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Ou les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage.

 

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GUEULE DE MOTS



Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage...

Cette rubrique reprend un second souffle en 2014 pour laisser LIBRE  PAROLE À UN AUTEUR... Libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture...etc.

Mars - Avril 2020

Libre parole à

François Minod

 

 

NEVER GREEN AGAIN 

 

Il fallut agir vite.

Face à la menace imminente, des mesures exceptionnelles furent prises par les pouvoirs publics : on déracina les arbres, on rasa les pelouses, on arracha les fleurs dans tous les parcs, jardins, squares, cours intérieures, patios, terrasses, balcons publics ou privés, bref, on élimina tout ce qui avait un rapport avec le végétal à l’extérieur mais aussi à l’intérieur, dans les appartements privés, les maisons de ville, les hôtels particuliers.

Passons sur toutes les autres mesures contraignantes prises au nom du principe de précaution. Selon les autorités, un virus très dangereux s’était propagé sur la toile, prêt à jaillir des écrans, smartphones et autres Ipads, pour muter en un redoutable poison biologique. Il lui suffisait de trouver, hors du monde numérique, une cellule hôte végétale dont il utiliserait les composants pour se multiplier et accomplir sa basse besogne.

Telles furent les explications officielles des autorités pour justifier les mesures prises.

Après ce nettoyage végétal, la ville offrit enfin l’aspect d’une métropole digne de ce nom. Plus de traces de verdure, d’allusions plus ou moins compassées à la nature, la ville assumait son être de ville à part entière. Les jardins et les squares, recouverts de goudron firent la joie des jeunes en rollers ou en skates, le Jardin des Plantes fut rebaptisé Macadam Garden, on y organisa de grands meetings vélocipédiques ou motocipédiques. Le goudron avait gagné la partie. Enfin ! La menace de ce virus exterminateur scella le pacte du nouveau vivre ensemble entre béton et bitume, refermant pour toujours la page de Mère Nature au cœur de la ville et tous ces succédanées écologiques dont on nous avait tellement rebattu les oreilles.

Nous étions entrés dans une ère nouvelle que l’on pourrait résumer par le slogan « Never green again, just asphalt for ever ».

D’aucuns cependant se posèrent des questions sur l’existence de ce virus mutant, d’autant qu’il y avait eu des précédents. Mais à l’époque, il ne s’agissait que d’une histoire de grippe, on n’avait pas touché à la ville. À l’époque !

 

Extrait de L’homme au banc,

Éditions Hesse, 2013,

avec des monotypes de Catherine Seghers

 

François Minod

Francopolis – Mars-Avril 2020