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« L’INAVOUABLE » de Mohamed Loakira.
par Khalil Rais



L’INAVOUABLE” est le 3ème volume de la trilogie composée par Mohamed Loakira, après "L'Esplanade des saints & Cie" et "A corps perdu".


C’est une véritable gageure pour un poète. Dans un style rapide, dirai-je cinématographique, Loakira décrit le désespoir et la déchéance de l’être, mais à travers une prose poétique, le conte, la chronique, le rythme d’une musique intérieure très blues. Le temps et les événements se télescopent et se relatent sur un ton teinté de dérision, de grotesque, de dramatique, voire d’une forme de fantastique. “L’INAVOUABLE” est d’actualité. Il relate la brisure du couple à cause de conflits culturels, de refus de compromis et de la permanence de la question malsaine : comment faire mal à l’autre ? La haine et le ressentiment l’emportent et poussent à l’enlèvement d’enfants, à la vie clandestine dans l’inconnu, sans laisser ni trace ni adresse, privant ainsi l’autre partie de jouir d’un droit naturel. Bien que le conjoint ne soit pas cité, ni décrit, “défunte, disait-il”, Loakira s’arrête longuement sur les souvenirs, les petites choses de la vie, les interrogations, la souffrance aux limites de l’humain, et présente Mamoun, personnage principal de la trilogie, comme un être dépourvu de son essence, de sa raison d’être, de tout ; un oiseau de nuit, interpellant douloureusement ses enfants enlevés : les “diablotins”, comme il les surnomme.

Ce “vol à l’arrachée” déstabilise Mamoun qui a perdu ce qu’il avait de plus cher. Il périclite et endure des événements où l’intime, le politique, le social, l’étrange s’entremêlent et ponctuent ses errements nocturnes, traversés par la douleur, la saoulerie, la misère, l’exclusion et l’enterrement des proches.
Ce drame personnel s’accentue par l’ambiance des années de plomb au Maroc quand la répression, la torture et le passe-droit régnaient en maître. Mamoun aura affaire à la police et vit la peur et la lâcheté.  Il est confronté à sa propre survie dans une solitude meublée de paumés, de marginaux et de pique-assiette. Mais il tient à préserver sa liberté malgré la répression, les peurs, les leurres, les lâchetés…
Usé, tant du dedans que du dehors, il survit  dans l’abandon, les obsessions, l’outrage des valeurs, jusqu’à se complaire dans la déchéance, aux rebords de la démence et du royaume des morts. Mais domine l’espoir de revoir, un jour, les diablotins.

Khalil Rais
in "L'Opinion Culture" du 24/04/2009.


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Ajout juin 2010
Le Prix Grand Atlas Maroc 2010 qui est à sa 17è édition, a été décerné, vendredi soir à Rabat, à Mohamed Loakira pour son roman "L'Inavouable" (Marsam, 2009)
L'ambassadeur de France au Maroc, Bruno Joubert a souligné que ce prix est "la manifestation la plus solennelle et la plus prestigieuse qu'organise l'ambassade en faveur du livre et de la lecture au Maroc".

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Mohamed Loakira est né à Marrakech. Après des études supérieures en Lettres et Sciences de l'Information, il a occupé des responsabilités au Ministère de l'Enseignement supérieur et au Ministère de la Culture.
Depuis 1971, il a fait paraître dix recueils de poèmes avant d'entamer en 2006 sa « trilogie de Marrakech » dont L'Inavouable fait partie.
Loakira avait déjà remporté le Prix Grand Atlas en 1995 (catégorie poésie), pour son oeuvre "Grain de nul désert".


Khalil Rais
     pour Francopolis
mai 2009
recherche Ali Iken


Créé le 1 mars 2002

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