAUL  FARELLIER

Paul Farellier, L’entretien devant la nuit, Poèmes 1968-2013, Les Hommes sans Épaules éditions.
choix Dominique Zinenberg


JOUR À L’AVEUGLE

La maison
                  l’été
tant d’années aux fenêtres.

C’est toujours,
                  veiné de chaud,
ce pays où débordent des toits
les blés érectiles,

cette jeunesse
                   bondée de mort
que rires ne mesurent,

où d’hier à demain
                   l’amour
décrochait d’avenir.

Qui sait si la maison tient encore,
si résistent les murs

à leur poussée de mémoire ?
Qui sait si mourir

n’aura passé qu’un tour, si déjà
dans la maison
                     l’été,
nous dormons du côté de nos cendres ?



**                                  

Et si je vivais là
qu’en demi-solde d’un endormi,

dans le demi-rêve d’un réveil,
dans la demi-vie d’une autre mort,

malgré ceux de la maison
qui savent la date et l’heure,

infiltré dans les tentures,
entre les pages du livre, entre les lignes,

et dans l’âtre vague de l’hiver,
avec ceux qui peuplent d’étincelles

ce frottement de brindilles,
les jeunes pousses d’un feu entre les pierres ?


                                                *

Ouvrez enfin.
Battent les portes !
                            Survienne !

(Jours à l’aveugle,
trop occupés à ne rien entendre,
affairés de vide,
                           tant de jours
distraits de la mort
à vouloir perpétuer.)


                                            **

Que veux-tu ?

Il n’y a, qui te meurtrissent,
que jour après jour,

tendres soins,
que maison heureuse.

Il n’y a de frontière
que la moins effrayée,

que les doux versants qui te jalonnent,
leurs feux de pluie sous la vitre

et pour la joie du malade,
qu’un décembre de lumière.

Il faut se lever,
                           quitter,

ne plus attendre
qu’on change les draps.

À peine plus haut,
                            plus loin,

se tenir là, immobile,
recevoir le vent des sables.

Sentir enfin, d’un sombre plaisir,
le temps couler sur la peau.


                                       ***

Courant cette chasse

vapeur d’écorces aux naseaux
fée ou amie
ou démon des jours –
               ne plus fuir
               la forêt de vivre.

               Heures ou cortège,
               il faut ce genou en terre :
               étanche la soif
               cette main
              
               l’instant déganté,
               l’étoffe de lumière.


Ce groupement de poèmes est tiré du recueil
Une odeur d’avant la neige 2005-2008. Paul Farellier,



RAYMOND LÉVESQUE


Raymond Lévesque, chansonnier québécois,  choix Gertrude Millaire

L'INTELLIGENCE DES HOMMES

Mais où est donc
L’intelligence des hommes
Dans ce gâchis du monde
La destruction de la nature
Ce rapetissement
De la dignité humaine ?

Mais où est donc
L’intelligence des hommes
Dans cet aveugelement
Devant le miracle de la vie
La beauté d’une fleur
La grandeur d’une seule aurore ?

Mais où est donc
L’intelligence des hommes
D’oublier l’infini
Le plus grand et le plus petit
La complexité d’un corps humain
l’immensité d’un cerveau

Pourquoi cette rage au gain
Ce besoin de détruire
Cette haine qui tue
Cet esprit satanique ?

Mais où est donc
L’intelligence des hommes
De ne rien respecter
De n’être point capable d’aimer
D’avoir des yeux qui ne voient pas
Un cœur fermé à la beauté


Raymond Lévesque
tiré de son recueil
1989... et pourtant... !
("Quand les hommes vivront d’amour"
Ce titre est aussi une chanson, un peu notre hymne national)

Poète et chanteur, politiquement engagé, trois mots l'interpellent : oppression-exploitation-colonisation. Un mot les resume : Injustice

***
et cet été, pourquoi ne pas réentendre
 *LES MOTS * sur you tube du rappeur Samian
Revue francopolis-Chanson-décembre 2013
ces mots sont tout aussi frais et d'actualité plus que jamais !
(*Samian, métis de la région de Pikogan en Abitibi-Québec)



JORGE  SOUZA


       Jorge Souza, poète mexicain,  choix de François Minod


Je commencerai par le début /Comenzaré por el principio
                                                                                             À María

Je commencerai par le début :
cette histoire n’existe pas
derrière nous, il n’y a que des souvenirs qui brûlent.

Et le brouillard :
lueurs endormies sous l’aube, silhouettes plombées
figures qui s’allument
dans les recoins, derrière de vielles portes.

C’était le petit matin de l’eau
le réveil de la cruauté du jour
et l’homme, de ses doigts, a atteint la parole
ce feu qu’il a su dérober au ciel.
 

Voilà ce que, parmi les ruines, nous avons découvert :
la brièveté des choses, en fragile escargot fossilisé
le souvenir du pollen
un filon d’ambre.


Ces mots produisenet une fenêtre
et révèlent des traces, des restes de cendre
quelques dates brisés, deux ou trois noms
qui brûlentencore, solitaires, sur les lèvres


                                                   
Version espagnol
Jorge Souza

  

Comenzaré por el principio
                                                             À María

Comenzaré por el principio : esta historia no existe.
Tras de nosotros sólo arden recuerdos.
Y la niebla
: luces adormecidas bajo el alba, siluetas
emplomadas
figuras que se encienden
en rincones, atrás de viejas puertas.

Era la madrugado del agua
el despertar de la crueldad del día
y el hombre con sus dedos alcanzo la palabra
ese fuego que supo arrebatar al cielo.
Esto es lo que entre ruinas descubrimos
: lo breve, lo minúsculo
: une pisada, un frágil caracol fosilizado
el recuerdo del polen
una veta de ámbar 

Estas palabras crean une ventana
y muestran huellas, restos de ceniza
algunas fechas rotas,, dos o tres nombres
que arden aún a solas en los labios.

***
Jorge Souza,
Les chiffres du feu,
Mantis Editores,
Écrits des forges. (2000)
traduction François Roy.

Jorge Souza est un poète et journaliste mexicain de Guadelajara (Jalisco).
Il a obtenu plusieurs prix nationaux de poésie, a publié plusieurs recueils:
- Toile d’araignée. - Connaisseurs tout tristes d’aucun remède. - Lumières qui ne revient pas. - Salive de quels dieux. - Dans les mains le brouillard.



BLAISE CENDRARS



         Blaise Cendrars, choix Mireille Diaz-Florian


pochage de Misstic


CONTRASTES


Les fenêtres de ma poésie sont grand’ouvertes sur les
boulevards et dans ses vitrines

Brillent
Les pierreries de la lumière

Ecoute les violons des limousines et les xylophones des
linotypes
Le pocheur se lave dans l’essuie-main du ciel
Tout est taches de couleur
Et les chapeaux des femmes qui passent sont des comètes
dans l’incendie du soir


L’unité
Il y a plus d’unité
Toutes les horloges marquent maintenant 24 heures
après avoir été retardées de dix minutes
Il n’y a plus de temps.
Il n’y a plus d’argent.
A la Chambre
On gâche les éléments merveilleux de la matière première

Chez le bistro
Les ouvriers en blouse bleue boivent du vin rouge
Tous les samedis poule au gibier
On joue
On parle
De temps en temps un bandit passe en automobile
Ou un enfant joue avec l’Arc de Triomphe…
Je conseille à M. Cochon de loger ses protégés à la
Tour Eiffel.


Aujourd’hui changement de propriétaire
Le Saint-Esprit se détaille chez les plus petits boutiquiers
Je lis avec ravissement les bandes de calicot
De coquelicot
Il n’ya que les pierres ponces de la Sorbonne qui ne sont
jamais fleuries
L’enseigne de la Samaritaine laboure par contre le Seine
Et du côté de Saint-Séverin
J’entends
Les sonnettes acharnées des tramways



Il pleut les globes électriques
Montrouge Gare de l’Est Métro Nord-Sud bateaux-
    mouches monde
Tout est halo
Profondeur
Rue de Buci on crie l’Intransigeant et Paris-Sports
L’aérodrome du ciel est maintenant embrasé, un tableau
    de Cimabue
Quand par devant
Les hommes sont
Longs
Noirs
Tristes
Et fument, cheminées d’usine

(Octobre 1913
In Du Monde entier
Poésie Gallimard)  


( À vous chers amis de Francopolis ce texte d’un de mes poètes de chevet, ce marcheur en poésie. Avec en parallèle ce pochage de Misstic qui placarde sur les murs
de mon quartier les images d’une même poésie que je fais mienne et vôtre.)                


Coup de coeur 
 
Éliette Vialle, Gertrude Millaire,
   Dominique Zinenberg, Dana Shishmanian,
Mireille Diaz-Florian, François Minod 

  
Francopolis juin 2016

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