1. PARIS-POEMES
de
Michel Ostertag
PARIS, JE REVIENS
WOUAH !
ça y est, je remonte à Paris
mon
chez moi, ma respiration,
après
tous ces mois loin d’elle,
de
mes quartiers, de mes habitudes,
je
vais me retrouver tel qu’en moi-même
je
suis réellement.
Loin
d’elle, je me console en images, en photos, vidéos, films sur cette ville,
ma mémoire
reste
intacte, chaque coin de rue me raconte
son
histoire, notre histoire.
Hélas,
je ne pourrai pas aller à tous ces rendez-vous dont je rêve depuis si
longtemps.
Paris,
ma maîtresse, mon amante…
Le
jeune homme que j’étais, le voici, déambulant,
figure
pâle, corps amaigri, souffreteux,
la
tête remplie d’un Romantisme débridé
qui
brûlait en lui, nuit et jour et qui faisait
de
la plus insignifiante des filles une déesse
belle
à en mourir. Mon Dieu, ai-je changé ?
La
question reste en suspens,
Paris,
elle ne change pas.
*
*
QUAI DE PARIS
Sur
les quais de Paris
un
après-midi d’été
sans
but précis
à
flâner à rêver
à
ne penser à rien
heureux
dans ses baskets
prêt
à tout a aimer
la
première personne
qui
passera celle qui me
sourira
me parlera
fera
attention à moi
je
m’assiérai à côté d’elle
tout
proche d’elle
je
dirais oui à tout ce qu’elle
me
demandera je serai subjugué
je
serai sous son charme
le
temps passera je n’en serais rien
puis
elle repartira
dans
l’autre sens
en
me tournant le dos
et
je resterai seul
seul
avec moi-même
le
cœur battant
et
l’âme ravagée.
*
* *
RUE
SAINTE ANASTASE
Au n°12, je
suis allé.
Au n° 12, j’ai
ouvert la porte,
Victor Hugo est avec moi.
Juliette l’attend pour un long
moment d’extase réciproque.
Fabuleux cheminement du
poète dans Paris la nuit, vrai
visage
de la poésie pour qui la lumière du
jour
ne donne pas les vraies couleurs
tandis que les rayons lunaires lui
accordent
la grâce surnaturelle sans laquelle
elle ne peut vivre.
Du fond de l’impasse, j’ai déboulé,
moi aussi,
mon pas suivait celui du poète en
référence,
les gens avaient déserté les rues,
il faisait froid
cette nuit-là, mais que m’importait
ce détail,
j’étais en compagnie du plus
fantastique
des guides, le chemin me parut long
et court
à la fois ; dans le silence de
la nuit, mes pas résonnaient comme un écho à ma pensée et pourtant personne
ne m’attendait au 12 de la rue Sainte Anastase ; Juliette l’amoureuse
n’est plus ; mais tant de livres sont dans les bibliothèques comme des
bagages du passé portés par les vivants. Ainsi, les souvenirs survivront
dans nos mémoires.
J’ai ouvert la porte découpée à
l’ancienne,
j’ai gravi les premières marches
qui conduisent aux paliers, j’ai respiré doucement l’odeur qui se dégageait
de l’immeuble, je ne savais pas
où j’allais exactement, j’étais
comme aspiré,
comme happé par une main invisible,
j’étais dans la maison de Juliette,
une porte allait s’ouvrir et elle
apparaîtrait,
vêtue de sa longue robe bretonne,
les épaules dénudées, une immense mèche torsadée tombant sur l’épaule
gauche comme dans la lithographie peinte par Léon Noël, les manches
bouffantes,
assise sur son canapé. Mais il faut
que je m’arrête, j’entends un bruit de porte que l’on ouvre, puis des
enfants qui se bousculent dans l’escalier, le père, la poubelle à la main
leur criant « doucement, pas si vite » et me voici chutant,
affolé, d’un siècle à l’autre, la mine ahurie, ne sachant quelle contenance
prendre, juste le temps nécessaire pour m’effacer devant la horde piaffante
déboulant d’un étage à l’autre.
Je redescends d’un trait, leur
emboîte le pas et me voici dehors, à demi éveillé d’un rêve merveilleux
trop tôt interrompu.
Souvenirs que je n’ai pas vécu,
qu’importe, je m’en
fiche, je vous recherche, vous poursuis, vous quémande,
je marche vers vous, vous tends la main, les livres ne suffisent pas… Je
veux vivre à vos côtés… Vous êtes en moi, dans mon sang, ma tête, la nuit,
je me réveille à cause de vous, souvenirs… Vous portez en vous une magie
qui m’ensorcelle…
Michel
OSTERTAG
septembre
2017
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2. POÈMES
INÉDITS
de Dominique Zinenberg
I
L’eau coulait. Nous marchions.
Branches de lumière
Cygne glissant si blanc…
Loin de tout travail
J’ai traversé ce jour
Marchant vers
dans l’air blond
Hôte de l’éveil
hôte des absents
des racines en vigile
Qui le devinerait ?
Souffle et reflet
Nous engageant dans le bleu du
ciel
et vers l’automne
avec
au bout de la langue … des mots
latents
traînant le pas
Nous marchions.
L’eau coulait.
II
Peu d’oiseaux dans les arbres
encore verts,
peu d’essors
lire sur un banc
lever les yeux au ciel
picorer des grains de lumière
se lever et
lentement marcher dans le parc
parler à deux jeunes filles
déboussolées, cabossées, plus
fragiles
qu’oiseaux sur la branche
et dans le car
au retour
entendre une chanson
d’amour
la fredonner
sans qu’on m’entende
et,
me faisant oiseau
d’avide volonté
troublant le paysage
je reviens à tire d’ailes
dans le creux de mon arbre
et la nuit de mon nid.
III
L’œil se lasserait- il
D’un ciel bleu traversé
d’oiseaux
De la Seine bleue traversée de
cygnes ?
Dans la douceur de l’air
Voilà que tout s’apaise
Et que chante la peau
Les mots ont une place à part
Ils forment parenthèses
Palpitent
Ne font que quelques signes
Sans conséquence.
Dans les jardins
L’herbe et les fleurs se font
l’amour.
Des pas dans les rues envahies
de lumière
Des pas sous le couvert
Des arbres d’or et d’émeraude
Qui ne se posent pas de
questions
Mais laissent tomber leurs
feuilles
Quand elles ont trop vécu.
IV
Dehors, à l’écart
parcelle d’innocence
fragment d’azur et de dentelle
dehors et dans l’inanité
sur la crête nacrée, immaculée
de l’horizon
dans l’ailleurs précisément
parmi l’écorce et le liège
dans la nervure sombre
de la feuille
dans la prunelle verte du chat
où vagabondent les elfes et les
fées
J’irai, oui, j’irai
car l’infini
m’importe autant
que
le rapt de ton regard.
Poèmes
inédits de Dominique Zinenberg
septembre 2017
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