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Pieds des Mots : Archives

(2010 – 2016)

 

  PIEDS DES MOTS
Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre...

Le principe des Pieds des mots
est de nous partager l'âme d'un lieu,  réel ou imaginaire,  où votre coeur est ancré... ou une aventure.... un personnage...

 

MARS 2017

 

 

Ciel et Seine

 

par Dominique Zinenberg

 

La Seine en satin

Le ciel organdi                       - buvard de lumière –

très tôt le matin

                        drapent nos contours

d’une vague jupe d’azur et dentelle.

 

Nuages, ô nuages, nuances des anges feignant des sourires

Vous nous saluez au-dessus des toits et des frondaisons

filant vos cocons tout en traversant

la voûte du monde.

 

Alors dans le jour

arrosé de feu de fil et de lys

nos vies illusoires, nos vies défaillantes,

ô nos vies de paille

flamboient un instant

délestées de doute et de désarroi.

 

Nous sommes bougies, violettes tremblantes,

mais nos voix se mêlent comme nos haleines

et nous nous risquons à blottir nos rêves dans

le tissu bleu nacré de lumière

du grand ciel d’hiver et du

satin souple du fleuve

qui coule

perlé

de poussière.

 

©Dominique Zinenberg (inédit)

 

 

L’Homme-Qui-Fait-Face

 

par François Minod

 

On aurait pu croire qu’après tous les changements survenus ces dernières années, il se résoudrait à rester tranquille en attendant des jours meilleurs. On aurait pu raisonnablement le supposer. C’était compter sans sa pugnacité, sa combativité, son incroyable capacité de résistance qui faisait de lui un être à part, une sorte de guerrier égaré dans un monde dématérialisé, un monde où seules les relations virtuelles tiennent lieu de réalité.

Debout, fier de sa posture altière, il attendait qu’on vînt le défier. Et rien, je dis bien rien ne le détournerait de sa détermination à faire face. C’était sa raison de vivre, son ethos, sa marque de fabrique, son ADN dirait-on, faire face quoi qu’il en soit, quoi qu’il en coûte.

Ce qu’il ne savait pas ou feignait de ne pas savoir, allez savoir, c’est qu’il n’y avait plus grand-chose à laquelle faire face, physiquement s’entend, peut-être n’y avait-il même plus rien.

Peut-être, pensa-t-il, mais peut-être ce n’est pas rien, ça laisse malgré tout une ouverture, une petite fenêtre d’opportunité.

Nous en sommes là, donc, à ce moment où notre homme, contre vents et marées, persiste à faire face. De nos jours cela est rare, c’est la raison pour laquelle, j’ai décidé de porter mon regard sur cet homme de qualité.

En fait, notre homme avait trouvé sa place, son statut parmi ses coreligionnaires, il était devenu ‘‘L’homme-qui-fait-face’’. C’est ainsi qu’on le nommait. Un site lui avait d’ailleurs été dédié sur internet : l’homme-qui-fait-face.com

Des milliers d’internautes consultaient ce site animé par une équipe de jeunes publicitaires qui, se servant de son image, avait trouvé une façon habile d’attirer une clientèle ouverte à des propositions, disons plus mercantiles.

Notre homme de qualité n’allait jamais sur le site qui lui était dédié, il ne s’intéressait pas au monde virtuel. Il avait accepté, sans doute par ignorance, que ce site devînt la propriété de ces jeunes publicitaires. Il avait même accepté de poser pour qu’on fasse de lui des photographies dans sa tenue "d’homme-qui-fait-face ".

Bien qu’il n’affectionnât pas la publicité, il s’était aimablement prêté à la demande des jeunes publicitaires.

Il devint, à son insu, une sorte d’icône comme le fut à une époque plus ancienne la mère Denis.

On imagine bien la déclinaison que purent en faire les publicitaires pour leurs clients assureurs, banquiers, et même politiques.

L’homme-Qui-Fait-Face devint un personnage très populaire et très célèbre de la sphère médiatique, avec sa gueule de légionnaire recyclé, son regard fixe transperçant l’horizon et sa poitrine velue exhibant quatre lettres tatouées : H-Q-F-F (L’Homme-Qui-Fait-Face).

On le voit encore aujourd’hui apparaître de ci, de là, dans les quartiers touristiques de la capitale. Torse bombé, regard d’acier, il avance à petits pas cadencés face aux appareils photos et caméras numériques des badauds de service, répétant de sa voix chevrotante « je suis l’homme qui fait face, je suis l’homme qui fait face… »

 

Extrait de L’homme au banc, Editions Hesse, 2013

 

 

 

Seuil

 

par Mireille Diaz-Florian

(dédié à Robert Bréchon)

 

Je suis la trace de tes mots

Ils surgissent de chaque touche légère sur le clavier

L’écran est lumineux

Comme l’aube à venir

 

Je vais envoyer tes textes sur le réseau.

Où ils glissent à la vitesse de la lumière.

D’autres vont s’en saisir

Dans la résonance de la matière

 

Je m’avance dans  ton silence

Au seuil où tu as disparu.

Je peux en franchir la limite

Dans la spirale du temps

 

Tu es assis à ton bureau

Tu auras un instant

Posé ton regard bleu

Sur le lointain des arbres

 

Je recopie tes mots

Qui  pèsent dans le silence

D’autres vont les lire

Dans la permanence de la lumière

 

Je relis tes poèmes

J’écoute leur chant

J’aborde à chaque fois

La rive ombrée des signes  

 

Ta mort n’a rien changé

A l’ordre des jours

A la force des mots

A ta présence du monde.

 

© Mireille Diaz-Florian (inédit)

21 février 2017

 

FRANCOPOLIS
mars 2017