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Coup de coeur : Archives 2010-2013

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent,
toujours intéressant et en mouvement.

Nous redonnons vie ici à vos textes qui nous ont séduit
que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.


Poème Coup de Coeur du Comité

Mars 2014

Christina Castello
Flavia Cosma
Jean Hourlier
une suite de Poètes israléens




CHRISTINA CASTELLO

Christina Castello, vit en France, choix Éliette Vialle
Adieu — dit la douleur d’une voix déchaussée
Fatiguée de souffrir, elle boit ses pleurs
Ensevelit ses souvenirs parmi les herbes
Et, soudaine résurrection, elle n’a pas de face
N’est qu’une toile qui guette l’huile.

L’amour solfie son corps inexploré
Et les magnolias de sa peau sont chardonnerets.
La douleur amoureuse est invincible,
Ce n’est plus tourment mais mélodie
L’amour rebaptise l...e monde.

Cristina Castello,
« Point de jour »

(tiré du blog Marta Zabaleta
via statut de André Chenet)

Adiós — dice el dolor con voz descalza
Cansado de sufrir bebe su llanto
Sepulta entre hierbas sus recuerdos
Y súbita resurrección, no tiene rostro
No es sino un lienzo en acecho al óleo.

El amor solfea su cuerpo inexplorado
Y las magnolias de su piel son un jilguero.
Es invencible el dolor enamorado,
Ya no es tormento sino melodía ...
El amor rebautiza el mundo.

Cristina Castello « Alborada »

Visiter son site : Christina Castello


FLAVIA COSMA

Flavia Cosma, poétesse, auteur et traductrice canadienne d'origine roumaine,
elle vit au Québec, choix Gertrude Millaire 


Je reviendrai

Je reviendrai, avec le visage d'or,
Caché sous la manche de mon vêtement,
Pour t'en faire cadeau,
mon amour,
Pendant les soirs révérencieux de printemps.

Je reviendrai avec le visage d'argent,
Caché sous mon tablier,
Pour t'attirer
mon amour,
Avec des contes de fées lointaines, mensongères.

Comme une larme, la lune glisse
Sur le bras de pierre.
Avec ses étés accablés sous des herbes non fauchées,
Le destin attend.

Jusqu'alors,
Jusqu'à ce que le temps arrive,
Je regarde longtemps cette vieille plaie,
Et le sang coulant à flots à nos pieds,
Nous tient lieu de paroles.

tiré de son livre Le miel trouble du matin,
ed. L'Harmattan (traduit du roumain par Denis Emorine avec la collaboration de l'auteur)... aussi en format numérique

Flavia Cosma a été décorée avec la Médaille D’Or et élue Membre D’Honneur de la Maison des Poètes du Pérou, pour sa poésie et son travail de promotion culturelle internationale, Lima, Pérou, 2010.
Membre de l'Union des écrivains du Canada, l’Association des auteurs des Laurentides,Qc, de l’Association britannique de littérature comparée, l’Union des écrivains de Roumanie.
Directrice de l'International Writers’ and Artists’ Residency, Val David, Quebec, Canada

Flavia a publié dix-neuf livres de poésie, un roman, un volume de mémoires de voyage et cinq livres pour enfants

Visiter son site Flavia Cosma.com

Et plus, poèmes inédits de Flavia Cosma traduits du roumain et présentés par Dana Shishmanian

  
JEAN  HOURLIER

Jean Hourlier, de son vrai nom Patrick Champourlier, est né à Toulon (Var), choix  Dana Shishmanian
Les veilleurs se reconnaissent entre eux

Les veilleurs se reconnaissent entre eux.
Leurs lampes se consument dans une obscurité attiédie ;
un bleu de velours enveloppe leurs âmes ;
ils échangent peu de paroles ;
leurs bouches sont une seule source de montagne,
faible, mais miraculeusement constante,
comme la source de Benoît de Nursie.

Les veilleurs se reconnaissent entre eux :
sur les chemins vides de l’homme,
ils ont soif ensemble,
et ensemble ils se désaltèrent ;
ils ont froid ensemble,
et ensemble ils se réchauffent,
dans la nuit que les étoiles n’embrasent pas.

Les veilleurs se reconnaissent entre eux,
au déhanchement de l’aube,
quand plus rien, ni personne, ne bougeait
et qu’en bas
un grand frisson
cueille
la luzerne fraîche
et les atteint.


***
1er poème du recueil "Dans le bois des absents" , paru aux Éditions du Petit Pavé, 2013, dans la collection Le Semainier qui évoque, par son nom,  « un petit meuble de rangement à sept compartiments, un pour chaque jour de la semaine » .

Ce livre est conçu en effet comme un ensemble de cycles comme les jours de la semaine, composés chacun de plusieurs poèmes, sauf qu’on y découvre un huitième cycle dans ce semainier poétique comme pour faire place au huitième jour, celui, peut-être, de l’avent… 

« Il n’est pas de plus grande couronne que l’Ombre où veille l’Espérance » (poème 51)



Moshe Dor- Tuvia Rubner

Kaddishd’Yizhak Laor
Yehuda Amihai  - Paul Ceylan Yitzhak Laor - Dvora Amir
 


Des voix d’Israël disent la souffrance palestinienne, choix de Khalid Morabethi

La voix d’Israël, de ces poètes, fait entendre une autre voix sur l’Intifada, sur les Palestiniens, pour dire la souffrance, la culpabilité aussi, la honte surtout d’avoir commis trop souvent par obéissance des actes qui déshonorent toutes les armées, qui déshonorent l’humain dans l’homme, le Juif dans l’Israélien, dans le soldat, le poète.
Moshe Dor, dans "Astéroïde", pose une question dont nous ne pouvons pas faire comme si elle ne se posait pas :

Avons-nous assez de temps pour une mise au point morale ?
Ou peut-être avons-nous vu assez de films sur la destruction de l’univers par un météore pour être aguerris et refuser de remettre en question l’arrogance de notre autodestruction ?

Tuvia Rubner se fait plus accusatrice encore :

Les poux te conquirent, Pays de Beauté.
Ils sucèrent ton sang. Chacun faillit.
Ce qui fut accompli est irrévocable. Pleure et gémis.
Car tu as cédé le pouvoir aux mains de la vermine.

Mais il est encore d’autres poèmes sur deux cents pages qu’il nous est impossible de citer comme celui de Dahlia Rabikovitz, L’histoire de l’Arabe mort dans l’incendie (pp.82-83). À la page suivante, pourtant nous lisons Kaddishd’Yizhak Laor.

Chaque jour est un jour
De mémoire pour un
Mort. Celui qui a une
Tombe et celui qui n’a pas
Où pleurer

Celui accompagné d’endeuillés, celui
Qui n’en a pas, celui qui a
La vérité, celui qui ne l’a pas,
Celui qui n’a pas le droit
De creuser alors que d’autres
Ont construit sur ses morts,
Et celui qui démolit
La maison du mort


Yehuda Amihai intitula, lui, un long poème, par une question :
Et qui se souviendra de ceux qui se souviennent ? A-t-il lu Celan :
« Nul ne témoigne pour le témoin ». Mais qui sera le témoin du témoin, est une autre question non moins prégnante ?
Qui témoignera pour le témoin ?

Niemand
Zeugt für den
Zeugen.
(Personne
ne témoigne pour le
témoin [2]),

écrit donc Paul Celan dans Aschenglorie, Gloire des cendres. Nous sommes avertis mais nullement rassurés.
Nous n’avons rien dit des Encres de Rachid Koraïchi, qui épousent les poésies par ses formes géométriques qui montrent les larmes, les victimes, les bombes, les morts, les animaux, les paysages désertés, les maisons explosées, on y voit aussi des symboles juifs et israéliens, des calligraphies arabes, qui font entendre ou voir les images textuelles….
Certains de ces poèmes qui donnent le frisson sont écrits dans un pur style biblique. Ainsi Dahlia Rabikovitz, Dan Daor, Rami Dizani, Liat Kaplan, ou Yitzhak Laor, qui écrit :

Souviens-toi de
Ce que
Fit Amalek,
À toi bien sûr.
À vous.
Fais à Amalek
Ce que
Amalek te fit,
À toi bien sûr.
À vous.

Ne compare rien
À ce que te fit
Amalek, à toi
Bien sûr. À vous.
Pas quand
Tu voudras faire
Ce que
Amalek te fit,
À toi bien sûr.
Terminé.
Souviens-toi.

Elle est terrible et noble la voix des poètes d’Israël qui se fait déploration non plus sur leur propre peuple mais sur le peuple palestinien. Voici un dernier vers dû à la poétesse Dvora Amir dans Déchirure de la rétine :
…je me suis dit
celui qui balafre la maison d’un autre – ses yeux seront balafrés,
celui qui arrache la maison d’un autre – son âme sera arrachée.
C’est toute l’âme juive et israélienne millénaire qui passe dans ces poèmes, nous donnant une autre image que celle d’un Israël insensible à jamais à la souffrance de ses frères et sœurs de Palestine.

réf. La règle du jeu


 




Coup de coeur
 
Dana Shishmanian,
Éliette Vialle, Gertrude Millaire
et Khalid El Morabethi
Francopolis, mars 2014


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