Il s’inventait des rues de Paris
I
Il s’inventait des rues de Paris,
Comme ça pour s’amuser,
Se distraire. Des rues qui
Ne conduisaient nulle part.
Des rues sans voiture,
À l’abri du soleil,
Des rues où les commerçants
Étaient toujours souriants
Et les filles éternellement
Jolies quelles que soit les
saisons
Des rues qu’on ne voulait jamais
Quitter et qu’on parcourait
Plusieurs fois dans tous les sens.
Des rues où les enfants jouaient
Sans aucune peur aucune
Des rues où il aimait se souvenir
Les jours de grand spleen.
Des rues où revenir était le
meilleur
Traitement que la médecine
Pouvait lui proposer.
Des rues parfois étranges
Où s’y aventurer était quelquefois
Dangereux, surtout le soir
Mais des rencontres surprenantes
De filles aux talons hauts
Pouvait égayer le restant d’une
vie.
Il s’inventait des rues de Paris
C’était comme une seconde capitale
Où il renaissait à chaque fois.
II
Il s’inventait des rues de Paris
Au nom rigolo
Comme la rue
aux clowns
Où à chaque porte cochère
Un clown jouait son numéro
Et les arceaux volaient
Et les baguettes fendaient
Le ciel si léger que les oiseaux
Hésitaient à s’y promener.
Les rires se communiquaient
De clown en clown
En une large farandole
Soutenue par les rires
Des enfants.
III
Il s’inventait des rues de Paris
Et celle qu’il préférait était
La rue aux amoureux.
Rue où tous les amoureux
De la capitale se donnait
Rendez-vous pour s’embrasser
Se cajoler, se caresser.
À chaque porte cochère
Une idylle se concrétisait,
Un avenir s’ouvrait…
Tous ces instants
Marqueront à jamais
Ces couples de la tendresse
Et lui si heureux à l’idée
De voir tant de bonheur
Présenté à la fois.
IV
Il s’inventait des rues de Paris,
Des rues aux façades
Grandes ouvertes sur la ville,
Des façades hautes et larges
Occupées par des peintres, seulement des
Peintres et au travers
Des vitres on regardait
Les tableaux peints, les sculptures
Sur chevalet. On s’arrêtait,
On mettait une main
Au-dessus des yeux
Pour mieux scruter l’arrière-atelier
Et apercevoir le nu d’un modèle
Qui posait pour une œuvre.
V
Il s’inventait des rues de Paris,
Ces jours-ci, c’était une rue aux livres,
Une rue aux bibliothèques et librairies
Les unes après les autres, à chaque n°.
Un lieu de lecture et de discussion.
Et aussi à chaque banc une pile
De livres offerts à tous les visiteurs.
Il suffisait de s’asseoir,
Choisir un volume, s’en saisir, l’ouvrir et lire
Jusqu’à la tombée de la nuit.
Parfois certains prenaient
La parole et lisait à haute voix
Poèmes ou récits d’aventures.
Le temps s’écoulait ainsi, paisible
À l’ombre des livres.
Dans une douce poésie.
VI
Il s’inventait des rues de Paris
Des rues à choisir selon son inspiration
Son humeur du moment, ses envies.
Par exemple, la
rue des guirlandes
Si fleurie, si pimpante, une rue encadrée
De tout son long de guirlandes
Multicolores et d’une longueur
À nulle autre pareille.
Les gens dansaient à voir ce décor
Ils se prenaient la main
Le sourire aux lèvres
De farandole en farandole
La rue donnait une image
Sans équivalence
D’amour et d’amitié.
VII
Il s’inventait des rues de Paris,
De celles qu’on reconnaissait
Au premier abord, à l’air ambiant,
À l’odeur qu’on y respire,
À la chaleur de ses bouches de métro.
À la première goutte de pluie
Qui roule sur le trottoir
Pour s’évanouir au détour
D’un carrefour.
À la première neige tombée
Du ciel parisien, déjà fondue
Avant même de toucher le sol.
Au premier rayon de soleil
D’un jour de printemps,
Au premier baiser d’une amante
À son amant.
VIII
Il s’inventait des rues de Paris,
Des chemins sinueux, des courettes
En enfilade, des portes qui donnaient
Ailleurs, dans une autre rue,
Dans un autre arrondissement.
Rien n’était jamais assez inconnu
Pour lui, assez nouveau. Son regard
Devait être surpris, intrigué.
Alors, il s’inventait des chemins
Connus de lui seul et qu’il lui était
Souvent impossible de reprendre
Quelques jours après, sa mémoire
N’ayant pas retenu toutes les traverses
Qu’il avait emprunté.
Alors, il se créait d’autres pérégrinations,
Au jour le jour, sachant que ce jour
Sera peut-être unique et que demain
Il aura tout oublié.
©Michel Ostertag
Septembre-octobre 2018
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