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Archives : Vue de Francophonie

 


L’éloge de l’émerveillement…

en 9 pas

 (suite : II - III)

par Jeanne Gerval ARouff *

 

La première partie de ce parcours – Trace 2018 : L’éloge de l’émerveillement**nous amenait à faire les 3 premiers pas ; les parties II et III nous font parcourir les 6 pas suivants, jusqu’à l’éclosion de nos propres traces, comme dans une danse qui s’enroule en elle-même pour mieux exploser hors toutes limites. Une initiation, sans doute, dans le chemin qui mène à la conscience, par le biais de l’art – cet art majeur qui fait converger le naturel et l’artificiel, puisque tout dans ce qui « naturellement » nous entoure est symbole, trace, totem indicateur – tout comme tout ce que nous produisons par « artefax » trahit ce que nous sommes, en bonne comme en mauvaise part. Ce petit éloge de l’émerveillement est en fait, comme l’auteure l’avoue elle-même, plutôt un traité de l’éveil, sachant qu’en s’émerveillant, on sort du sommeil dogmatique de la pensée préformatée pour rentrer dans la présence éveillée à l’Être. L’art de Jeanne est un art de révélation, pas dans l’emphase mais dans l’humilité.

Les traces comme signes et symboles se retrouvent dans une démarche omniprésente dès les débuts de l’artiste en 1972, comme par exemple dans : Osmose 1972, La Doublure ou Abba dans le miroir 1974, exécutés avec la photo et des techniques associées comme matériaux, Jazz at Preservation Hall 1986, son Livre-objet : Le livre du temps 1982-1993, ou enfin le thème de l'exposition 1987: TRACE. Faisant appel à l'interdisciplinarité, elle s’approprie des empreintes sur différents supports, comme par exemple dans Vestiges 1983 : traces du corps sur bande plâtrée ; Memories forever ours 1983: disque dur, vinyl, avec photocopies sur fond de peinture sur plateau de bois ; Sample repetition 1986. The City that never sleeps 1986-1987, Black Presence 1987 - Hommage à Almeta Speaks : empreintes de pas comme signe distinctif. Suivront Marronnage et Liberté 1989 ; Cadran solaire (Time Series) 1989 ; lors de l'accession de l'île au statut de République: Une pour tous 1992, avec recours aux empreintes de lettres d'imprimerie ; L'île multipliée 1984, empreintes reflétées dans le miroir ; Totem 2018 : traces du temps, de l'eau, de l'encre, des rayures de la vie, des textures du bois, empreintes de lettres d'imprimerie ; Le temps était comme arrêté - un cheminement en 9 pas (comptant Le Livre du temps II) 11 - 15 août 2018 - Traces du temps et autres (voir dans Francopolis de septembre-octobre 2018).

« Sous le sceau du symbole je signe dans le temps la trace intemporelle du temps. »

Au sommet de son parcours artistique, Jeanne nous fait, ici et maintenant, ce don : « Cela fait assez longtemps que je voulais écrire ce petit recueil. Et transmettre les CLÉS », écrivait-elle, en m’envoyant, en novembre 2018, le post-scriptum reproduit ci-dessous, qui clôt le traité des neuf pas dont la suite est donnée plus avant. Puissions-nous les recevoir, ces clés, et nous en servir à bon escient !

D.S.

 

POST-SCRIPTUM.

TÉMOIGNAGE ET TRANSMISSION

 

Choisir – aujourd’hui – d’être missionnaire de l’émerveillement m’engage au partage – ne fut-ce qu’au seul lecteur, si j’en trouvais un – d’une expérience, vieille d’un demi-siècle. Des plus inattendues, elle fut des plus instructives. Il s’agit du refus même de certains, amusés ; du rejet marqué d’autres, exaspérés, de la joie de l’émerveillement. Joie jugée, condamnée ; aussitôt colorée de leurs projections intérieures ; joie qualifiée de « ridicule », d’« illusion naïve », de « rabâchage d’illuminé. »

Ainsi devais-je d’abord apprendre que la façon la plus sûre de détruire est d’empêcher de rêver. Mon erreur, à moi, fut alors de réagir, au point même de risquer d’en perdre la faculté. Au lieu de poursuivre – indifférente – ma route, je m’étais, face au rejet exacerbé, retranchée dans ma coquille. Le temps fut le miroir me réfléchissant la cause profonde de l’attitude de ceux-là : la déconnexion de l’état d’enfance ; un endormissement, signifiant une absence d’éveil – un enfermement – alors que l’Univers nous abreuve en continu de ses offices les plus variés.

De ma coquille, j’entendis la voix de mon Guide spirituel. Telle une lampe qui soudain illumine la conscience, il me livrait cette parole libératrice : « Ne laisse personne te voler ce don de l’émerveillement. » Parole que je transmets en passeuse. Je saisis alors l’urgence d’entretenir, envers et contre chutes et rechutes, la mise en état d’émerveillement. Quel que soit notre chemin. À commencer – me servant de mon erreur – par accueillir les choses et les heures telles qu’elles nous sont offertes ; autrement dit, agir et non réagir. Renoncer aux réactions, c’est aussi renoncer au jugement. La dualité enrayée, l’unité est rétablie.

La vigilance est la règle par excellence. Demeurer ouvert. Ralentir. L’œil plus jamais fixé sur le moment d’après. Faire un avec ses sens. Être l’observateur conscient de son ressenti, et regarder glisser ses pensées. C’est confisquer le pouvoir trompeur du mental. Annihiler la capacité des pensées à nous ‘tenir’ ; mettant fin au bavardage intérieur incessant. Expérience éminemment ‘désenchaînante.’ Réel ouvre-l’œil, elle mène à découvrir que nous ne sommes ni nos pensées, ni nos émotions. Nous préservant de leurs énergies négatives, elle permet, à la fois, de mieux se connaître, et de s’accepter tel que l’on est.

Combien vitale m’est apparue cette leçon quand j’eus l’occasion et le chagrin de voir vivre de près certaines personnes – manifestement coupées de cette part magique d’enfance – privées d’éveil. Ma présence se faisant écoute. Ces heures indéchiffrables, des plus assombries, sont occupées à ressasser les difficultés. Tout partage, limité à une énumération des soucis. Les jours et les nuits dévorés par la peur et l’anxiété - hors de la vie.

Jours aveugles à son déploiement, sevrés du sublime qui – envers et contre tout – se déroule en permanence au long de l’impermanence de l’existence. Jours dépourvus de la poésie d’un rayon de soleil aperçu à travers la fenêtre, féérisant un arbuste en gerbe étoilée ; ou sur l’eau du robinet, charriant des centaines d’étoiles, alors que se fait la vaisselle. Jours sourds au tressaillement de la vie, à la course des nuages se chevauchant ; à l’oiseau accélérant le battement de ses ailes ; au chant du ruisseau longeant la route. Jours indifférents à l’arôme de la fleur qui éclot ; à la senteur des légumes qu’on épluche, au parfum du bois raboté. Jours anesthésiés, insensibles au relief des cent et une veines à l’envers d’une feuille, à la texture de l’objet dit inanimé. Jours coupés de la célébration continue, tous unis dans la joie d’exister, et la grandeur de la Création.

Cette expérience fut un clairon, rappel de la voix du Guide : Présent toujours – Ici et maintenant. ÊTRE. Et l’on saisit combien essentiel est l’entretien de l’enfant intérieur, de l’œil originel. Vivre le miraculeux, la magie des heures, au long de l’ordinaire de chaque instant – VIVANT.  S’en nourrir – apaisé – dans la joie. Veiller. Vivre la dimension spirituelle de l’émerveillement. Y accueillir, en toute spontanéité, la source de notre créativité – jardinier, femme au foyer, artisan de justice, artiste pluridisciplinaire... Et percevoir – avec gratitude – que cette faculté est sacrée.

 

Jeanne Gerval ARouff

Floréal, île Maurice – 17 novembre 2018

II

Pas 4 – L’ÎLE-MORNE

et le pèlerin sans désir

 

Seul la nuit tombée  

              toi habité de silence  

                   Là basalte bleu.    

 

                    L’île-Morne       

              de la nuit des temps 

                    à ta mesure.

                        Morne,  

         neuf millions d’années 

             à l’assaut du ciel et du temps

              - prévenance Univers       

         Morne-tremplin vers le large   

                    de l’homme ligoté    

         âmes intrépides fuyant cœurs avides

        Île-Morne   île-mémoire   île-symbole

                    venue à ta rencontre  

                  île-point à jamais magnifiée 

                    sur la mappemonde.        

 

21 septembre 2018

(Variation sur Île-Morne 2010 –

dans Midi No7 – Juin 2011)

La montagne du Morne a été proclamée le 8 juillet 2008 Patrimoine Mondial par l’UNESCO, en mémoire des esclaves qui se jetèrent à l’eau croyant fuir leurs maîtres.

L’ÎLE-MORNE

DE LA NUIT DES TEMPS

 

Emerveillement-Pas-4

 

Basalte trouvé en 2000 – feuille gravée en 2000.                                                                                                                   Composition éphémère du 21 août 2018

Pas 5 – RENCONTRE AVEC LA PIERRE BRUNE

La révélation du jardin

    

          Doux réveil de l’aube

                    désherber petit jardin      

                           UN avec la terre.

                              Résistance

           Gratte et pioche s’activent

 Intense l’attention à chaque geste 

    jardin recueilli accouche

        s’ouvre ton cœur œil émerveillé

                    Révélation     

brune pierre-terre d’un mystérieux potier

       teinte rosée de céramique 

                 balayée de lumière

                 douceur plus que dureté

        en sphère îlienne du volcan

        basalte bleu règne identitaire 

brune pierre chargée d’amour originel

        geste-Univers surgi de l’ombre 

        face crevassée ramena Gethsémani 

               tête saillante de Sage

               œuvre-nature à l’œil ouvert

               don du Créateur 

‘Abba ! Père !’* jaillit de ton cœur.                                                                                                                                 

      

* Marc 14,36 ; Romains 8,15 ; Galates 4,6. Origine araméenne – exprime l’affection filiale envers Dieu.  

9 octobre 2018

L’ABBA ! PÈRE !

SURGI DE TERRE

 

Emerveillement-Pas-5

 

Pierre trouvée en 1970.

Présentation de 1974.

Pas 6 - AU CLAIR DE LA CROIX, L’ŒUF…

   - vie recommencée

 

Au cœur de la nuit

Souillac vagues en voltige

                       galet-œuf hors voie.

                      Doublant Le Centaure   

               Croix-boussole pointe la Voie

                          la chute amortie.

                      S’accouplent aux étoiles

               grains de sable et coquillages

à Boîte à bijoux 

                       surgéantes jouissantes  

                          du Losange lustré

               fier symbole des terres du Sud.

                          Vie régénérée   

                      gallet-œuf engendra vie

                           pas vers l’Éternel.

                      Cœur revigoré

                         tu graveras gratitude

                           ton Arbre de vie.

 

4 août 2018 - 6 octobre 2018

L’ŒUF

AU CLAIR DE LA CROIX DU SUD

 

Emerveillement-Pas-6

 

Galet trouvé en 1986 – Arbre de Vie gravé en 1986. 

Composition éphémère du 4 août 2018.

III

Pas 7 – SUR LE CHEMIN DE L’ÉTOILE

- conscience guidée

 

Son œil grand ouvert   

       l’étoile te sauta à l’œil

                   Émerveillement.      

 

                   La vie glisse enchantée.  

       L‘instant chuchota :                         

                 « Nous deux en harmonie  

                 avec ton être en résonance

                                  OUVERT. 

 

      L’éclair intérieur éclaire tes recoins

                     ouvre les vannes             

                     conscience évasée

                     conscience éveillée.

 

                     Conscience guidée

                     diffuse la lumière 

           L’intuition allume la voie. »

 

30 septembre 2018

L’ÉTOILE DE LA SAGESSE

OU L’ŒIL DE L’INTUITION

 

 

Verre trouvé en 1962 – Nommé en 2016.

Présentation du 29 septembre 2018

Pas 8 – ET L’ÉTOILE TE REGARDA…

- le temps arrêté

 

Rassemblé

libre de toi-même

rythmé au pouls de la vie

apparaissent et disparaissent

pensées à ta conscience

souffle brise légère

vont et viennent nuages

se rejoignent        se séparent

des milliards de points lumineux

tissent la trame du ciel

silence-nuit élève

ton cœur élargi

à la voie lactée

œil rivé

temps arrêté

te regarde

l’étoile

jouissant d’être.

 

31 août - 22 octobre 2018

L’ÉTOILE-VIGILANCE

 

 

 

Variation I – 2010 – Carton – Nommé en 2010

Présentation éphémère du 31 août 2018

Pas 9 - LE PARCHEMIN DU PÈLERIN…  

- À chaque pas l’émerveillement

  

Vagues-vie 

                  mer en marche

                            mémoire-mutation 

                 de la nuit des temps  

                 tes père et mère

                            passeurs de vie. 

 

               Empreinte-peau du pèlerin 

         parchemin secret de ton chemin

            jour et nuit élastique langage 

                  recueille tes saisons.           

              

               Par marées et vents  

         signe ton pèlerinage

                  cachet défiant copie

                  écriture-trace unique     

                  infalsifiable testatrice. 

              

              À ton insu authentifie ton arbre

              à l’achèvement de La Création

 

             À chaque pas l’émerveillement.

 

6 juillet – 26 août 2018

LE PARCHEMIN DU PÈLERIN

 

 

Présentation du 26 août 2018

©Jeanne Gerval ARouff

 

 

* L’œuvre de cette grande artiste et écrivaine mauricienne a fait l’objet de plusieurs articles dans la rubrique Créaphonie de notre revue de 2013 et 2014. La présente rubrique accueille depuis le numéro de septembre-octobre 2018 une nouvelle série d’articles rendant témoignage de son œuvre en mouvement.

** Pour les 3 premiers « pas » de ce parcours Trace 2018 : L’éloge de l’émerveillement, voir le numéro de novembre-décembre 2018.

 

 

recherche Dana Shishmanian

pour Francopolis mars-avril 2019

La partie I : novembre-décembre 2018.

 

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