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Ou les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage.

 

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 GUEULE DE MOTS – ARCHIVES

(2010-2017)

 

 

GUEULE DE MOTS



Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage...

Cette rubrique reprend un second souffle en 2014 pour laisser LIBRE  PAROLE À UN AUTEUR... Libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture...etc.

 

 

http://www.francopolis.net/rubriques/sakurai06.gifMai – Juin 2018 (1)

 

Libre parole à

Dana Shishmanian

 

Naufrage

 

Déluge d’eau pluie droite continue telle une vague verticale

surélevée par la mer en prolongement de ses lames de fond

ciel et terre s’unissent pour vous broyer

pauvres rejetons de ce monde qui vous lâche

avant de faire naufrage, ce sont des hommes qui vous ont noyés

ce sont des congénères qui déversent sur vous

leurs vagues de mépris et de haine

vous ne comptez pas – vous êtes sans nom sans métier

sans numéro d’immatriculation à la sécurité sociale

sans identifiant bancaire sans adresse postale

sans adresse email sans domicile fixe

le registre des morts ne listera pas vos noms-prénoms

le registre des ports ne marquera pas le nom d’un bateau

votre radeau flottant cercueil  collectif pont vers la mort

n’était pas baptisé – pas plus que nombre d’entre vous –

et même ! vos noms de baptême n’étaient pas inscrits

dans le livre des vivants

sinon, Dieu n’aurait pas permis

que vous ne puissiez même pas être comptés 

mais, dira-t-on, il reconnaîtra les siens…

Dans le noir obscur autour de vous lors de votre dernier instant

en vous accrochant les uns aux autres – hommes femmes enfants

vous étiez un seul corps une seule vie

face à l’abîme d’inconscience qui vous a happés

vous portiez en vous l’humanité entière

Nous sommes des migrants des naufragés trahis par l’espoir

pour durer, il nous faut combattre ici et maintenant

comme jadis et pour toujours

les démons dissimulés dans nos rangs

 

 

Poème paru dans l’anthologie poétique L’eau entre nos doigts,

dirigée par Claudine BERTRAND,

Écrits du Nord & Éditions Henry, 2018

 

Mai - juin 2018