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Pieds des Mots : Archives

(2010 – 2016)

 

  PIEDS DES MOTS
Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre...

Le principe des Pieds des mots
est de nous partager l'âme d'un lieu,  réel ou imaginaire,  où votre coeur est ancré... ou une aventure.... un personnage...

SEPTEMBRE 2017

1. Michel OstertagPARIS-POÈMES

       2. Poèmes inédits de Dominique Zinenberg

 

 

1. PARIS-POEMES
de
Michel Ostertag


 
PARIS, JE REVIENS

 

WOUAH ! ça y est, je remonte à Paris

mon chez moi, ma respiration,

après tous ces mois loin d’elle,

de mes quartiers, de mes habitudes,

je vais me retrouver tel qu’en moi-même

je suis réellement.

Loin d’elle, je me console en images, en photos, vidéos, films sur cette ville, ma mémoire

reste intacte, chaque coin de rue me raconte

son histoire, notre histoire.

Hélas, je ne pourrai pas aller à tous ces rendez-vous dont je rêve depuis si longtemps.

Paris, ma maîtresse, mon amante…

Le jeune homme que j’étais, le voici, déambulant,

figure pâle, corps amaigri, souffreteux,

la tête remplie d’un Romantisme débridé

qui brûlait en lui, nuit et jour et qui faisait

de la plus insignifiante des filles une déesse

belle à en mourir. Mon Dieu, ai-je changé ?

La question reste en suspens,

Paris, elle ne change pas.

 

 

* *

 

QUAI DE PARIS

 

Sur les quais de Paris

un après-midi d’été

sans but précis

à flâner à rêver

à ne penser à rien

heureux dans ses baskets

prêt à tout a aimer

la première personne

qui passera celle qui me

sourira me parlera

fera attention à moi

je m’assiérai à côté d’elle

tout proche d’elle

je dirais oui à tout ce qu’elle

me demandera je serai subjugué

je serai sous son charme

le temps passera je n’en serais rien

puis elle repartira

dans l’autre sens

en me tournant le dos

et je resterai seul

seul avec moi-même

le cœur battant

et l’âme ravagée.

 

* * *

 

RUE SAINTE ANASTASE

 

Au n°12, je suis allé.

Au n° 12, j’ai ouvert la porte,

Victor Hugo est avec moi.

Juliette l’attend pour un long

moment d’extase réciproque.

Fabuleux cheminement du

poète dans Paris la nuit, vrai visage

de la poésie pour qui la lumière du jour

ne donne pas les vraies couleurs

tandis que les rayons lunaires lui accordent

la grâce surnaturelle sans laquelle

elle ne peut vivre.

Du fond de l’impasse, j’ai déboulé, moi aussi,

mon pas suivait celui du poète en référence,

les gens avaient déserté les rues, il faisait froid

cette nuit-là, mais que m’importait ce détail,

j’étais en compagnie du plus fantastique

des guides, le chemin me parut long et court

à la fois ; dans le silence de la nuit, mes pas résonnaient comme un écho à ma pensée et pourtant personne ne m’attendait au 12 de la rue Sainte Anastase ; Juliette l’amoureuse n’est plus ; mais tant de livres sont dans les bibliothèques comme des bagages du passé portés par les vivants. Ainsi, les souvenirs survivront dans nos mémoires.

J’ai ouvert la porte découpée à l’ancienne,

j’ai gravi les premières marches qui conduisent aux paliers, j’ai respiré doucement l’odeur qui se dégageait de l’immeuble, je ne savais pas

où j’allais exactement, j’étais comme aspiré,

comme happé par une main invisible,

j’étais dans la maison de Juliette,

une porte allait s’ouvrir et elle apparaîtrait,

vêtue de sa longue robe bretonne, les épaules dénudées, une immense mèche torsadée tombant sur l’épaule gauche comme dans la lithographie peinte par Léon Noël, les manches bouffantes,

assise sur son canapé. Mais il faut que je m’arrête, j’entends un bruit de porte que l’on ouvre, puis des enfants qui se bousculent dans l’escalier, le père, la poubelle à la main leur criant « doucement, pas si vite » et me voici chutant, affolé, d’un siècle à l’autre, la mine ahurie, ne sachant quelle contenance prendre, juste le temps nécessaire pour m’effacer devant la horde piaffante déboulant d’un étage à l’autre.

Je redescends d’un trait, leur emboîte le pas et me voici dehors, à demi éveillé d’un rêve merveilleux trop tôt interrompu.

Souvenirs que je n’ai pas vécu, qu’importe, je m’en

fiche, je vous recherche, vous poursuis, vous quémande, je marche vers vous, vous tends la main, les livres ne suffisent pas… Je veux vivre à vos côtés… Vous êtes en moi, dans mon sang, ma tête, la nuit, je me réveille à cause de vous, souvenirs… Vous portez en vous une magie qui m’ensorcelle…

Michel OSTERTAG
septembre 2017

 

*****
****

2. POÈMES INÉDITS
de Dominique Zinenberg


I

L’eau coulait. Nous marchions.

Branches de lumière

Cygne glissant si blanc…

 

Loin de tout travail

J’ai traversé ce jour

Marchant vers

 

dans l’air blond

 

 

Hôte de l’éveil

hôte des absents

des racines en vigile

 

Qui le devinerait ?

 

Souffle et reflet

Nous engageant dans le bleu du ciel

et vers l’automne

 

avec

au bout de la langue … des mots latents

traînant le pas

 

 

Nous marchions.

 

L’eau coulait.

 

II

 

Peu d’oiseaux dans les arbres

encore verts,

peu d’essors

 

lire sur un banc

lever les yeux au ciel

picorer des grains de lumière

se lever et

lentement marcher dans le parc

parler à deux jeunes filles

déboussolées, cabossées, plus

fragiles

                         qu’oiseaux sur la branche

 

et dans le car

au retour

entendre une chanson

d’amour

 

la fredonner

sans qu’on m’entende

et,

me faisant oiseau

d’avide volonté

troublant le paysage

je reviens à tire d’ailes

dans le creux de mon arbre

et la nuit de mon nid.

 

 

III

 

 

L’œil se lasserait- il

D’un ciel bleu traversé d’oiseaux

De la Seine bleue traversée de cygnes ?

 

Dans la douceur de l’air

Voilà que tout s’apaise

Et que chante la peau

Les mots ont une place à part

Ils forment parenthèses

Palpitent

Ne font que quelques signes

Sans conséquence.

 

Dans les jardins

L’herbe et les fleurs se font l’amour.

 

Des pas dans les rues envahies de lumière

Des pas sous le couvert

Des arbres d’or et d’émeraude

Qui ne se posent pas de questions

Mais laissent tomber leurs feuilles

Quand elles ont trop vécu.

 

IV

 

Dehors, à l’écart

parcelle d’innocence

fragment d’azur et de dentelle

dehors et dans l’inanité

sur la crête nacrée, immaculée

de l’horizon

dans l’ailleurs précisément

parmi l’écorce et le liège

dans la nervure sombre

de la feuille

dans la prunelle verte du chat

où vagabondent les elfes et les fées

 

J’irai, oui, j’irai

car l’infini

m’importe autant

que

le rapt de ton regard.

Poèmes inédits de Dominique Zinenberg
septembre 2017