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Coup de coeur : Archives 2010-2011

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


A Francopolis, la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés. Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent, toujours intéressant et en mouvement. Nous redonnons vie à vos textes qui nous ont séduit que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.

Octobre 2011

Poème Coup de Coeur du Comité


choix de Michel Ostertag...  
Pierre Kobel
choix de Gertrude Millaire... 
  Hélène Soris
choix d'Eliette Vialle...        
Pascal Perrot       
choix de Lilas...                 
Robert Cuffi
choix d'André Chenet...        Angèle Vanier

 






PASCAL PERROT 

Pascal Perrot, dont l'énergie et la force ( je parle de sa poésie) me séduisent, particulièrement dans ces poèmes récents. (Éliette Vialle)


ET JE VIVRAI JUSQU'À LA DERNIÈRE ÉTINCELLE... (2011-08)

Te voici libre et seul
Et cette brusque intimité
Avec toi-même te terrifie

Si tu te croisais dans la rue
Peut-être changerais-tu de trottoir
Ou ferais-tu semblant de déchiffrer les signes
Et les affiches sur l'eau grise des murs

Te laissant porter par eux
Flots pour qui n'a plus rien d'autre
Comme la barque naufragée
À la dérive de son axe

Ne dis rien ! Tu mentirais
Car depuis si longtemps tu ne t'habites plus
Que tu ne peux parler au nom du Moi
Sans trahir celui qui vécut
Et refuse de mourir

Si l'on m"avait parlé ainsi
Moi à qui l'on enseigna
À sanctifier les impasses
À ne plus vouloir d'autre nourriture

J'aurais été plus vite au but
Je ne porterais pas en moi
Tant de fantômes au goût acide
Et tant d'instruments de supplices
Ne seraient maculés de sang

J'ai grapillé et j'ai donné
Ce que j'ai pu d'amour, de joie
C'était peu, ce n'était pas rien

Si j'ai perdu beaucoup de temps
Et de force à me reconstruire
Après chaque dévastation
Je n'en fustige que ma lenteur
À me remettre debout

Je suis responsable de tout
Ce que l'on peut me reprocher
Mais je suis vivant, j'ai vécu
Et je vivrai jusqu'à la dernière étincelle


FÉCONDES APOCALYPSES 
(2011-06)

Inutile de vous précipiter
Dans le premier oiseau venu
Sous prétexte que vous craignez
De fécondes apocalypses

Il ne naîtrait de cette union léthale
Que des arbustes rabougris
Ignorants du flux de la sève
De la densité des racines ;

D'imiter le cri du poisson en faisant taire
Vos pulsions anthropophages
Pour attirer à vous la mer
Submergeant les feux assassins

Inutile de regretter la vie
Car avez-vous vraiment vécu
De vouloir ignorer la mort ?
Elle vous regarde depuis l'enfance

Avec la tendresse d'une mère
- ou sa supposée bienveillance-
Surveillant vos évolutions
Et vos diversions pour la fuir

Avec un émerveillement constant
Pour vos efforts sublimes et vains
Puisque vient toujours cet instant
Où vous retournez, tête basse,

Dans la maison que vous aviez quittée
La porte et deux bras aimants s'ouvrent
L'oiseau l'arbre ne sauraient
Dévier l'ultime cert­­­­­­­itude

***
Pascal Perrot : né le 27 juin 1963, poète interprète enragé, écrivain et rappeur intermittent.
Fondateur du double mouvement artistique Uppercut/Insurrection Poétique, contre l'art préformaté et pour une création intense et viscérale.

Coordonnées: Bouillons de culture - Myspace - Insurrectionpoétique
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ROBERT CUFFI

Robert Cuffi, "Ne plus jamais écrire", plus musical à la lecture, moins positif que "Écrire" ! D'où le choix... à moins que les deux volets ne se complètent au point d'être inséparables ? ( Lilas )


ÉCRIRE

Ecrire en solution pour se donner de l'air
Jouer le montreur d'ours celui qui prête à lire
Ecrire en dissolu des parures d'enfer
Des tricheries intimes sur ma ligne de mire

Ecrire dans ces angles où l'on ne traîne pas
Des mots pour aller vite et les dire de loin
Ecrire dans le dru trembler le pas à pas
Dans le foisonnement volé de ses lointains

Ecrire des fissures et te forcer l'amour
Formater des bouquins lus dans les diagonales
Ecrire à bout de souffle sur la fin du parcours
L'enfant mal oublié déraillant ses dédales

Ecrire dans le fond son artiste rentré
Ce mal surexposé ce dévoreur d'étoiles
Ecrire dans sa marge un oiseau imprimé
Quand la plume est acide et te marque à la voile

Ecrire pour la forme de son paraître ailleurs
Pour jouer dans le beau et crier dans le haut
Ecrire déguisé pour forcer ses pâleurs
Sur la rime attendue quand elle vient à son heure

Sur la rime attendue qui ne viendra jamais…

(C'est Jordy qui l'avait posté un jour, et il me semble bien mériter les honneurs !

Paroles et musique R.Cuffi)

***


NE PLUS JAMAIS ÉCRIRE

Ne plus jamais écrire et la mer et le vent
La tramontane en deuil la vigne défeuillée
Les oursins emmurés la coquille oubliée
Les bateaux débauchés des mensonges à long traits

 
Ne plus jamais écrire en faux jour sur la mer
Si la vague s'efface avec le vent de face
Soulevée des hauts fonds dans un style d'épaule
Une barque en retour et ses refus d'ancrage

 
Qu'importent les voyages en musiques ratées
Les mots de peu d'espace à se vouloir grinçants
Les violoncelles sourds les images en meutes
Comme un tableau abstrait grisé de lunes basses

 
Ne plus jamais écrire en rameutant du large
Les absences brouillées sur le luisant des mots
Quand je jette le texte où ma langue s'ensable
Le jour long quand se lient les faux pas de la vie

 
Ne plus jamais écrire à mes vœux d'incendie
Ne rêver que ton rire accroché comme lierre
Le miroir de ton geste interrogeant l'instant
Sur la vie qui reprend son vieux chant en passant

 
Qu'importent les voyages en musiques ratées
Le bouquet d'œillets rouges un dimanche à midi
Nos rendez-vous d'avant, mal cadrés, que j'aimais
Sur le mouvant des sables qui râpent les années

 
Ne plus écrire enfin ni la mer ni le vent…

                      

PIERRE KOBEL
 

J’aime ces poèmes de Pierre Kobel, son lyrisme, les images qu’il y développe pour atteindre à une réelle dimension poétique. Un auteur à faire connaître.  (Michel  Ostertag)

LE FESTIN DU POETE

L’homme est haut l’homme est fort
force de ses angles ronds
Force de ses mots
et du visage de ses mots
Dialogue perpétré
Pour constituer le monde
Que nous ne comprendrons pas tous
Poète tu avances
Aveugle voyant
Poète n’attends pas
Il n’y a rien d’autre que faire
Soleil de nuit
Etreinte des lumières
Sur le banc de la terre
Le poète s’en va
Lèvres dernières caressez ce chemin
de forces si fragiles…

 

******

AB IRATO

(En pensant à André Laude et après l’avoir relu)
J’irai de la colère à la colère
J’irai au risque des mots
Au désordre de la révolte
J’irai aux vents de mon esprit
au tourment
Et
Je vous arracherai vos masques
la face dévoyée de vos vœux
le groin de vos puissances
Crachat sur votre monde !
Je marche dans la rue
Je parle dans la rue
Il ne me reste rien
que les mots pour demain
le sang des morts
les cris et les blessures
Il ne vous reste que la force
et j’ai le poids des mots
J’irai de la colère à la force des mots
J’irai du refus au rêve
J’irai à l’envie
Je marche dans la rue
Je parle dans la rue
Je suis le couteau
et le fleuve sans fin
Je suis l’herbe qui repousse
et je respire… par le désir de toi
Demain existera

******

 Ecrit sur la plage de Herlin

Au bout de la plage la mer s’emporte
pour la joie des baigneurs ivres d’eau
J’essaie d’éviter les excès du soleil
à l’abri du rocher
où des lézards serpentent vifs et inquiets
J’observe les jeux des enfants, le corps des femmes
Je suis le poète chinois qui m’accompagne
et qui ne veut vivre que l’instant
Demain n’existe pas.

 

******

Haïkus

Une pie sur le toit
Les arbres la saluent

Vent de l’automne
Petit pot tout blanc

Ecriture chinoise
Je ne sais plus lire !

Tableau de Soulages
Passer les portes du noir
La lumière est là !

 ***
Né en 1953 à Paris, réside et travaille en tant qu'enseignant dans le Val-de-Marne. Ses textes ont été publiés en revue (Résurrection, le Chaînon Poétique) et un recueil "Le poids des ailes" a été publié en 2008 aux éditions Hélices dans la collection "Poètes ensemble!".
Animateur du Club-Poésie de Champigny sur Marne et de sa revue "le Chaînon Poétique", il participe également aux activités de l'association "Hélices" et met en avant un travail de passeur de la poésie qui lui paraît essentiel pour maintenir haut une expression qui est colonne vertébrale de son existence.

« Le festin du poète » et « Ab Irato » extraits de « Le poids des ailes » © Hélices, 2008 ; les autres textes © Le Chaînon Poétique.

Site web : La page de Pierre
Blog : La Pierre et le Sel




   HÉLÈNE SORIS          

La poésie d'Hélène Soris me charme par son regard complice du quotidien, son écriture fluide  se promène à l'air du temps
et laisse sur son passage un parfum particulier.

COEUR ENCRIER

Au fur et à mesure que les mots noirs

se posaient sur la virginité de la feuille

derrière le poète

une ombre grandissait

 

complicité de la plume assoiffée

du coeur encrier

qui s'allégeait de ses douleurs écrites

qui palpitait de ses amours tracées

 

devant l'âme

sur la table de chêne rongé

dans l'eau du verre bleu

aux lueurs de la lampe

se dessinaient les yeux...les fleurs.. La terre..

 

et les gouttes de pluie sur la vitre d'en face

étaient autant de larmes qu'il n'avait pas pleuré


***


REVEIL   

Scintillements en teintes claires
et quelquefois

La poudre d'un souvenir maussade ou désabusé

 

Alors, il pourrait suivre le vent si un parfum l'appelle

 

Il imagine un envol

un long voyage sans but

très  lointain

 

Ou à l'inverse

La sensualité d'une eau claire

Bleue ?

Verte plutôt en espoir d'algues

 

Décidément ses narines

sont gourmandes d'un océan

ou d'un espace

 

Il flâne

ses doigts se désaltèrent de la rosée du matin

les feuilles attendent sa caresse

 

Il s'est déchaussé pour que l'herbe

soit douce à son pas

et la vie le pénètre

 

2007


***


son Blog : OMBRES CONTRE VENTS




ANGÈLE VANIER

Angèle Vanier, 1917 - 1980. Elle devient aveugle à 22 ans... (André Chenet)

Présence d'un château
 
Ce château m'appartient ce soir jusqu'à la gorge
Mon cri nourrit la nuit tournante des couloirs
Et les grands escaliers que mes pas interrogent
Et l'ombre d'un passé qui voûte le miroir
 
J'ai refermé sans bruit les ailes des horloges
Et décousu tout un réseau de portes vierges
De mémoire
Mon souffle aiguise une épée morte
Et mon regard
Ouvre un bal sous la peau d'un crime par hasard
 
Tous les tableaux que je rencontre me ressemblent
Toutes les rondes que j'allume tournent court
Pourtant je puis ici filer le feu
Et tout ensemble
Comme on garde le lit je puis garder la tour
 
Des eaux remuent sous les paupières de la cendre
C'est un étang
Que j'aimerais ne pas trahir avant le jour
Il portera le même nom que moi les nuits d'orage
Puisqu'il surgit du même sang
Du même amour
 
Je convoite l'étang mais je garde la tour
Il ne réglera plus les jeux de ton visage
Sur le vol des canards sauvages
Voyez il a changé de cygne entre deux pages
Pour troubler la face du jour.

tiré du (Le sang des nuits. - Seghers, 1966.)


Angèle Vanier :1917-1980. Devient aveugle à 22 ans. Écrit pour Édith Piaf (Le chevalier de Paris), réalise des émissions et des pièces de théâtre radiophoniques.
Parmi ses autres recueils : Avec la permission de Dieu (Seghers, 1953) ; Théâtre blanc (Rougerie, 1970) ; Parcours de la nuit (Librairie bleue, 1978) ; Otage de la nuit (essai, Librairie bleue, 1978) ;
Poèmes choisis : 1947-1978 (Rougerie, 1990).

"Angèle Vannier, aveugle, préserve tout de l'ombre. Merveilleusement" (Paul Éluard

Biographie sur Wikipedia




coup de coeur de
 Éliette Vialle, Lilas, André Chenet
Michel Ostertag, Gertrude Millaire
 

  octobre
2011

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