laissez choisir ce qui en
moi me dépasse sans autre contrainte que celle
que m’impose ce
qui me vient y aura-t-il de l’inexprimable
enfin ce que je cherche de plus loin de
plus
profond de mieux caché
enfoui le résultat d’un engrangement
quotidien un mélange du
fond de moi qui ressortirait en
harmonies passages contrastes
désir appuyé flou nuances
modulations c’est alors que peindre
une odeur deviendrait facile
je voudrais que peindre m’exalte et coule de
source et remplir mon atelier de toiles qui me
solliciteraient toutes de m’y consacrer à corps perdu et sans me
retenir il est temps que je
mette d’accord ma tête et ma main (…)
Voir l’objet sous toutes ses faces à la
fois envers endroit dessus
dessous dedans dehors et
en même temps lui faire dire de quoi il
est fait mais ne pas en
désintégrer la matière
l’agresser le disséquer le
réduire à des morceaux qui donnent une vision du monde
blesssante
faire parler l’invisible à travers la forme
respectée et non prendre un scalpel de
violence
dire le contenu des choses par l’âme par
le regard laser de la pensée qui
pénètre sans détruire
traverse sans casser
que l’objet intérieur irradie poser un
regard de voyant voilà ce à
quoi je voudrais
parvenir
et que ta vision de peintre interroge avec la même rigueur le
monde qui t’environne on voit
dans le fait de peindre la matérialité des toiles qui
s’empilent alors qu’il s’agit pour le peintre
de s’accomplir
De la vie concentrée densifiée devenue
solide un nœud
créer c’est cracher ce noyau
de tout son être toutes forces
mobilisées le pondre dit-on
accoucher mettre bas avec
de la souffrance
Je venais de penser en couleurs l’après-midi dans cet
atelier silencieux isolé présent dehors
par ses regards écarquillés de larges
fenêtres sans être dérangée d’aucune autre
présence que
la mienne
je me dirigeais vers l’une ou l’autre toile selon un choix non
préconçu consciemment l’était-il
plus profondément en moi là
où se fabriquait lentement ce déroulement de
désirs de bleu de mauve et d’orange de pourpre d’ocres de
bruns sourds de ciels qui se retrouvaient
d’une toile à l’autre diversement
répartis sans que le sujet
m’imposât réellement une
gamme de tons qui lui soit propre
à tel point que je me demandais à quel niveau se situait
ce langage qui m’échappait
je sentais bien que ce vocabulaire de couleurs émanait d’une
source profonde naissant à
l’intérieur de moi et qu’il était
seul important qu’il coulât quelles qu’en
dussent être les apparences extérieures
Nous sommes le siège de force
secrètes qui nous gouvernent
imperceptiblement
J’ai voulu peindre toutes les chairs toutes les
chairs palpables des êtres des objets et des
plantes je veux peindre ce qui sss’en
échappe toutes les
âmes la réalité de
tous les impalpables
non pas à côté en dehors mais plus
profond dépouillé pour ne garder que
l’essentiel à
travers les âges et les costumes la
vérité de toutes les expressions sentiments
rencontres
reçus et déchiffrés
des être habités au-delà de leur
chair mais puisque tout subsiste ce qui a
été est et qui sera
en une ligne continue la mémoire
elle est déjà bien de ce
monde- là