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CONTE 

Le petit garçon à la rose
par Roselyne Carrier


pastel sec illustré par Estrid Tuulma

C’est l’histoire d’un petit  garçon qui trouva un jour sur son chemin une rose.

Il en caressa les pétales, et la rose qu’on avait coupée se dit : « je n’ai jamais eu autant de vie, depuis que ce petit garçon m’a cueillie ».

Mais il ne l’avait pas cueillie, il l’avait trouvée sans vie sur le chemin de sa vie. Il en est ainsi des choses : où certains pensent qu’on les fit, le hasard fit qu’on les trouva.

Et depuis il aimait sa rose et en rêvait souvent la nuit.





Elle était toute rose - sa rose ; il l’avait mise dans un grand verre d’eau, parce que la tige n’était pas longue et qu’elle n’aurait pas aimé la terre où l’on cachait les êtres et les choses.

C’était une belle rose de l’été.

Le petit garçon s’est dit : « ce sera bien pendant l’hiver : quand je regarderai ma rose, je ne verrai plus que l’été et je n’aurai plus de pluie, ni d’hiver ».

Il ignorait que les petits garçons grandissent après l’été et oublient toutes choses - même les roses qui se fanent quand vient l’hiver.



Le petit garçon s’est endormi - rêvant d’une rose perdue dans un grand verre de cristal transparent.

Au matin le soleil brillait : il regarda la rose endormie, dolente - comme le font toutes les roses, quand le jour se lève.

Il avait tant de choses à lui dire qu’il gardait en lui. Il l’aimait, mais il voulait tout faire très vite : arroser sa rose, écrire des lettres sur une ardoise, calculer et dessiner tous ces panneaux qu’il avait appris – comme on suce un sucre d’orge – dans le livre du code de la route. Il avait envie de lui dire aussi qu’il courait après le vent - parce que le vent courait très vite et qu’on avait le temps de rien faire si on ne le rattrapait pas.

C’est qu’il voulait aller très vite le petit garçon à la rose – parce qu’il savait en son cœur qu’il fallait voler l’ombre des choses, avant que le jour nous les vole.

Parfois il restait silencieux à contempler sa rose - à poser son regard sur l’herbe d’un jardin, sur un oiseau qui vole ; le petit garçon à la rose était très curieux, mais il restait souvent silencieux – parce ce que quand on aime,  on a pas toujours besoin de parler.

A le regarder – ce petit garçon à la rose - on se trompait souvent : on pensait qu’il ne voyait pas, qu’il ne rêvait pas. On s’étonnait de son rire et de ses mouvements de bras qu’il faisait parfois en ivresse, comme un moulin à vent -  sans savoir que c’était pour mieux sentir les vents d’été.

On s’étonnait de cette rose qui restait à le contempler, comme lui l’admirait.

A poser le regard sur la tête de boucles blondes, à se perdre dans des yeux aussi clairs qu’un des plus beaux ciels de l’été, le temps semblait s’être arrêté.

Quand vint la fin de l’automne et que la nature s’endormit, un grand rire résonna. L’enfant, comme chaque jour de l’été - avait couru du jardin de l’ouïe où les oiseaux s’étaient tu jusqu’au jardin des odeurs où vivait sa fleur : il ne semblait rester personne – ni des oiseaux, ni des fleurs.

Pourtant, au bout de l’allée du jardin où il avait couru, il s’arrêta émerveillé devant la rose qu’il avait plantée : la rose vivait, éclatante sous les nuages amoncelés d’un automne frileux. Elle offrait à son regard la roseur de ses pétales, la douceur des parfums d’étés : l’amour qu’il lui  avait donné.

L’enfant émerveillé et muet posa son visage sur les pétales de sa belle amie de l’été.

Ce fut la première fois je crois qu’une rose pleura à l’automne des perles de rosée, parce qu’elle se sentait aimée d’un petit garçon à la rose.

On dit depuis que d’autres roses ont fleuri qu’il vient aimer chaque jour au jardin secret des Cinq Sens du Château d’Yvoire.

« À regarder les roses pousser,
On trouve plein d’étés ».


texte  Roselyne Carrier-Dubarry
illustration Estrid Tuulma
recherche Ali Iken

pour francopolis avril 2009


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Créé le 1 mars 2002

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