Z’avaient qu’à le dire
Z’avaient qu’à
le dire qu’y pouvaient pas venir, c’est vrai quoi,
z’avaient qu’à nous prévenir. Au lieu de ça rien du
tout, ils nous laissent comme ça,
sans
nouvelles.
On se
faisait une joie de les recevoir dans notre petit machin.
On
avait sorti la toile cirée et tout le tralala, le tralala itou.
Et même
les cacahouètes.
On
s’était préparés à l’intérieur, on avait mis nos habits de fête.
Et sont
pas venus. Même pas prévenus. Rien.
Alors
on fait quoi nous maintenant ? On range tout ? On plie tout ? On ferme ?
Et on
reste entre nous à l’intérieur.
De
toute manière, viendront plus, c’est trop tard, faut se faire une raison.
Viendront
plus à l’intérieur. Sont restés là-bas entre eux, à l’extérieur.
Z’ont pas
osé, c’est ça que je dis, z’ont pas osé se
compromettre.
Z’ont dit
oui au début. Puis z’ont réfléchi.
Se sont
dit qu’y pouvaient pas accepter.
Que si
on les voyait. C’est ça qu’y se sont dit. Si on les voyait.
Oui à
l’intérieur.
Z’ont dû se
raviser.
Peur
des conséquences. Des qu’en dira-t-on.
Eh bien
qu’ils y restent là-bas à l’extérieur.
Nous on
va continuer entre nous comme d’habitude. Notre petit train-train,
nos
petites affaires. On va continuer.
Sans
eux. A l’intérieur.

François Minod
in Au
fil de l’autre, avec des monotypes de Catherine
Seghers,
Éditions Hesse, 2010
Mars - avril
2018
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