Sacré
Cœur
Maman j’ai le vertige
je m’accroche à la rambarde
de la coupole du sacré Cœur
de Montmartre j’ai le cœur qui bat
la chamade tous ces escaliers
qu’il a fallu grimper un à un
pour se hisser jusque là
et maintenant je peux pas
regarder en bas ces gens qui vont
et viennent dans la nef petits ludions
minuscules que j’entends en un
brouhaha il faut que je redescende
au plus vite maman j’ai peur
appelle la Sainte Vierge fais quelque chose
au plus vite j’ai envie de vomir
pourquoi ne suis-je pas rester en bas
avec les autres…Je n’écouterai plus jamais
les adultes.
Les
gens
qui viennent
et repartent
sans rien dire
sans rien montrer
de leur humeur
de leur mauvaise
humeur
ou de leur bonne
humeur
qui vous disent
seulement
bonjour
puis bonsoir
et ceux qui ne disent rien
ou à peine rien
qui tirent une tronche
pas possible
ou alors
une banane au visage
qui voudraient engager la conversation
avec vous
et qui n’osent pas, trop timides
qu’ils sont
et vous qui ne faites que regarder
tous ces gens si différents
et uniques, en somme,
vous qui les regardez
aller et venir
en tous sens
en vous demandant
où vont-ils tous
ces hommes et femmes,
enfants, vieillards,
laids et beaux,
à jeun ou ivres,
ivres d’amour ou
de fatigue, d’espoir
en une vie meilleure
en une vie autre
plus humaine, ouverte,
fraternelle
mais il ne faut pas rêver
prendre des vessies pour des lanternes
ne pas imaginer changer le monde
mission impossible
sinon ça aurait été fait
il y a longtemps
faut pas rêver.
Tous ces gens finissent par disparaître
dans les trains, les métros, les voitures
et rentrent chez eux.
Ces gens, tous les gens,
s’anonymisent,
l’esprit vide
devant la télé. Les voilà prêts
à se gaver jusqu’au soir
d’informations dont ils se foutent
comme il n’est pas permis,
de téléfilms sans surprise
qu’on oublie le matin même,
Kleenex modernes,
indispensables à l’équilibre.
Et le lendemain, ils repartent
À l’usine, au bureau,
Ou ils restent chez eux,
Et quand sonnent onze heures,
Certains vont pointer à Pôle Emploi,
par nécessité, par habitude,
cela fait tellement longtemps
qu’ils ont oublié comment c’était
le travail.
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