Quel pas sur quelle passerelle
danse-t-on d’une page
à l’autre du recueil ?
Voilà,
tu es passée
à l’autre page,
sur l’autre rive ,
dans quelque obscure venelle
où c’est avec les mots qu’on joue.
Passe-muraille
traversant l’apparence
la langue est alourdie de faux-amis,
d’équivoques, de
sous-entendus,
langue trépassée des
grimoires,
oubliée des
dictionnaires,
rafistolée au mythe et à
l’étymologie
et qui revient de son coma, changée,
chamboulée, travestie, à
peine revêtue
d’un genre neutre, mauvais garçon,
garçon manqué,
faux frère, faussaire, faux-monnayeur
et cosmopolite,
langue enrichie,
appauvrie, louvoyant dans les quartiers
interlopes d’un no man’s
land métissé,
patchwork informel
inventant de nouveaux
hiéroglyphes, des
pictogrammes et mimiques,
geste de langue sans
paroles et
cris,
faisant discours et
propagande,
faisant table rase de la
vieille syntaxe, de l’exigence
des accords,
de la pureté hiératique du
vocabulaire précis
et s’acoquinant, lascive, aux
vocables de tous les ailleurs,
langue vivante,
insatiable vampire aspirant tous les
sangs,
toutes les textures,
tous les accents, et jusqu’aux épices
les plus lointaines, racoleuse
langue, faisant feu de tout bois
oublieuse langue mortelle
et telle le phénix,
renaissant et renaissant
encore
de ses cendres.
Voilà
la passerelle franchie,
la page blanche à écrire
ou à lacérer d’incertitude.
©Dominique
Zinenberg
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