Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe ou invités surgis aux hasard de nos rencontres...







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Salon Spécial
décembre 2009

Ali Iken -
Michel Ostertag - Juliette Clochelune




copyright Ali



Ali Iken

Ne reste rien ...
Que dire de nos temples qu’assiègent les moissons d’orage ?
Que dire de nos peines qui risquent de ne plus jamais vieillir et de nos soifs qui rêvent des océans...?
Que dire des lettres qui meurent dans des boîtes de conserve et de ces envies qui roulent leurs potentielles agates le long de ce monde effaré où s'écoule solitaire le bruit fracassant de nos vieilles ratures ?
Rien à en dire sinon plonger dans le dernier souffle de nos pagaies de zodiaque restées seules sur la rive ou encore dans l’ultime sagesse d'un livre que personne n'a jamais lu à fin de revoir le harnais d’une gloire dont rien ne reste sauf une sellette et un étrier et à écouter la mort qui fait d'un crime une naissance et de la belle orange, un tissu à langer ses saute-d’humeurs.
Face à l' immobilité écoeurante de nos désirs las qui tardent à se taire dans l’immédiat, à ces joies qui s’annoncent mal, à ces espoirs flottants hors de leur bocal, à ces saisons qui font de leur succession des cendres et refusent de se plier les cornes, ne reste plus rien qu' à laisser nos mots se pendouiller d'eux-mêmes aux têteaux de leurs crêtes automnales et nos crachats suspendre leur venin sur la férocité de nos nuits sombres.

***
Envol

Ici et là
la lumière des bouches
des mois, des heures
il y a des jours
elle déborde de partout.
Sans corps
ni même les pieds
au miroir des coeurs
l'équilibre à pas lents
deux paires de lèvres
à l'horizon en vrille
dessinent
l'arc-en -ciel
délices d'un baiser.

***

Temps des ombres
Il n'y a pas mieux pendant l'automne qu'un verger pour faire parler les arbres ou dire l'écho d'un hasard sans saisons. Silencieuse furie - le ravage des patiences, tout cet amour des temps témoins, le frisson des feuilles, sa voix poussiéreuse suspendue aux ongles aveugles fidèles aux manies des gels, en bribes inaperçues, sans tamis - se consume lointaine, absente sans lumière de l'œil. Naissance dépouillée de son temps telle la clairière d'antan pleurant ses arbres ; elle interpelle les ombres à marcher sur le monstre.

***

Doigts de mots
 
Quand du creux de nos us
d'eux même
les sons se taisent
les doigts
qui parlent
de toute la glèbe
sous leur silence
s'arrachent des toiles

pas besoin
disent-ils
fâchés
les ébauches
sont en dedans de nous.

***

Duo: Ali-Coralie

Ô belle herbe folle de mon Risoud
si tu es perdue lève la tête
admire la branche d'épicéa

sur le bois rangé qui sent bon
tes couleurs automnales s'étalent

***

graminées flottantes
une pierre modelée par la pluie
à gauche du chemin

***
Ombre et lumière
la vachette de travers
paît de l'herbe
graines rouges
sur le chemin de retour
un sorbier

***
Des clochettes
le tronc du pin a soif
Tob à contre sens

Les herbes frisées
sur les galets de calcaire
le coin du bivouac


copyright gert



Michel Ostertag

Je voudrais te dire des choses

Je voudrais te dire des choses
Des choses que tu n’as jamais entendues
De ces choses qu’on dit
Après avoir bu une ou deux
Coupes de champagne
Des choses qu’on ne dit pas
A haute voix mais qu’on murmure
Tout bas à deux doigts de l’oreille
Des choses dont on ne se souvient plus
Très bien ensuite
Mais n’importe l’émotion est passée
Et il en reste toujours quelque chose
A-travers les choses dites et les choses reçues
Les mots ne sont pas choisis
Ils viennent d’eux-mêmes au rythme
Qui est le leur
De cœur à cœur

***

Les mots d’amour sont des caresses

Les mots d’amour sont des caresses
Que seules les mains peuvent comprendre
La vibration des mots et la lente musique
Qui les accompagnent ne sont que le reflet
Atténué d’une écume de sentiments.
Je voudrais vous dire, mais je n’ose…
Je préfère aux mots le doux murmure
D’un « je t’aime »  à peine esquissé
Et mes yeux sont plus éloquents que ma voix.
Pourriez-vous m’entendre loin des yeux
Mais près du cœur : il y a plus d’amour
Dans le geste d’un au-revoir que dans une longue étreinte.
Certains gestes ont une telle vibration qu’aucun mot
Ne saurait y ajouter quoi que ce soit de plus.
Je vous aime autant dans vos déplacements, vos mouvements,
Vos parfums, votre démarche que près de moi immobile.
L’amour est vie; l’amour est mouvement.

***

Pour un peu de vent, un jour de pluie

Pour un peu de vent, un jour de pluie,
J’ai voulu vivre à tes côtés,
Le temps d’une averse, le temps
D’un rayon de soleil, j’ai mis mes pas dans les tiens,
J’ai respiré ton odeur, ton parfum,
Senti ta peau au-travers de ta robe,
Le temps d’une averse, l’éternité s’est tue,
Mes yeux se sont embués d’eau salée, de tristesse,
peut-être,
Je nous voyais, tous les deux, côte à côte, avançant d’un pas
Parallèle, dans la même direction, mais il pleuvait fort,
Et la route manquait de visibilité, je ne voyais que tes cheveux
Et rien au-delà…
Le soleil est revenu et nos yeux se sont ouverts
Nos routes se sont séparées, c’est moi qui avait voulu vivre
A tes côtés, un court moment de printemps, quand les âmes 
S’enflamment et que la raison perd pied…
J’évite, désormais, de sortir les jours de grand vent, de trop
Grand soleil, la pénombre est mieux mon royaume !

*
Un instant d’exil, comme une cicatrice portée à même le cœur, au fond de l’âme, depuis l’enfance, recouverte par les linges du passé, un peu comme un bien reçu en héritage, transmis de génération en génération, sorte de viatique à usage interne, jamais évoqué, jamais montré et que l’on porte en soi tantôt comme un fardeau, tantôt comme un bien précieux :
l’exil est en nous et seuls certains mesurent le poids de cette connaissance.

 Jour sombre où pour la première fois on s’aperçoit de cette chose inattendue, cette cicatrice visible de nous seuls et qui deviendra, au fil des jours, comme notre passeport, notre marque d’une nouvelle identité.

*
Exilé de nulle part ou bien d’ici, du Nord ou du Sud, ta voix est porteuse de plus larges horizons, de pensées sans limites, ton comportement peut déranger, ta poignée de main n’a pas la même trajectoire que celle des gens d’ici, mais n’importe, tu sauras recouvrir la cicatrice de ta vie d’avant d’un nuage de tristesse qu’on prendra pour de la mélancolie. Mais toi, tu sais la vraie nature de ton mal…

N’évoque jamais à voix haute tes tourments et tes inquiétudes ; secret sur ton passé, ignorant de ton avenir, toi seul sait qui tu es et d’où tu viens.

*
Oh, toi, mon frère en exil, à mille lieux de ce que nous sommes réellement, j’ai cru t’attendre en vain jusqu’à ce moment béni entre tous où nos mains se sont serrées et nos paroles se sont confondues ; dorénavant, nous ne serons plus seuls, toi et moi, nous pourrons parler d’une seule voix, marcher d’un même pas, côte à côte, à jamais.



copyright

Juliette Clochelune

 

dialogue hors de gravité
à chamali


dos à dos voyagent
les bosses de ce chameau
sans se voir jamais

mais à qui causer ?
sous la lune ou le soleil
le chameau avance

ses deux  bosses rient
et les deux astres commencent
un dialogue à quatre

***
Poisson d'avril
(poème acrostiche)

Poissons parlant le printemps
Oiseaux osant ouvrir leurs oeufs
Insectes inventant l'incertain
Souris sirotant en si six sirènes
Serpents soulevant sept soleils sans saveur
Oursons oubliant l'oranger des onze odeurs
Naïades noyant neuf nuanges nouvelles-nées
Dromadaires dosant le do de leurs dix doigts
Anes avalant les a les ans d'avril
Vaches virevoltant en vols violents
Ratons-laveurs rougissants les rêves
Ile invitant l'if indigo
Lissant leurs lueurs lucioles


***


prose poétique

un début de chemin, vers où? carnet, voyage, feuilles libres et pensée magique ou luisante ! les mots scintillent en flammèches et lèchent l'ancre des navires, les vagues donnent leur sang, leur feu aux mots, à la langue vidée qui s'étrangle au fur et à mesure du temps somnambule, du loir flottant dans son thé, un nuage de sel pour un thé sur la lune, un voyage de rêveurs où tout glisse et s'éclipse ! la lune fuit, fuite du sel, de la langue salée, du boeuf, de la vache la genèse se trimballe en exil sur mars ou jupiter, la lune a flambé, la terre a gelé, le temps en stalactites accroche les mots arrache le feu et le cri fuse fuse fusée interplanétaire, les rêves sont dérobés, les tartes trop sucrées de marmelade de songe, plus de quoi se gaver, se graver, graviter en tourte ou soucoupe autour du petit chaperon lunaire!
l'ours des banquises fond, les garçons pris dans les verres et dans le froid se grisent, blanchissent, perdent la main, le doigté ! plus de plumes, ni d'ailes, qu'un amas de mots de rien, qu'un amas de cri prisonnier dans une terre craquelée, une grange inhabitée où rôdent monstres et vampires... les cauchemars ici sont en joie, raniment la parole, la langue de bois n'est pas de mise, ici ça lèche, ça flambe, la langue de feu sort sa croûte, son nid de lucioles et de papillons, les ombres valises en cartons dégringolent et rien ! tout s'efface !

mal léchés sont les mots, mots sonores
tiens des mots poilus qui arrivent dans une poële à frire ! ah! purée de mots, ça flambe comme une crêpe au cointreau miam!! allez mots sortez de vos granges hop pas de barbelés je vous veux nus en rut en cri ! ah bas les mots bien léchés sauf dans le mauvais sens du poil avec une bonne langue ! au feu tout ça ! au four ! à vapeur à dada ;-) et les chevaux à vapeur de l'enfance bleue mal léchée qui croyait que le père noël c'était le loup-garou ouh ouh oh voleur ! les enfants dérapent dans les rêves d'adultes venus de la lune, faux rêveur, faux marcheur, les mots ne sont plus en marche mais en panne ! ils ne giclent plus, plus de sperme plus de vie brr quel froid soudain tout gèle en âme déchue débridée ou frigorifiée enlisée dans la banquise mais sur la banquette arrière hop ça remue, oh des jambes en l'air des parties de mots en éclat dans des chambres douces !

dans la mesure des mots, des verres, du temps jaillit, du son expulse, sort des gorges et des granges ! explosion de mélodie, d'harmonies en total désaccord, endiablées en valse chopinienne,  une chopine oh, allez, un coup à boire, un bon son de glaçon, les mots éclosent en bulles en triangles ding dong la cloche a sonné l'école n'est plus pour les enfants le pays des petits des abeilles et du marchand de sable attend ses voyageurs ! en route en quête pour un nouveau chemin de travers...


***

les visages d'une étoile

visages d'étoile
individus du corail
fibrille un sourire

grelots dans le ciel
la nuit, chant d'un rire en cage
rêve de luciole

visage enroulé
dans l'écharpe du renard
ciel apprivoisé

chemin des oiseaux
lumière à dos de tableau
étoile de sable

à coeur de visages
le chat lèche la douleur
des souffles noyés

en couleur vivante
ton île en palpitations
ta constellation



textes

Ali Iken   Michel Ostertag  Juliette Clochelune



décembre 2009


Créé le 1 mars 2002

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