Le Salon de lecture

 

Des textes des membres de l'équipe ou invités surgis aux hasard de nos rencontres...








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Lud'hommage

Choix de Liette

“Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l’homme comme elle est, infinie.

 Car l’homme s’est emprisonné lui-même, si bien qu’il voit tout par les fissures étroites de sa caverne.” William Blake


En premier lieu
La poésie agit en décalcomanie
Comme une trace d'émotion sur un papier buvard

" Il y a beau y avoir peut-être du néon au fond de l'impasse
l'impasse est d'une tristesse incroyable - pas impossible même. "
Jack Kerouac

(dans le recueil "L'impasse aux visages" 2005)



Moins que zéro

Ses yeux étaient le tonnerre du ciel bleu
et le reste plein d'éclairages

Alors il a plu
plu
plu
A l'intérieur de lui
Comme un rodéo mousson

Mais les bêtes sont mortes
mortes de rages.

Le soldat inconnu, sa flamme
Il en avait sa claque.

Ce fumier a tué deux êtres sans devenir
Ni l'un ni l'autre
Il ne donna pas l'hommage du suicide
Ni lui.

(dans son site "rollerpen" 2007)




Boussole

Parfois il rêvait
Boire un simple thé
Avec un regard calme
Et le sachet
d’earl grey
Construisait des buildings
De pureté
Qui grandissait son corps
Tête au 300ème étage
Il tournait la cuillère et
La cuillère tournait
Le cul sur sa chaise
La chaise sous son cul
En fait
Il pelletait des bennes de JB
Alors il se levait
Parfois il s’affalait
Maudissant les parfois
Et sa tête tournait
Dans une absence de rêve.

(dans son site "rollerpen" 2007)



L'enfant à l'envers

Au temps des photos noir et blanc, t'avais déjà la tête à l'envers, p'tit gars. Tu balançais si fort tes perceptions d'autour.
Moi j'voulais pas jouer au cochon pendu des balançoires, déjà.
Le sang, moi c'est réparti au plus juste qu'il m'a toujours mieux réchauffé.
Toi, t'aimais quand il te battait les tempes. C'est pas que t'étais bien à tout sentir dans ta tête, je sais. T'en avais besoin pour oublier de vivre
là où tu voulais pas, je crois.

Des sensations d'envers même avant que tu t'mettes à reluquer sous leurs jupes. A leur mettre les sens à l'envers, aussi.

Tu m'as toujours intriguée p'tit frère. Toujours j'ai veillé, de loin, en loin.
Avec bienveillance. Je savais que t'étais l'enfant à l'envers. J't'ai jamais cent pour cent compris ; tes dérives de sentiments, tes dérapages sur le bitume, tes motos, tes voyous. Tes excès, peur pour toi.
Mais je t'aimais à sang pour sang.

Pourquoi tu m'as rien dit, p'tit frère ? Tu nous as joué un tour de cochon,
hier... en t'balançant au bout d'une corde les pieds en bas.

( sur le site de Stéphane Méliade en 2002 -
sans la modification parue dans "L'impasse aux visages" en  2005)                                                                 

d'après cette photo :
    
                                   


Heart of snow

la neige tombe
des traces de pneus
on voit bien que c'est la lune
qu'a dérapé
sur mon coeur-tombe
mais a coulé
dans mon sang blanc
un flocon de lune
que je t'offre
comme le souvenir
d'une chanson
évaporée dans le soleil

(publié dans "francopolis" en 2005" - variation libre autour de l'album Heart of snow des Black Mountain)


Accords Néons

Je cours à reculons devant ce bus noir
Un accordéon souffle l'air d'une mélodie gitane
Ce con de chauffeur m'appelle de phares
Le soleil achève sa vie d'astre sacré au-dessus du Pérou
Ca ne l'est pas, le Pérou
C'est une aube d'artifices tristes.
Ici.

Ici la meute des fumées grouille le corps des rues
Un chien très beau, racé, arrose un réverbère.
Ses crocs blancs sous ses babines m'aveuglent

Court-circuit.
Guitares métalliques, jours de pots cataclyques
Loupiotes de néons fatigués par le jour sur mes cernes

Je suis un poisson fluorescent prisonnier d'un filet en tungstène
Mise à prix : un centime la livre
Plongé dans les quartiers de la ville bouchère

Je marche nulle part le moon-walker
En chuchotant les pas de ma ballade

Bifurcation rue des Abesses
N'y vois qu'une ombre bossue sur le trottoir
Je sens la pluie s'inventer de mes paupières à mes cils
Sur mon cauchemar d'arc-en-ciel

Une femme me demande l'heure
Je lui verse un sourire ruisselant au fond des yeux
Ma montre n'a pas d'aiguilles, madame !

J'emmerde Rimbaud, je crois.
La chaleur d'un gouffre de métro
Je suis un homme qui a besoin d'être réchauffé
Je descends donc vers la station Pigalle

(recueil "L'impasse aux visages" 2005 - inspiré d'après "Accords-Néons" une vieille impro à l'accordéon de Patroux )
remix de patroux à écouter




C'est une farine qu'on écrit pas

Un mot sans poings
Une phrase molle
Ce n'est rien
Une pâte
Le pain blanc
D'une vie crue
Un avion papier


(première version dans le site "écrits-vains" 2001
reprise telle qu'elle dans "L'impasse aux visages" éditions Alba - 

direction Mireille Disdero 2005)


Choix de Kelig


Je viens quand je pars
petite poésie sans nom


j’ai quitté un foyer sans chauffage ni rien 
de ce genre 

quatre empreintes félines 
sur le capot d’une gazinière 
- la bouteille Elf vide - 

c’était chez moi hier dans le bordel 
et ma tête H.L.M. 

J’ai laissé loin de là 
pas chez moi 
s’éteindre la race d’une cheminée 
pleine de cendres d’un rouge vif 

pas chez moi car 
beauté calme 
sage et adulte 
à 1000 bornes de ces jeux tabassés 
me donnent de la bile 
- je poursuis les lettres du gosse, « Man », enfin, il semble - 


qui accepte ainsi ce rien 
ce mal, ce corps dont l’eau 
ne suffirait pas à étouffer l’âtre à côté ? 

où suis-je ? 

devant l’écran d’un PC 
comme partout à 02:43 
quand nuit m’aime.


(dans son site rollerpen 2007)

***

FIRST STEPPE
(ou l’hymne à l’escabeau)


Je coince ma casquette pour qu’elle ride mon front, le regard assombri
alors je plisse mes yeux, je les gèle, bientôt ils vont vomir à la
Sujet Angot, à la fissure inepte, pleine de luxe.
Il y a des aubes bateaux où le marin se pisse dessus, n’imaginant plus
un Mississipi, un Missouri qui vaillent.
Et chantent les bouteilles de Paname sur un tas d’homme assoupi. Quand
le réveil rampe la sonnerie crie « escabeau ! ». Viendraient les
échelles à simple corde, puis celles insensées des pompiers.
Le firmament ? Debout, mieux que rien.
Se redresser.
Je consulte les Bibles, et les exècre, demande de l’exégèse furax à mort !
Sur un des capitaux. Mon grand capital, ha que je suis capital,
corrompu d’affaires inchiffrables : Qu’on m’enlève l’orgueil.
Je prendrais mon pas vrai, craché juré, celui rapide et lent qui me
relie, me relie au seul pêché qui ripe.
Ici un trottoir, une voie pour marcheurs. Je trébuche sur la
bordure, qu’on m’enlève encore l’orgueil.
Je lance ma casquette au caniveau. Nickel le SOS. Plus propre que mon
esprit d’auge, de romarin.
Je fréquente ceux qui révèlent qui je suis.
Je suis seul. Vous êtes seul, hé vous ! Vous êtes seule ? Restons-le.
Par pitié.
La bordure et mon orgueil. Je suis la bordure.
Ramper c’est déjà ça. Déjà.
Mes rêves sont d’escabeaux. First step.

(paru en avril 2008 dans le 23 de la revue Traction-Brabant. Proposé
par Patrice Maltaverne
.)

***

Midnight hour for men

 L'heure de la beauté froide et raide
 Quand la cloche sonne
 les hommes rentrent ivres
 dans leurs maisons tranquilles
 à caresser leurs chiens dormeurs
 Sous les couvertures
 une femme rêve et s'inquiète
 Difficile de ne pas céder
 aux sirènes de minuit
 brillantes comme l'épée
 Et quitter ce qu'on aime
                     pour rejoindre ceux qu'on aime

***


Choix de Cécile


Les photographes ont trouvé le mot juste...

Se trouver seul
Face à ce personne, moi
Dans ce rade aux allures latino
 
Vieux sucre de gloriole rénové
Où j’ai regagné droit de citer
Du silence à force d’années cloîtrées
 
Ma voix grasseyante de chimie
Triture la barmaid flambant neuve
« Vous auriez pas une boisson énergisante, genre cocktail de vie ? »
Le type d’à côté ne bronche pas.
 
Il porte les gravats de sa vie sur sa tronche de chopotte
Éclusant une bibine d’un coup de meurt de soif, son unique permission
Jouisseur précoce d’un ennui interné
Il le sort vers dix huit et le pieute à dix neuf
Qui peut-il ? Pas besef.
 
Elle revient ample balançant ses hanches
Dans un sourire de « Non. »
Se trouver seul pour lui rendre la monnaie de mes lèvres
Aux coins presque soulagés
 
Une paille dans un Coca, cendrier bien placé
Au centre d’une table en teck
 
J’allume des cendres, écris ces mots
Pour conserver mes larmes
Et garder un peu d’arbre
 
A défaut de racines
 
Derrière la vitrine du bar
Un type plie le trottoir
12.9 crochetée main droite
Cinquante centilitres
Et autant dans la gauche
 
Dans une minute
Je suivrai ses notes de pianiste marteau
Traversant le crachin hors des passages cloutés
 
Mais le carrelage rouge artificiel
Paralyse encore mon crâne enfoncé dans ce bar
 
Je me demande pourquoi les artifices respirent tant le réel
Et ces gens de paroles qui aspirent de partout
Moi l’homme photomaton.. .
 
CHEESE !
 
Ludo Kaspar


Choix de Jean-Marc


Pas vu pas pris

Nul dauphin, nul chant d'enfant
Jamais plus comme avant
Pas dormi au paradis blanc
Loupé la dernière lessive
Par manque d'assouplissant
Malheureusement ?
Heureusement ?
Ne saurai pas
Mon chat espionne la rue
Par la fenêtre
Une caresse me mordille
C'est pas le paradis
C'est genre ce qu'on appelle
La vie
C'est très court, ça fait trois lettres
Immenses, mystérieuses
Je suis là dans ce mot
Un mot!


*

Quand tout va de traviole
Sous un sort soleil dur
Que les forces crapules
Se liguent
Pour t'apprendre l'abandon
La mort pourrie et lente

Resserre tes boulons, l'ami
Et marche sans t'arrêter

Ignore les sarcasmes
De hasard rencontrés
- un mec te fume
Pour un bâtonnet merdique
Te traîne comme un bâtard
Dans la comptine de haine
Commune aux caniveaux -

Toi qui n'a rien de plus que rien
Bout d'incandescence
Un thorax dans le coeur
Ignore l’indifférence

Et marche
Marche avec tes pas

Ignore ça,
Ignore tout de ça

Poursuis ce que tu cherches
Sans relâche
Tu trouveras

Marche avec tes pas
Seuls aptes à lever l'aube
De tes chers jours fous, un peu

Tendres les rayons du doux fou
Meubles de saison libre

Marche avec tes pas
Ne t’arrête pour rien

Les chiens d'arrêt
A l'affût
Des lacets las
Son prêts à te bouffer

Et tu ne serais plus rien
Un reste de festin
Dans l'estomac des crocs
Des chiens de leur espèce

Marche avec tes pas
Même si c’est de traviole
Marche avec tes pas.

*

Vieux cycle sans dope


"Y'a des fois, tu connais, j'aimerais lâcher m'en aller" la phrase grinçante comme l'archer du violon au bal des vieux revenus de tout sans quitter leur banquette de veaux. Me jaunissait. Où étais-je au juste ? Au milieu de ma vie, pas tout à fait selon les statistiques. Le pas tout à fait élastique,  j'avais parfois sauté du haut de ponts sans nom.

Au milieu. Bien-sûr coule une rivière, dans laquelle nous pêchons tous avec plus ou moins d'adresse. Doux lot commun à la peau de pêche publique. Hollywood a de ces images... Moi, j'étais au milieu de ma vie élastique.  Piéton mélangeant les métaphores sans mon GPS perdu sur une rive : on dit trottoir par chez nous les citadins. Bloqué au milieu d'une place. Celle de l'étoile. Quelle branche emprunter ? Je l'aurais rendue, juré ! Masse de véhicules filant sur les pavés, caoutchouc des pneumatiques crissés. "Les pneus ça se regonfle, bande d'abrutis!", j'ai pensé. Remarque déplacée pour un type à plat applati à plat ventre ventre à terre. Ver de terre, poterie rare & fine valant bien des porcelaines de Chine. Ver à soie. Ver de moi. Oh c'est infini les mots, ils endossent tous les maux de la terre, ceux qu'on prend à notre compte, poutre dans l'oeil. Poudre aux yeux les mots. Masques tombant bien bas, jusqu'aux pieds pas lavés. L'hygiène des mots. Important, ça. La puanteur en société est bien sentie. On ne dit rien, on s'éloigne du malotrus. Ca se récure les mots, jusqu'à la corne. Et les ongles, les ongles des mots : à couper ras une fois la semaine comme un gazon bien entretenu. L'heure vient de retirer ses chaussettes, sous le soleil, pas un coin d'obscurité et nous voilà bien ! Découverts, sales couteaux,  fourchettes & moisissure, cuillères balayette à maïzena. Découverts ; imposteurs : Solitude mot de tous les mots. Bah, tout ça ne veut rien dire. Alors je l'écris. Pour pas devenir dingue. En vérité.

Donc...

Lavez, lavez vos mots même les plus gros. Plus c'est gros moins c'est fin. Mais ce n'est pas la fin ! Je découvre au milieu de l'étoile, une flamme. Mon corps de terre se rebelle, la terre ça brûle pas. On est en guerre ? Non. Alors je m'agenouille sur cette flamme d'une taille moyenne. Elle ne crépite pas. Reste inconnue, silencieuse. Pourtant je commence à crâmer aussi sûrement qu'une gueule de bois.

Je repasse au passé, ou je passe au repassé. Ne vous inquiétez pas, je savais ce que je fais quand je suis aux fers. J'avais attrappé un coup de flamme sur la tronche. C'est là que j'ai remarqué : PASSAGE SOUTERRAIN. Trop simple ! Je ne regrettais pas la perte de mon GPS piétonnier, non, tant qu'il y aura des flammes sur cette terre, il y aura des panneaux. Voilà ce que je me disais en pénétrant le tunnel comme une vierge profonde, moi verge surdressée, libérée du quartier de haute sécurité de Bois d'Arcy après 5 ans et des années. Quelques pas et pour sûr je me serais retrouvé au bout d'une branche d'étoile, éjaculant dans une rue, sur un trottoir. Dans mon élément.

Non.

Vous voyez la photo qui débute cette espèce d'histoire ? Voilà l'endroit  où j'ai retrouvé la lumière. Tout était noir, tout était blanc. Lumineux. Mais. Un vieux vélo semblait m'attendre depuis que je m'attendais.

"Chaque jour on m'demande comment j'vis, j'dis que j'vis sur l'amour et qu'j'espère de vivre vieux" j'ai chanté.

Jamais j'ai su chanter.




À

MOI ET L’INCALCULABLE ET VASTE MONDE



Quand vous lirez cette lettre, je serai aux commandes d’un Sturmovik de musée russe, volant, pétaradant, au-dessus de vous autres connus et inconnus.

Vos guerres massives ou vos guéguerres quotidiennes, celles pour lesquelles vous luttez chaque jour avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de malheur, au nom de telles valeurs, qui n’ont parfois qu’un surnom, me sembleront chants atones.

Je pourrai lâcher mes bombes d’ironie et mes rockets de compassion, tondre la laine des nuages avec mon hélice sans entendre les bêêê bêêê des brebis rendues jalouses par la pression sonnante, bruyante, celle de l’habitude qui fait trébucher l’espèce avec fracas invariablement depuis le temps des nuits des jours.  

J’avais pas calculé que je serai triquard à ce point avec la vie, cette tourbière,  il me semble que la mort ne saurait être pire.
Du moins, j’ai l’âme d’un aventurier.  Je me lance !

Pardon à celles et ceux et ceux-celles faune flore étoiles etc.

Vôtre.



TEXTES

LUDOVIC KASPAR

* Puis tournons la page vers le témoignage
des membres de francopolis-amis.

d
       dnovembre 2ddd.c008 décembre 2008

*** ATTENTION:

Recueil de textes de Ludo Kaspar.

Mis en page et distribué par lui-même.

En free sur - Un Endroit...  pour perpétrer la mémoire de son auteur disparu.

Créé le 1 mars 2002

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