FAIRE
LE MÈNAGE
– Il faut faire le ménage, y a trop de
trucs qui traînent, faut ranger, sinon on va être submergé, englouti par
tout ça, on pourra même plus bouger et on n’osera plus toucher à rien. Les
choses auront pris le dessus et elles opposeront une résistance passive,
c’est dire qu’i faut réagir tant qu’il est encore temps. Mais on parle, on
s’agite, on refait le monde et pendant ce temps-là, les choses occupent le
terrain. On a beau dire : mais c’est pas
possible de se laisser envahir par tous ces machins, on se laisse faire,
c’est obscène. Sauf que c’est trop tard, on ne
peut plus rien faire, les choses sont là depuis si longtemps qu’on ne sait
même plus si elles font partie du décor.
Je n’ose imaginer la suite si on
persiste dans ce qu’il faut bien appeler le bordel qu’on n’a pas su
empêcher. Tous ces trucs, ces machins, ces bidules, tout ça, quoi, qui est
là, ça va donner quoi ? Je vous le demande, ça va donner quoi ?
Vous ne savez pas ? Pour sûr vous ne savez pas, cest
bien ça le problème.
– Fallait
peut-être faire le ménage quand il était encore temps.
– Ça
n’aurait rien changé.
–
Peut-être mais tout de même, ça donne de la perspective quand on
enlève tout ça qui traîne de partout, ça dégage l’horizon.
– Pour un
temps.
– Oui mais c’est déjà ça de pris un temps, ça
permet de voir venir.
– La chose ?
– Oui, la chose.
Extrait
de Grain à moudre,
Editions Hesse,
2009
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