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Pieds des Mots : Archives

(2010 – 2016)

 

  PIEDS DES MOTS
Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre...

Le principe des Pieds des mots
est de nous partager l'âme d'un lieu,  réel ou imaginaire,  où votre coeur est ancré... ou une aventure.... un personnage...

 

AVRIL 2017

 

 

Poèmes inédits

 

par Dominique Zinenberg

 

Fouillis du cœur

 

Le fouillis du cœur

Le bric-à-brac des pensées

Le tohu-bohu de la vie

Le charivari du temps

Le chaos de l’âme

Les fièvres du désir

Les suffocations de l’ennui

Les ivresses de l’art

Les feux d’artifice du succès

Les frénésies du risque

Les bouleversements de la violence

Le manque qui assèche

Le deuil qui dévore

Les fêtes de la découverte

Et l’amour qui sur tout devrait se poser.

 

Jaillissements, jaillissements,

Promesses de musique

Dans le fouillis du cœur

Meurtri

Et variable.

 

 

Précarité des lignes

 

Des lignes sans fin

N’épuisant rien

Du monde

Lignes de fuite

Horizon pour danser

Dans des robes légères, en lin,

Sculptant le corps,

Trame et chaîne,

Pleins et déliés,

Lignes de la mémoire

Ridules et rigoles,

Ornières de sentes sombres

Rides au front

Cordes de lyre et de cargo

Lignes pleuvant sur l’infini

Traînée de larmes

Pour survivre

Dérives et détours

Lignes de main,

Nervures

Pour des destins précaires

Lignes à tirer la langue sur le cahier froissé

Ligne brisée de l’ombre

Dans l’essor du soir

Lignes en pointillé creusées d’absence

Et la lignée, dérisoire poussière,

Sombrée à tout jamais.

 

L’arc en ciel lève l’ancre

Vers un accès au monde

Vers un partage sans limite

Ou vers l’à peu près

Proche du rien qui règne.

 

 

Réflexions

 

Dans le creuset du sens

L’explosion diffractée de la pensée

Tamisée par la lumière

De la lampe ou

                                     La fragilité

 

                D’une voix fait son chemin vers l’ouvert.

 

De l’ombre, en strates déposées,

De l’ombre poreuse pénétrant

L’incandescence du penser

Un creuset de larmes et de sang

Dans le désir et le rêve

Dans la débâcle et le carnage

Dans ce qui ment, ce qui émeut,

Ce qui frémit et sombre

Dans le regard affamé de l’enfant

Dans les mémoires disloquées, désarticulées

 

On a foré de tout temps la pensée.

 

Elle est, paumes ouvertes vers l’infini,

Ciel, rondeur, volcan et peau blessée.

Elle est magma, ferment, levain

Pour l’intime du sens

 

Et vers rongeant les siècles.

 

©Dominique Zinenberg

 

 

Des grains à moudre…

 

par François Minod

 

Partez !

 

– Partez ! Partez de mon champ !

– Mais…

– Y a pas de mais, partez !

– J’ai toujours été là.

– Non, avant vous n’étiez pas ici.

– Comment le savez-vous ?

– Ça se voit non ?

– Comment ?

– Regardez-vous et vous verrez.

– Mais j’ai toujours été là, je vous dis.

– Oui mais vous n’êtes pas d’ici.

– Vous voulez dire que…

– Exactement, vous avez compris.

– Mais ce n’est tout de même pas à cause de…

– Si, c’est à cause de ça.

– Mais j’ai toujours été là, je vous dis.

– Ça ne veut rien dire, vous avez toujours été là sans être d’ici, c’est tout.

– Et où voulez-vous que j’aille ?

– Eh bien chez vous, pardi.

– Mais c’est là, j’vous dis.

– Mais regardez-vous, nom de Dieu, et vous verrez que vous n’êtes pas d’ici.

– Je n’ai pas de miroir.

– Prenez le mien, regardez-vous et disparaissez ! Que je ne vous vois plus ! Jamais !

 

Eh ! Attendez ! Mon miroir ! Rendez-moi mon miroir !

 

 

Dire ça qu’on a en soi

 

On n’en peut plus des mots, ça parle de partout, ça déborde,

ça crie, ça pleure, ça mord, ça éructe, ça inonde, ça bruisse de plaisir,

ça roucoule, ça tue parfois pour de faux et pour de vrai aussi.

C’est bavard les mots, ça se joue de soi, ça joue avec soi, ça échappe,

on les cherche les mots,

pour le dire enfin tout ça qui reste au-dedans de soi, qui n’en peut plus de rester.

Et ça parle pourtant, ça piaffe, c’est une foule, on s’y perd, toutes ces voix,

mais aucune qui puisse dire ça qu’on a en soi

qui déchire la peau du dedans depuis si longtemps.

 

 

Extrait de Grain à moudre, Editions Hesse, 2009

 

 

 

FRANCOPOLIS
avril 2017