
Tableau de Pierre
Zinenberg
Tulipes
Le
bouquet est là :
tulipes mauves,
un rêve porcelaine.
C’est
fragile
déjà menacé.
Autour,
un vide
une fébrilité, des larmes.
La
nature morte est dessein enserrant le cadre.
Un
dessein large et grand.
Pour
peu tout cela égarerait
jusqu’à la déraison.
Le
monde perd-il pied ?
Une
inquiétude dessine son trait de feu.
Le
bouquet
s’absorbe dans la sérénité
de ses nuances.
Un
jour-dahlia
Des
dahlias rouges
giclant
d’arabesques crochues
vase incendié dans le bûcher du ciel
ô ces jardins-hallucinés
fleurs mescalines
pourpre-sang
encres
genèses
délires d’eaux fortes
sur l’herbe Véronèse
pétales cramoisis
saccagés
vent qui cingle
farouche et doux
Henri
Michaux
Œil
Poésie

Célébrer
l’herbe
Expressément
célébrer l’herbe
l’herbe menue mousseuse et dense
l’herbe voltige et pirouette
dessinée par le vent
fragile comme un songe
et parfumée de terre
l’herbe éperdue qui chatouille
si douce ou acérée, si coupante,
l’herbe qui rafraîchit, gorgée de pluie
et de rosée
sur les talus, près des arbres, dans
les prés
avec les vaches, les chevaux, les
moutons,
l’herbe des alpages, si verte et piquetée
de pâquerettes
et boutons d’or,
l’herbe des jardins (ô les mauvaises
herbes que l’on arrache !)
c’est frais d’enfance à portée de
regard,
c’est empreinte de grâce,
pas de nymphe allant
dans la force du jour,
pied nu,
dans l’insouciance…
Et
l’herbe chante pour le nuage et la pierre, pour l’arbre et l’oiseau
pour le serpent furtif,
elle chante, traversant les temps,
traversant l’aube et le soir,
et la nuit des nuits
l’antienne secrète
du babil des fées.

Roses
trémières
Les
roses trémières de la rue Potard
ont suspendu leur souffle
et ralenti leur nuit.
Unies
à la pierre, aux pavés,
elles tiennent, verticales et altières,
et solidaires du rêve des passants
qui chaque jour les saluent,
heureux, un instant, de les voir
vaillantes encore,
elles sont roses trémières et étendards
de résistance et de beauté.

©Dominique
Zinenberg
textes et images
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