Le soir a baissé
ses paupières dans un cerne d’argent
et le pinceau aquarelle est
barque frêle agitée par le vent
Nacelle de nuages formant gîte pour rêveurs
(avec ou
sans mandoline)
Le soir avance, encore presque bleu.
Il emprunte un chemin de moire
et fait attendre un peu la nuit
qui se froisse.
Robe à présent défaite, aux reflets
noirs,
Robe déjà parfaite, scintillante
d’étoiles,
qui est coulée d’encre à donner de
quoi passer
la nuit à ceux qui oublient de dormir
et forent jusqu’à l’épuisement
le roc des pensées,
la grotte des sens,
le puits des songes,
avec un outil fin de ciseleur,
(comprenant diérèse)
un talisman d’oubli,
totem protecteur
formant cocon musical,
privé, secret, inconnaissable
L’abandon à la nuit offre sa passion.
***
Le dessin d’une
harpe remplit la page du ciel
C’est un dais sombre aux franges
dorées
Serait-ce un châle pour prier ?
La nuit-harpe pince les cordes en
myriades d’étoiles,
Elle n’est qu’un écho diffracté de
syllabes lyriques,
Mains légères volant sans presque
rien toucher
Un trait d’arpèges sur l’horizon qui
flotte
Et onde qui ricoche dans la conque du
songe.
La partition est parchemin
pérégrinant dans les airs
Les notes, un trait d’infini, une
arche d’anges venus exprès
Comme lorsque le chantre fredonne
C’est la voltige et l’émoi
L’interprète affronte l’impossible
Et ne trébuche pas.
Soudain des strates d’études jouées
et rejouées
Déferlent en pluie ardente,
Et la Joie oubliée, revient.
***
C’est au centre
de l’arpent qu’une aura bleue renvoie tout le reste dans l’ombre.
Dans l’aura bleue, un musicien joue
de la harpe.
Et rien n’existe plus.
Ni même le chagrin, ni même le
battement du cœur.
Dans l’œil du peintre, n’existe plus
que la silhouette au fusain qu’il dessine.
Gestes sûrs, notes magiques envolées qui
semblent vivre sur le papier ouaté, blanc cassé.
On frôle des lèvres la musique.
Elle cerne le cercle bleu, devient puits de transe.
Sur la margelle, le peintre saisit on
ne sait quoi d’inaltérable dans les mains qui glissent.
Pour faire diversion, hors du cercle
de feu,
Fragile, insouciant ou téméraire,
Notre Pierrot lunaire joue de la
mandoline pour sa Colombine bien aimée,
Sa Colombine de toujours
Et rien n’existe plus.
La vie de Colombine se dilue dans les
sons de l’aura bleue, dans les sons des notes noires et blanches Du hors
champ, hors arpent
De son amoureux au cœur battant, aux
nuits chagrines.
©Dominique Zinenberg
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