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Coup de coeur : Archives 2010-2013

  Une escale à la rubrique "Coup de coeur"
poème qui nous a particulièrement touché par sa qualité, son originalité, sa valeur.



 
( un tableau de Bruno Aimetti)


À Francopolis,
la rubrique de vos textes personnels est une de nos fiertés.
Elle héberge un ensemble de très beaux textes, d'un niveau d'écriture souvent excellent,
toujours intéressant et en mouvement.

Nous redonnons vie ici à vos textes qui nous ont séduit
que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.


Poème Coup de Coeur du Comité

MARS  2015

Thierry METZ
Thomas MAINGUY
Robert VILLEMUS
Mireille DIAZ FLORIAN
Alena Meas



METZ Thierry


Thierry Metz, poète , choix Dominique Zinenberg

Terre (Opales/Pleine page)

Mais moi je suis sorti avec mon visage. Je continue mon métier dans les feuilles.
Sur le talus. Dans les fossés. Près des eaux. Je nettoie les bords.

Je ne fais pas une enquête. J'essaye seulement de retrouver l'assiette et le verre,
le soir, sur la table.

Je n'ai rien à signaler que ce que je fais, parmi l'herbe et la ronce.

Quant à mon écriture: c'est une roue qui passe, une brouette de terre. Le reste est dans ma main. Avec la sueur.

Ici il y a plus de 36 chemins. Qui vont nulle part.

Et j'y vais à coup de faux et de trinque.

Le livre est livré au jour, à lui-même. Moi, dehors: j'éclaircis, je cingle l'ortie comme on frappe sur les eaux; quelque chose alors est rendu possible, au probable: une aile, une branche, un sourire. Mais comment ne pas faillir hors de ces rares instants, si simples et pourtant toujours remués? Que vient faire ce que je suis là-dedans?

Puis vient le soir, la petite heure. Le carnet est vite dépecé. Le verre de vin est bon. Le feu. Les mille et un petits gestes qui font qu'on ne fait rien.

Qu'on ne fait rien. Que le souffle ou la main n'ait admis.

Enfin c'est le sommeil, le drap déplié, le château.

Tout sert d'appui autour de ce qui est à rêver, dans l'oubli. Tout sert dans ce convoi, tiré par des oiseaux. C'est le jour, c'est le ciel, c'est le bonjour d'un passant qui a servi d'appât.

Mais je ne dors pas,
je cherche le soleil.

Je me suis pris les mains dans ce que je disais.



 MAINGUY Thomas

Thomas Mainguy, poète québécois, choix Gertrude Millaire
ENFANCE

Lettre

Cher  bouleau à papier,
Nous te pelons, roulons en cornet d'écorce
pour amasser des petits fruits, nos munitions
Nous changeons de nom plusieurs fois par jour,
aussi souvent que l'envie nous prend de recommencer
Nous ne savons pas vivre autrement qu'en faisant,
comme on dit, comme bon nous semble.
Ni principe, ni loi, simple manifestation
de la puissance d'avoir lieu.
Je sais que tu comprends,
Ton jeune ami.


Souvenir Garnélien

Sous la pierre que l'enfant soulève
- ne nous en mêlons pas -
brille un monde noir d'épines et de fourmis.
Il ne remet pas la pierre à sa place
lorsqu'il s'en va. L'équilibre n'est pas brisé
Je songe à la symétrie versatile du jardin
et l'enfant revient blessé d'on ne sait où,
les yeux comme de profonds couloirs
ou roulent les billes dispersées de son coeur
béant sur le rire d'être à chaque coin de rue.


Poèmes extraits du recueil Aigle et taupe à la fois
ÉditionsLe lézard amoureux, 2014.

Thomas Mainguy, a publié des critiques, des essais, des poèmes...
Une suite de poèmes lui a permis de remporter en 2012, le Prix de poésie de Radio-Canada.
On apprend aussi sur ce site qu'il a publié des critiques et des poèmes dans différentes revues, ainsi que Totem, un livre d'art réalisé en compagnie du peintre et graveur François Vincent (Éditions du Braquet, 2009). Toute proposition d'ordre cycliste l'entraîne sans difficulté à quitter sa table de travail. :-)

Vous trouverez aussi sur le web...
sa THÈSE sur  POÉSIE ET IRONIE, CHEZ JEAN-AUBERT LORANGER, SAINT-DENYS GARNEAU, ROLAND GIGUÈRE ET JACQUES BRAULT 
(J'affectionne particulièrement la partie touchant Saint-Denys Garneau)


VILLEMUS ROBERT

Robert Villemus, poète français (Grasse), choix Éliette Vialle

SORTILEGES

La femme avait un mystère
Sur la mer tranquille
Marche un pied d’argile.
La nuit emprisonne le jour.

BLEU DU CIEL

Par les chemins de traverse
Par les bordures du paysage
Par les brisures des chaînes
Par les éclats de nuages
Je rêve au bleu du ciel
Je rêve aux émois de toi
Je me blottis dans tes images
Pour épouser le bleu de toi.


Robert Villemus extraits de Blogourt Messirazur
Noces Païennes - Grasse 06 France

  
  FLORIAN DIAZ  MIREILLE

 Mireille Diaz Florian, choix François Minod
Et si j’avais aperçu simplement en prenant la douceur de l’obscur,  la bergerie des ombres qui devisent à voix basse des anciens jours, sans qu’on puisse discerner dans l’herbe leurs pas, moins que celui du brouillard 
                                                  Philippe Jaccottet
                                                  Paysages avec figures absentes.


                                   
  Dédicace en solitudes

Il aura quitté la terrasse.
La maison est dans l’ombre désormais.
Un rai de lumière couronne les hauts de Grignan.
Il est seul. Sa démarche accuse dans une légère voussure des épaules
Le temps des longues heures passées
A faire vivre le texte 
De pulsation juste, de silence plein.

En contrebas, le TGV laisse sa trace de comète.
J’ai levé les yeux pour saisir quelques particules de lumière.
Demeure l’impression fugitive d’un passage.
Le paysage a glissé dans le miroir des vitres.

Je reste fixée sur la silhouette qui vient d’entrer dans la maison.

Une lampe s’est allumée sur la table de travail.
Il a posé ses mains sur les feuillets épars.
On n’entend plus les bruits du dehors
Etanchés par le souffle du crépuscule.

Il a mesuré ses pas de solitude.

J’ai dessiné  les contours des mots
Instauré le rythme lent des syllabes sonores,
Hésité sur le seuil
A franchir les portes obscures.

Je devine sous la toile du silence
L’avancée exacte des heures nocturnes.
Plus loin encore vibre 
La froideur de l’aube.

Il a inscrit l’absence dans l’espace. 


Mireille Diaz Florian,  in Carnet de l’obscur (extraits publiés dans les revues La Corne de Brume. Les Cahiers du Sens.)  



MEAS ALENA
 
  Alena Meas, choix Dana Shishmanian

Permettez-moi de publier ici deux textes inédits d’Alena Meas
Elle me les a adressés, pour partager son émotion transformée en écriture. Je fais partager à mon tour car j’ai beaucoup aimé…  

L’envers du déclin

Aux victimes de la barbarie du monde d’aujourd’hui
Terreur, violence, cruauté
N’est que la force transformée
De la souffrance.
Et si le ciel crie jusqu’à en saigner
C’est que dans l’immanence du coucher
Il pressent son déclin.
A l’ouest une plaie s’ouvre
Et déverse des larmes
Pour ceux qui ne combattent pas la peur.
Un gémissement ardent se lève
De ce foyer éteint,
Appelle le crépuscule
À venir effacer
Ce jour d’angoisse.
(le 9 janvier 2015)

Je m’habille en personne
A Ara Shishmanian
Je m’habille en personne
- un anorak et les bottes en caoutchouc
Pour fondre à la pluie,
Une écharpe si l’hiver revenait.

En personne je me promène
En personne je te rencontre
En personne tu es debout dans ton livre
              assis derrière ta table-miroir
              longé à spéculer sur ta mort

Tu travailles – seul

En personne nous nous croisons
Marchant à tâtons dans les poèmes.
Tu me vois dans la pluie
Et tu me sais déjà neige.

                 (le 18 février 2015)

Aléna Meas (présence à Francopolis :
la Sélection de
cembre, et les Créaphonies de février et de mars).






Coup de coeur
 
Gertrude Millaire,  François Minod,
  Éliette Vialle, Dominique Zinenberg,
Dana Shishmanian
  
Francopolis mars 2015

Pour lire les rubriques des anciens numéros :

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