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VUE  MAROC

Le sens de la nuit
dans ce roman
« La nuit sacrée » de Tahar Ben Jelloun
par Sonia Luis

Nuit sacrée correspond à la fois à la nuit louée dans le Coran comme « la meilleure de toutes les nuits », donc, la vingt-septième nuit de ramadan - nuit sacrée pour les musulmans - et la nuit de la fin du secret « androgyne » tenu dans les couches de la femme du prince. Chacun sa nuit, avec son lot de doute, de secret et de noirceur, dans ce roman.

Du prince ignorant : Il s’agit du père de l’héroïne du roman. Ayant sept filles, il espérait un garçon. Sa femme lui donne une huitième fille. Il décide alors de garder le secret de sa naissance et de l’élever comme un garçon. Le 27 ramadan, le secret bien gardé n’est plus. Commence alors une sombre nuit de descente aux enfers pour le prince né fille.

Du prince Ahmed : ayant vécu parmi sept sœurs avec le privilège des mâles, Ahmed, à la mort de son père fuit la maison parentale à la quête de son identité réelle.

Il sillonne le Maroc, voyage à travers lequel l’auteur nous dépeint les bas-fonds d’une société misogyne, livrée à tous les maux. Arrivé dans une forêt, il est violé.

De la fille Zahra : Découvrant la souffrance dans le corps et dans l’âme, Zahra arrive dans la ville d’Agadir. Elle va dans un hammam où la dame qui tient la réception la prend en pitié et décide de l’héberger, en contrepartie, elle lui demandait de tenir compagnie à son frère aveugle. Ahmed devenu Zahra ne tarda pas à découvrir les secrets de la maisonnée de ses hôtes. Elle s’enfonça dans le gouffre de leur secret.

De l’aveugle: vivant reclus chez sa sœur avec laquelle il entretenait des relations incestueuses, il devint l’amant d’Ahmed-Zahra qu’il n’arrivait à reconnaître ni en tant qu’homme. Sa sœur, jalouse de cette relation les sépara en donnant sa rivale à l’oncle qui la cherchait depuis sa fuite de la maison paternelle, l’accusant de vol de l’héritage familial. Elle le tua.

De Ahmed-Zahra : Jetée en prison elle ne nia pas le meurtre. Pour s’entrainer à vivre en aveugle, elle se mettait un bandeau sur les yeux. Mais voilà que son amant lui envoya une lettre de rupture. Ses sœurs la retrouvèrent, mais les pans sombres de la nuit dans laquelle était tombée la fille-garçon depuis la mort de son père ne se rompirent pas là. Elles étaient toutes animées de vengeance. Et Ahmad-Zahra ayant perdu son statut protecteur de l’héritier né après sept sœurs, à peine sortie de la nuit pénitentiaire, se retrouva dans l’engrenage d’une machine folle : ses sœurs lui cousent les lèvres de son vagin pour fermer à jamais cet orifice, semblable au leur mais qui eut les privilèges d’une naissance autre.

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Sonia Luis (doctorante en linguistique berbère à l’Ecole de hautes études en sciences sociales- EHESS)



LA NUIT SACRÉE
prix Goncourt 1987
 
Tahar Ben Jelloun
recherche François Minod

janvier 2016