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Coup de coeur : Archives 2010-2011

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent, toujours intéressant et en mouvement.
Nous redonnons vie ici  à vos textes qui nous ont séduit que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.


Poème Coup de Coeur du Comité

SEPTEMBRE  2013

Louise Dostie
Eric Dubois
Karim Cornali



LOUISE DOSTIE
M

Louise Dostie, poète québécoise qui me fascine par sa fraîcheur, sa sensibilité et son engagment social, choix de Gertrude Millaire

Bourrasque

Dans un boucan d’enfer je vois ma ville pencher vitesse grands vents
ce sont mes yeux brouillés ou la fenêtre ou bien le temps avec ses éclaircis humides ses clous drus ses salves de mouchoirs gelés ou je ne sais trop les girouettes étourdies indiquent des nords qui ne tiennent pas la route l’écran se referme sur des ombres en accéléré le sol claque la porte à la gravitation les passants virevoltent entre les plus hautes tours comme des serpentins de prières pêle-mêle soigneurs et amputés façonnent des moules dans la glaise tandis que les pies voleuses pavent un ciel réservé aux pilleurs de graines

la force décuplée des calculs a bousculé les traditions

des peuplades s’effondrent

les oiseaux partent au vent

Aile

**

(texte publier dans La chambre d’Aile,
chambre ouverte comme un sentier s’ouvre par Catrin Godin)


ERIC DUBOIS


Eric Dubois, tout récent texte d’Eric Dubois que j’apprécie particulièrement.
Il me touche dans ma quotidienneté par la juste analyse qu’il en dégage, choix de Michel Ostertag

il y a les mots qu'on écrit comme pour s'en défaire un peu comme d'un vêtement trop grand
 
il y a les mots qu'on écrit et qu'on ne sait pas pour quoi et pour qui mais qui ont l'air de valoir quelque chose peut-être sait-on jamais
 
il y a les mots qu'on écrit en pattes de mouche et qui laissent des traces durables sait-on jamais
 
il y a les mots qu'on écrit qui viennent toujours de loin mais on ne sait pas vraiment d'où et qui posent en énigmes
 
il y a les mots qu'on écrit assez différents de ceux qu'on peinait à déchiffrer à six ans et on pense à toutes ces années
 
 il y a les mots et ce qu'ils semblent dire et ce qu'ils disent et la façon dont on les comprend et la façon dont on les reçoit
 
il y a les mots qu'on écrit parce qu'on est un musicien raté et qu'on joue avec des mots plutôt qu'avec des notes enfin on essaie
 
il y a les mots qu'on écrit, qu'on efface et qu'on rature: les tentatives, les échecs, les mots qu'on laisse finalement
 
il y a les mots qu'on écrit diffusés par de multiples canaux, nos mots que des lecteurs liront
 
Il y a les mots qu'on écrit de livre en livre, qu'on délivre
 


KARIM  CORNALI



Karim Cornali, choix de Dana Shishmanian.


ADRAR

Faire le grand saut
N’emporter avec moi
Que poèmes voués à disparaître
Quand j’attendrai le désert

*

Passer plusieurs jours dans le désert
Ne rien faire ne rien penser
Puis écrire quelques pages
Pour que l’on comprenne pourquoi
J’ai cessé d’écrire

                   *

Voyager
Léger
Ne garder sur soi
Qu’un stylo et du papier
Car on ne sait jamais 

                   *

Voyager
Léger
Se débarrasser
De nos biens matériels
De nos idées et croyances

                   *

Épurer son poème
À l’infini
En n’oubliant pas de laisser
Ce qui le fait tenir
À l’essentie 

                   *

Laisser son poème
En l’équilibre
Sur l’arrête parfaite
D’une dune
Le laisser au ven 

                   *

Rester plusieurs jours dans le désert
Seul et tranquille
À tendre l’oreille au silence
Ne rentrer chez moi
Que lorsque je serai sûr

                   *

J’écris des vers
Sur la paroi des dunes
Pour les Djinns des sables
Le vent se lève
Je m’en vais en riant

                   *

Je marche dans des immensités
Chaque jour
Des vers invisibles s’écrivent
Sur le carnet nomade de mon cœur
Je marche dans les dunes
Égrenant en chemin
Des vers éphémères

                   *

J’écris en marchant
Ajoutant mes notes
À une mélodie inconnue

                   *

J’exécute quelques pas
De danse
Pour être prêt
Le jour où les Djinns
Viendront me cherche 

                   *

Après des heures d’écriture ou des jours de marche
J’ai le sentiment
De ne pas avoir perdu mon temps 

                   *

Écrire
C’est marcher à travers le désert


(Reproduit des Cahiers du sens 2013,
Le Nouvel Athanor, pp. 251-255)

***
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Coup de coeur
Gertrude Millaire, Michel Ostertag,
Dana Shismanian,

Francopolis, septembre 2013

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