Un P’tit Tour dans mon coin de pays
rencontre
avec le sculpteur Raymond Warren
(Salle exposition, La maison de la culture, Mont-Laurier,
Québec - jusqu'au 20 décembre 2014)
ÉQUILIBRE
ET GRAVITÉ
Installation de personnages de grès, cuits au bois
Termes parfois
opposés, souvent complémentaires et toujours
indissociables,
l’équilibre et la gravité se matérialisent ici
dans l’espace.
...
Instable de nature, l’équilibre semble tantôt
abolir le temps, être fragment d’éternité, mais se
plaît aussi à se manifester par la
répétition de cycles, rien n’étant,
parait-il, plus permanent que le changement.
En
contrepartie, la gravité nous fait garder les pieds sur terre,
nous éloigne de la fantaisie, favorise la permanence,
suggère l’ordre et parfois l’impose.
Pour illustrer ces paradoxes et
l’accumulation des tensions qui en résulte,
mon travail consiste à remanier l’espace, d’abord à
l’échelle de personnages, seuls ou regroupés;
ensuite, à l’échelle du territoire où ils
évoluent.

Mon matériau est l’argile,
plus spécifiquement un grès cuit au bois.
Quelques matériaux complémentaires prennent ici la forme
de perches, de poutres, de câbles, de prises d’escalades, de
balanciers, de pierres et de socles, tous choisis ou conçus en
fonction de leur contribution à l’atmosphère
générale de l’installation.
L’argile est lourde, sobre, dense et pourtant, malgré
cette gravité inhérente, elle invite à la
transformation, répond volontiers à la pression des
doigts, devient forme et visage, s’anime, suggère le mouvement,
se balance, veut s’élancer, tournoyer, se fait
légère et souriante. Rassurante, elle accompagne.
Sur elle, jouent ombres et lumières et se déploient les
arabesques qu’y a dessiné le feu grâce auquel elle est
passée d’un état à un autre, osant devenir fragile
pour tenter l’immortalité. Tout comme nous, il lui aura fallu,
pour trouver son équilibre aller, à pas mesurés,
vers son contraire.
Le thème de cette exposition me
permet d’exploiter une très large gamme d’émotions
exprimées par autant d’attitudes et d’expressions diverses.
Ainsi, certains personnages affichent des poses plus fermées,
plus symétriques, plus frontales, en un mot, plus statiques ou
plus prudentes, alors que d’autres défient avec humour et
insouciance les lois de la gravité dans des poses ouvertes
et asymétriques, leurs contorsions faisant contraste avec
l’immobilité des premiers. Toutefois, en définitive,
équilibre et gravité s’avèrent concorder, nul ne
sachant mieux que l’acrobate où et quand ses pieds vont
retrouver le sol. Circulant au milieu de l’ensemble de ces personnages,
le spectateur est amené à lancer son regard dans toutes
les directions d’une salle animée du sol au plafond, cherchant
à découvrir comment chaque élément
répond au thème et y contribue.
Pour avoir vu l’une ou l’autre de mes expositions antérieures,
certains saisiront que le thème de celle-ci ne s’éloigne
guère des précédents, et il est vrai que je me
suis toujours étonné de ce que l’Homme puisse, à
la fois, être si candide et si inquiet. Face à
l’état qui nous a été imparti au départ,
face au destin qui nous favorise ou nous accable par la suite, comment
nous adaptons-nous?
Par quelle magie arrivons-nous à concilier ce qu’il y
a d’obscur et de lumineux en nous?
Par
quelle mystification nous laissons-nous persuader que pour vraiment
vivre il faille échapper au corps ?
Rien
ne nous attire autant que le vertige, rien ne nous effraie autant non
plus.
Comment, sans un tant soit peu d’équilibre, concilier
toutes les contradictions dont nous sommes pétris,
comment tenir bon dans l’adversité, et tout autant
comment, sans cette gravité dont la raison dépend,
admettre nos limites et cultiver notre humanité?
et plus...
Raymond Warren
artiste sculpteur québécois
texte et
images Raymond Warren
Centre
d’exposition de Mont-Laurier.
Du
30 octobre au 20 décembre 2014
Vue
de Francophonie
présentation Gertrude Millaire
décembre
2014
Voir aussi archives-créaphonie
déc.2009
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