À suivre
– On va voir comment
on va faire pour faire tenir tout ça.
– C'est
pas gagné.
– Heureusement
d'ailleurs, sinon à quoi bon !
Le plus dur tout de même, c'est de
décider. Après ça, bon an mal an, on s'accroche, on déplie le programme, et
on s'affaire à son affaire. Sans trop penser à l'échéance. Ça va comme
ça ? Peut mieux
faire ? C'est ça hein que vous pensez ? Peut toujours mieux
faire, mais à quoi bon, quand on sait.
– Tout de même…
– Il faut faire de son
mieux, je sais, je sais. C'est la règle non dite, non écrite, faire de son
mieux quoi qu'il arrive. Et il arrive.
Ça avance bien, non ? On a un
peu précisé les choses, on va faire du bon travail, j'en suis convaincu.
Ne surtout pas se poser de fausses
questions, tenir son cap, le reste c'est de la littérature.
– Le reste ?
– Oui, enfin,
entendons-nous, quand je dis littérature, je me comprends.
– Parce que ce qu'on
fait là, en ce moment, ce n'est pas de la littérature ?
– Non, pas vraiment,
ce sont des mots, ou plutôt des perles que l'on enfile.
– Du bla-bla,
quoi ?
– Oui, en quelque
sorte du bla-bla pour détourner l'attention du lecteur.
– Dans quel but ?
– Dans un but de
salubrité publique.
– Expliquez-moi ça, je
crains de ne pas vous suivre.
– À quoi bon ?
– Mais je suis
impliqué dans cette affaire.
– Et alors ? Vous
croyez que tous les gens impliqués connaissent les tenants et aboutissants
de leur action.
– Tout de même !
Ils sont informés a minima.
– Quel naïf vous faites.
– Je ne vous permets
pas.
– Bien, bien, on ne va
pas en faire un fromage, je vais vous informer a
minima pour reprendre votre mot.
– Je vous écoute.
– Eh bien, voyons
voir, il s'agit de faire croire au lecteur qu'on va lui raconter une
histoire, vous me suivez ?
– Jusque-là, rien à
dire, continuez.
– Lui faire croire
donc qu'on va lui raconter une histoire et faire durer son attente au
maximum.
– Dans quel but ?
– Comme ça pour rien.
– Et alors ?
– Alors, il va lire, dans
l'attente de l'histoire à venir.
– Quel intérêt ?
– Aucun intérêt, si ce
n'est...
– Quoi ?
– Stimuler son
attente.
– À la bonne heure. Et
pourquoi ?
– Pour qu'il savoure
d'autant mieux l'histoire à venir.
– C'est ce qu'on
appelle le teasing en publicité.
– Oui, mais peut-être
n'y a-t-il pas d'histoire à venir, peut-être que l'histoire c'est cette
attente.
– L'histoire d'une
attente ?
– En quelque sorte,
oui.
– Godot, quoi.
– Indépassable Godot.
– À suivre, donc...
François Minod
in Tant
que les mots disent, Editions Hesse, 2013
Janvier -
février 2018
|