Parfum d’hiver
(extrait)
Ils
restent des anonymes.
Ils
ont vécu, ils sont morts.
Ils
vivent encore, peut-être.
On
ne sait rien d’eux
Ou
plutôt, tiens,
On
apprend que tel enfant aux cheveux noirs et encore potelé
Dont
on ne connaissait pas l’existence mais dont les larmes des parents ne
tarissent plus
Est
mort. Il gisait sur la plage, rejeté par la mer.
C’est
la mort d’un enfant.
Tout
un chacun s’attendrit, s’émeut, est remué.
Mais
pour autant, empêche-t-on désormais qu’une telle chose arrive ?
Les
responsables ont-ils été écroués ?
La
mer n’est-elle plus un danger ?
N’est-elle
enfin plus un cimetière ?
Qui
fait front ? Qui empêche les noyades ?
Ce
qui gémit n’est pas le vent
Ce
qui hurle n’est pas la lune
Ce
qui sanglote n’est pas la mer
Ou
désormais l’écho dans la montagne
Il
faudrait plus d’une gifle pour nous réveiller d’un tel cauchemar
Il
faudrait plus d’un cœur pour faire barrage à ces tueries.
Ils
restent des anonymes
Agonisent
ou survivent
Défient
la mer ou la montagne
La
neige et le froid.
Qui
aurait l’outrecuidance de déclarer :
Ils
sont inconscients ceux qui bravent les horizons sombres
De
l’hiver !
Ils
fuient les villes vides, les éboulis, les ruines.
Ils fuient les viols, les armes, la vie impossible
Sur
la balance il n’y a plus que la mort ou la mort,
Mais
aussi l’étincelle obscure de l’espoir qui les fait partir sans se retourner
Vers
le froid, le manque, le danger, le rejet, la crasse et la faim.
Pas
à pas même pour rien ils auront tout tenté et ceux qui meurent comme ceux
qui respirent sont
D’étranges
étrangers, d’infortunés étrangers, de drôles de héros décharnés, dépossédés
et que
L’Europe
opulente et peureuse
Rejette !
©Dominique Zinenberg
Janvier - février 2017
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