Conte
Résurrection
à bascule de Sydney Simonneau
Grâce à lui , j'ai parcouru
tellement d'immenses plaines
Gravi des montagnes cernées par les ombres fluctuantes des
rapaces
Franchi sans complexe des rivières coléreuses
Sur son dos accueillant , j'étais un roi qui chantait
Un seigneur dans la mêlée d'une bataille furieuse
J'étais le plus souvent un indien éclairé de
courage
Naives peintures faciales et plumes totémiques en parure solaire
Apache rebel , sioux imprégné par l'esprit du bison
Comanche au regard d'aigle en perpétuelles embuscades
Cheyenne incendiant les collines houleuses par ses danses tribales
Grâce à lui , nos balancements étaient des ruades
et des cavalcades
Avec lui , j'étais heureux............
Je ressentais l'ivresse des métamorphoses ,
J'ignorais l'angoisse des improvisations maladroites
La théâtralité de l'enfance se moque de tout
Elle autorise des comédies rocambolesques sur des scènes
minuscules
Elle offre ses opéras primitifs à des publics de pantins
Il était le compagnon fantaisiste de mes fables artisanales
Il était mon complice ...........
Un jour , j'ai cessé de le voir
Il a alors quitté ma vie , sans bruit
On a dû le ranger dans quelque placard , ou au fond d'une cave
Et j'ai continué de grandir , sans lui ........
Des jours ont passé , des mois , des années
Parfois une araignée laborieuse lui déposait de lugubres
dentelles
Les poussières étalaient sur son corps immobile l'amer
parfum du temps
Dans un silence monastique , il avait la discrétion d'une
recluse.....
Pendant ce temps, à Plogoff , la Bretagne crachait sa
colère
Ses sonneurs arboraient des lance-pierres dans leurs fest-noz
colorés
De chouchenn , de lacrymos et de kan-ha-diskan frondeurs
Un mur s'écroulait à Berlin , l'Histoire se compliquait
Place Tien An Men , un étudiant apprivoisait une colonne de
blindés
Toutes sortes de croix réapparaissaient , brandies par des
prêcheurs agressifs
On vit des femmes sans visage et des enfances disloquées
La détresse afgane , l'espoir irlandais , les vents chauds du
Chili
Forums bruyants des républiques villageoises , les petites
épiceries disparaissaient
Léo , Jacques et Georges achevaient leurs vies d'artistes
L'Homme explorait son génome et offrait à sa
destinée une parure informatique
Et il y eut aussi les vagues de gazoil et l'Ukraine irradiée
Des bravoures anonymes , des embrassements amoureux , des
ivresses ,
Toutes les fleurs offertes aux mères courageuses , la mort aussi
, et la vie encore
Le vent caressant les flots , les rayons du soleil guérissant
nos fatigues ,
Il en eût du temps , que fit-il durant ces bouleversements ?
Il songea..........
Ses rêveries disposaient d'un étonnant panthéon ....
Il lui revenait par exemple en mémoire cette histoire du cheval
de Troie
Ou celle de Pégase et aussi les écuries d'Augias , il
avait le temps
De penser au cheval blanc de St Georges , la terreur des dragons
Certaines nuits , la déesse celtique des chevaux , Epona
Lui chantait la merveille des druides , la belle légende de
Morvarc'h
Cet étrange cheval marchant sur la mer sans laisser de traces
......
Il avait une pensée , certains jours , pour Rossinante
Compagnon philosophe de Don Quichotte
Les années passaient.....
Il se voyait souvent parmi les fiers mustangs hollywoodiens
Et toujours la valse des jours et cette bruine incessante....
Celui qu'il aimait le plus , assurément
C'était Crin-Blanc , le superbe et courageux camargais
Le prince blanc au galop aérien , crinière d'écume
Héros lumineux de nos enfances magnifiques .....
Et puis , ce matin .......
Un bruit de porte , des pas , des voix humaines enfin
Parmi elles , celle d'une enfant
Qui l'éclabousse de plaisir
Car il devine que c'est pour elle qu'on le sort de l'ombre
Fany grimpe sur son dos , elle est encore mal assurée
Elle l'adopte bien vite et lance , joyeuse :
Adada , adada , adada !
Il y a de la magie dans ces mots-là
Ils claquent et le rêve commence
Adada , adada , adada !
Oui , ma fille , vas-y , n'hésite pas
Pars avec lui sur les somptueuses prairies de l'enfance
Offrir tes baisers chocolatés à des oursons farfelus
Adada , adada , adada !
Il t'emmène saluer la grosse lune endormie ,
Déguster sa confiture de soleil et chatouiller les étoiles
Adada , adada , adada !
Mon petit cheval m'a fait , à cet instant ,
Le plus prodigieux des clins d'oeil !...............
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Conte de Sydney
Simonneau
pour Francopolis
janvier 2013
recherche Gertrude
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