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VUE  d'AILLEURS

Luc André Rey

J’aurais voulu être poète

je suis... ce que je ne serai jamais
je suis... ce que je n'atteindrai jamais...

Aussi singulier et stupide soit-il dans un monde comme le nôtre, j’aurais bien voulu être poète.
Un peu, parfois, beaucoup.
Savoir écrire les mots qui émeuvent, qui troublent, qui bousculent.
Qui dépassent le territoire où nous allons les mots.
Que nous croyons être de.
Nous y ramènent. Tout en nous, là, ouvrant à quelque chose que les mots ne peuvent pas.
Qui laissent dans le cerveau, le cœur, les chairs quelque chose de plus que le cerveau, le cœur, les chairs.
J’aurais bien voulu être ça.
Rien que ça.
Plus de dix ans de rien que ça pour me rendre compte que je ne suis pas.
C’est du gâchis à dit hier une personne, un temps, très chère.
C’est du gâchis tant de talent pour quelque chose dont je ne suis pas.
Alors.
Alorsalorsalors.
Plutôt que là continuer autant me taire.
Et comme je ne sais rien d’autre faire.
Me taire me taire ne plus rien dire me taire me taire ne plus un mot un seul mot même les communs un seul mot même demander la rue qui passe où la sortie.
 
J’aurais voulu être poète.
Pas pour la frime rien à foutre.
Pas pour les femmes rien à foutre.
Etre reconnu, trop d’inconnues, je suis trop petit pas assez de foutre.
Etre là simple quelques mots. Me retirer dès les mots dits.
Et, retiré, dans le silence, me dire parfois ces quelques mots vont quelques cœurs plus que moi.
Moi si petit dans un petit coin à caresser un peu les mots comme d’autres caressent d’aimées la peau.
J’aurais voulu un petit peu,
être poète,
un tout petit peu.


* * *

en terre je dépose
terre profonde et chaude
quelques mots pour la route
 
peut-être qu’à cet endroit
je ne le saurai jamais je ne reviendrai pas
un arbre
quelques fleurs
quelque chose de cela que m’étaient vos sourires
que j’allais quelques mots
 
en terre je dépose
terre chaude et profonde
quelques mots cette chose
que je ne peux que les mots
 
à distance de vous
à distance de moi
 
et au cœur


* * *

je n’ai pas besoin d’un ailleurs
le monde est entier là
cette fleur
cet arbre
les nuages dans le ciel
le ciel
la terre sous mes pas, mes pas

le sourire d’un passant
la mère et son enfant

et les mots où j’accueille
petits mots où j’accueille
le monde
entre mes doigts

je n’ai pas besoin d’un ailleurs


* * *

La vie en poésie.
Une sorte de méditation. Sans buts.
Sans inventer un dieu.
Rêver d'un paradis.
Éveiller ses chakras.
Nettoyer son karma.
Développer sa conscience.
Espérer être élu.
Encore changer le monde.
Une méditation.
Être là en silence. Contempler ce qui est.
Accueillir ce qui vient.
Ne rien attendre de. Un dieu.
Ou soi...
(
ce dernier texte est un fragment d’un poème plus ample qui sera publié intégralement dans Francopolis à une prochaine occasion.)


* Luc André Rey, poète suisse vivant en Belgique.
Présence à Francopolis : 
Salon de lecture de décembre 2012
Créaphonie de décembre 2014 et la suite janvier 2015




J'AURAIS VOULU ÊTRE POÈTE
 LUC ANDRÉ REY
recherche Dana Shishmanian

juin 2015