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Visite en Syrie

Khaldoun ALNABWANI, une aventure philosophico-littéraire
par Louisa NADOUR

Khaldoun Alnabwani, philosophe d’origine syrienne, vit en France depuis dix ans durant lesquels il a achevé ses études supérieures en philosophie contemporaine à La Sorbonne. Il y a plus de quinze ans, il se penche sur les grandes questions intellectuelles que soulèvent les philosophes contemporains. Ce qui l'intéresse le plus dans ces débats, déclare-t-il, c’est le rapport complexe entre la philosophie et la littérature, raison pour laquelle il a choisi de traiter l’ambivalence de la modernité dans la philosophie, mais aussi dans la critique littéraire chez certains philosophes contemporains notamment Jürgen Habermas et Jacques Derrida. La querelle philosophique franco-allemande autour du débat modernité vis-à-vis de la  postmodernité a été un des axes principaux de sa thèse de doctorat qui fait l’objet d'un livre (publié en français en 2013) et intitulé : Habermas et Derrida : divergence théorique et convergence pratique ?

Avec Habermas, Khaldoun Alnabwani a eu un vif débat sur ce qu’il estime une absence de la question esthétique dans les œuvres de Habermas, cependant cette question était centrale dans les préoccupations intellectuelles de la première génération de l’École de Francfort. Alnabwani dénonce donc chez l’auteur du Discours philosophique de la modernité une sous-estimation, voire une exclusion du rôle de l’art et de la littérature dans la théorie communicationnelle habermasienne. Dans son livre, susmentionné, Alnabwani démasque ce qu’il appelle la présence fantomatique de ce que Habermas qualifie de l’Autre de la raison représenté, entre autres selon celui-ci, par l’art et la littérature. Alnabwani trouve que Habermas, contrairement à la première génération de l’École de Francfort, minimise, voire écarte le rôle de l’art et de la littérature afin de laisser le terrain libre à la raison qui, même dans sa version communicative habermasienne, finit, elle aussi, par exclure son Autre tout comme la raison concentrée sur le sujet que critique Habermas, conclut M. Alnabwani.

C’est la passion partagée pour l’art et la littérature, mais aussi sa conviction de l'importance de leur rôle au sein de la philosophie qui ont incité ce jeune écrivain à critiquer sévèrement certains textes de Habermas, notamment ceux des années 1980 dans lesquels celui-ci aborde la question de la modernité. Ayant une grande passion pour la philosophie autant que pour la littérature, Alnabwani résiste de les voir comme deux genres distincts et séparés, mais il les considère plutôt en tant que domaines qui se contaminent inlassablement l’un par l’autre. Cette passion avouée pourrait expliquer pourquoi il se voit plus proche, comme le montre son livre, de la philosophie théorique de Nietzsche, Heidegger et Derrida que de la philosophie pratique de Kant, Marx et Habermas. C’est chez ceux-là qu’Alnabwani déclare se retrouver et trouver ce à quoi il voudrait se consacrer. Néanmoins, il affirme qu’il ne veut jamais être le disciple aveugle de quiconque et qu’il veille à son indépendance intellectuelle et à garder une distance critique vis-à-vis de tous ces grands maîtres, voire de ses propres pensées autant que possible. Une prétention prouvée par ses textes et ses discours qui montrent nettement un chemin philosophique en train de se dessiner et de s’effacer aussitôt, laissant ainsi des vestiges présents de l’absence et des traces dans le sens derridien du terme. En essayant de déceler le rapport aussi complexe qu’intéressant, à ses yeux, entre la philosophie et la littérature, Alnabwani trouve dans la déconstruction un appareil conceptuel ingénieux capable de démasquer des voies insoupçonnées qui relient la philosophie à la littérature, mais aussi à l’art et à la psychanalyse. Ainsi, il s’est penché sur ce sujet en scrutant les œuvres de Jacques Derrida, ainsi que celles des déconstructivistes américains qui abordent cette relation philosophico-littéraire comme Jonathan Culler, Geoffrey Hartman, Hillis Miller, Harold Bloom, etc.

Outre que ses écrits sur le rapport entre la littérature et la philosophie, Alnabwani se consacre actuellement à son nouveau projet philosophique, à propos duquel il a publié plusieurs articles. Il s’agit de ce qu’il qualifie d’interférence entre monde réel et monde virtuel. Évoquant la théorie de connaissance de Platon, le philosophe Alnabwani donne le primat à ce qui est dissimulé, caché derrière le réel, sensible ou matériel. Il défend l’idée platonicienne qui entrevoit à travers le voile de la présence trompeuse une réalité originale et originaire mais cachée néanmoins derrière le monde réel. Il souligne que cette tendance platonicienne  d’une vérité demeurant au-delà du monde sensible a beaucoup de partisans dans l’histoire de la philosophie depuis Platon, même si certains philosophes n’avouent pas clairement qu’ils en font partie comme Derrida par exemple, plaide M. Alnabwani. Cependant, l’œuvre de Jean Baudrillard, certaines théories scientifiques telles que les mondes parallèles ou la théorie de la relativité générale d’Einstein, les travaux littéraires de science-fiction, les systèmes informatiques, l’espace virtuel, la politique de l’image, voire l’eschatologie des religions pourraient présenter une matière très riche sur laquelle se concentrent les préoccupations philosophiques actuelles d’Alnabwani, comme il le confirme dans une de ses dernières interviews.

Avec le soulèvement populaire en Syrie, M. Alnabwani a soutenu publiquement, avec allant et enthousiasme, la révolution de son peuple, qui a été encore pacifique. Il a   prêché alors la démocratie à venir en parlant dans les tribunes, intervenant dans plusieurs universités européennes, faisant des interviews, multipliant ses passages à la télévision, écrivant dans les journaux et participant à la création du CNS (Conseil National Syrien), avant de s’en détacher lorsque la révolution prend les armes. Il a expliqué, non avec un certain courage, qu’il est contre la militarisation de la révolution, mais aussi contre l’islamisation du printemps arabe. De la sorte, il a renoncé publiquement et définitivement à toute sorte d’engagement politique, mais en affirmant en même temps qu’il « continue son rôle d’intellectuel libre en dénonçant la barbarie du régime dictatorial de Bachar Al-Assad », ainsi que ce qu’il qualifie de déviations dans la révolution syrienne.  

Khaldoun ALNABWANI a rédigé plusieurs livres, articles, interviews, recherches sur la philosophie, le rapport entre la philosophie et la littérature, certaines questions politiques et intellectuelles, etc, Plusieurs de ses textes ont paru en trois langues : arabe, français et anglais. Actuellement, il occupe le poste de professeur de philosophie dans l’Académie Arabe au Danemark.

Biobibliographie
 

Khaldoun ALNABWANI est né à Damas en 1975. Il vit en France depuis une dizaine d'années. Titulaire d’un doctorat en philosophie contemporaine de l’Université Panthéon – la Sorbonne – Paris 1, il est également écrivain et traducteur trilingue, arabe-français-anglais.
K. Alnabwani est aussi professeur de philosophie à l’Université arabe au Danemark où il dirigera bientôt un programme de master en philosophie contemporaine. Intervenant à divers colloques universitaires en Europe où il se prononce autour des questions philosophiques, culturelles et, parfois, philosophico-politiques.




Il est l’auteur de deux livres en Français : Habermas et Derrida : divergence théorique et convergence pratique ? Lorsque l’Europe réconcilie les adversaires, 2013 et La philosophie pratique chez Jacques Derrida (en cours de publication)

Il a publié deux livres en arabe : Apories de la modernité et de la postmodernité, 2011 et Textes philosophico-littéraires.

Alnabwani
est co-auteur de deux livres en français et de cinq livres en arabe qui abordent des thèmes philosophiques, littéraires et culturels.
Il est aussi le traducteur du roman de Jostein Gaarder, Le Mystère de la Patience du français vers l’arabe et d’un livre philosophique qu’il a traduit de l’anglais à l'arabe,
Philosophy in a Time of Terror –Dialogues with Jürgen Habermas & Jacques Derrida.

Louisa NADOUR, novembre 2015
 Louisa vient de rejoindre le comité de Francopolis