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CONTE 


Le Noël de Victor, Oot et Rudolf,
Le renne du père Noël

Victor est un garçon sage et très intelligent. Chaque soir au retour de l’école il se penche sur ses devoirs. Quand tout est fini, il allume le globe posé sur son bureau et il suit du bout du doigt les frontières de tous les pays. Son doigt se pose sur chaque continent et Victor rêve de voyager loin, très loin de l’endroit où il vit. Il sait - pour l’avoir vu ou lu - qu’il existe beaucoup d’enfants dans le monde qui, comme lui, n’ont pas la chance d’avoir une famille, des frères et des sœurs et de vivre au chaud dans une maison quand la nuit d’hiver tombe.

Peut-être est-ce parce que la nuit tombe plus vite maintenant sur le Mont des Princes où il vit que chaque soir il regarde par la fenêtre vers le ciel, qu’il soit étoilé ou non.

C’est bientôt Noël et, comme chaque année, ses parents lui ont demandé de préparer sa lettre au père Noël. D’habitude Victor l’écrit très tôt car il sait toujours ce qu’il veut : sa passion ce sont les livres et les ordinateurs. Cette année pourtant Victor hésite, il a grandi et il sent qu’il désire quelque chose au fond de son cœur, il ignore quoi encore.

Pendant ce temps, au pays du grand nord et des aurores boréales un petit renne vit au milieu des siens. Ce petit renne nommé Rudolph a une chance extraordinaire : il vit chaque jour auprès du père Noël. Il ignore que beaucoup d’enfants de ce monde aimeraient avoir cette chance-là ! Chaque jour, quand il fait froid il s’ébroue dans la neige et court avec ses amis. Ce qu’il préfère le plus, c’est se mettre sous les grands sapins et de ses bois agiter leurs branches pour que la neige tombe sur lui en flocons mouillés. Sa mère lui a dit que les flocons de neige étaient des baisers donnés par toutes les mères du monde à leurs enfants, même quand elles sont éloignées. Rudolph en est persuadé. Aussi, après avoir joué dans la neige, il vient frotter son museau à celui de sa mère.

Le père Noël est très occupé, Noël approche et bientôt ce sera la grande tournée sur tous les toits du monde pour apporter la joie aux enfants. Le père Noël a de bonnes joues rondes et un bon petit ventre dodu car il aime bien le bon air du Nord et manger, surtout les gâteaux aux pommes. C’est sans doute pour ça que ses joues ressemblent à deux belles pommes mures. Même s’il est déjà bien vieux, il se sent aussi joyeux que les enfants qui attendent Noël.

Tout près de là, Laïka la magicienne vit dans sa datcha au fond des bois. C’est toujours là qu’elle se réfugie l’hiver. Elle aime vivre avec la nature ; c’est pourquoi chaque hiver, à l’heure des grands froids, elle se réfugie dans sa maison du grand Nord. Elle aime voir la neige derrière sa fenêtre, mais elle aime aussi l’avoir dans sa maison. Sa boule magique lui a appris que les flocons de neige sont l’âme et le cœur de tous ceux que nous avons aimés et qui nous ont quittés. De nombreux amis du monde entier connaissent sa passion pour la neige et ce qu’elle représente pour elle, ils lui ont envoyé des boules de verre de tous les coins du monde – dans chaque boule transparente tombe la neige, toutes sont des boîtes à musique dont elle tourne la clef pour que retentisse, pendant les longues nuits d’hiver, une musique où un chant qui lui rappellent ces amis très chers. Même le père Noël lui a offert une boule spéciale dans lequel on le voit manger un morceau de tarte sous la neige sur l’air de « I wish you a merry Christmas ».

Au milieu de toutes ces boules de verre trône la plus grosse, posée sur une branche de sapin. Celle-là est sa boule magique qu’elle consulte chaque soir, lorsque la lune apparaît au-dessus de sa maison.

Très loin de là, au pays de France, de nombreux enfants ont préparé le sapin. Victor lui aussi a participé à la garniture de l’arbre de Noël. Ses parents sont surpris : Victor paraît très pensif, il est moins joyeux que d’habitude. Alors que Théo, Charles et Thibaut rient d’excitation à l’approche Noël, Victor parle peu – lui qui parle tout le temps pourtant.

Victor a pris sa décision depuis quelques jours, il a préparé sa lettre pour le père Noël ; il ignore si son vœu pourra se réaliser, car il est un peu particulier. Victor a regardé une émission à la télévision sur les enfants orphelins du bout du monde. Il a découvert Oot qui vit au Cambodge et est malade. Il a soigneusement noté l’adresse d’une association humanitaire qui a pris Oot en charge après sa maladie. Victor a compris, que là où il vit Oot n’a plus de parents et son Noël ne sera pas aussi joyeux que le sien, car dans le foyer où il vit peu d’enfants pourront avoir des cadeaux.

Aussi a-t-il écrit au père Noël :

- Père Noël, je ne veux pas de cadeau cette année, j’aimerais que tu fasses venir Oot près de moi pour qu’on fête Noël ensemble. Je ne sais pas si c’est possible, nous ne sommes que deux petits garçons et c’est loin sur le globe sa maison. J’espère très fort que tu pourras réaliser mon rêve.

Dans les pays du Nord, le père Noël est très fatigué car il vient de prendre une mauvaise grippe et - avec tout ce courrier à lire - il n’arrive plus à dormir. Il ignore même s’il arrivera à lire toutes les lettres des enfants avant le grand départ qui aura lieu bientôt.

Rudolph, le petit renne du père Noël, est l’ami de la magicienne et il lui rend visite chaque jour. C’est ainsi qu’un soir, alors qu’elle lui offre une tasse de chocolat aux fruits rouges, il assiste à la séance de la boule magique. Laïka a mis sa longue robe bleue qui scintille - comme les lumières du sapin de Noël. Elle a laissé son manteau de fourrure blanche dans l’entrée. Tous deux regardent au travers de la boule ; c’est ainsi qu’ils aperçoivent deux garçons dont un semble triste et malade ; tous deux vivent de chaque côté du globe terrestre. Laïka, par la magie, arrive à lire au travers de la boule les mots de Victor dans sa lettre au père Noël : il désire fêter Noël avec le petit garçon du bout du monde.

- C’est impossible dit-elle à Rudolf le petit renne, le pauvre père Noël est très malade, il ne pourra jamais réaliser le vœu de Victor ; et pourtant, c’est un très beau vœu venu du cœur.
C’est bientôt la nuit de Noël où chacun doit s’aimer et espérer. Que pouvons-nous faire ?

Rudolf louche vers le bout de son nez : lorsqu’il réfléchit, son petit nez devient tout rouge et brille comme celui d’un clown. Ses amis rennes se moquent de lui gentiment - il faut dire que Rudolf a un très grand cœur. Laïka et Rudolf restent pensifs à regarder le feu dans la cheminée, les flammes s’agitent – comme si elles avaient envie de parler.

Machinalement Laïka a pris une boule transparente des pays du nord dans laquelle vole un traîneau. Elle la retourne, la neige tombe dans la boule de verre et recouvre le traîneau, tandis que retentit la chanson de Rudolf le petit renne au nez rouge.

Soudain, son visage s’illumine, elle repousse ses longs cheveux et, prenant Rudolf par le cou, elle lui dit en riant :

- « je vais voler le renne du père Noël ».
- « Tu vas quoi ? » Rudolf est tellement étonné de ces paroles que son nez rougit plus fort encore.
- « Je vais voler le traîneau du père Noël et son renne, c’est-à-dire toi ! Ensemble, nous irons chercher Oot et nous le ramènerons au Père Noël et à Victor. »
- « Mais, que va dire le Père Noël, il va être très fâché. » Victor ne se sent pas très rassuré à l’idée de la colère du Père Noël, en découvrant la perte de son traîneau et de son renne.
- « Nous lui laisserons un message grâce à la boule magique. Dépêche-toi, il est temps de partir, nous avons beaucoup de chemin par la voie des airs pour atteindre le Cambodge, et le traîneau du Père Noël n’a rien d’un boeing ! »

Ainsi fut fait et dans la nuit hivernale des forêts du Grand Nord, les habitants virent un traîneau passer dans le ciel, tiré par un renne. Pendant ce temps-là, le bonhomme Noël lisait la lettre de cet étrange petit Victor qui lui écrivait du Mont des Princes, au pays de France qu’il ne voulait pas de cadeau, mais un ami du bout du monde.

- « Mais comment vais-je pouvoir réaliser ce vœu ? » Le pauvre et vieux bonhomme Noël était prêt à s’arracher les cheveux pour réaliser le plus beau Noël qui puisse exister pour deux enfants : un Noël d’amour et d’amitié.

Au matin le bonhomme Noël s’est réveillé, se demandant s’il n’avait pas rêvé la lettre de ce petit garçon. Non elle était bien là, posée sur la table près de la bougie éteinte. Le Père Noël mit son chapeau, sa grosse écharpe et sortit dans la neige pour donner à manger à ses rennes ; ils auraient beaucoup à faire pour distribuer les cadeaux aux enfants du monde entier.

En arrivant à l’enclos, quelle ne fut pas sa stupéfaction : on avait volé le traîneau et le renne Rudolf, son favori ! Le pauvre bonhomme Noël, tout affolé, courait partout avec beaucoup de peine - vu son poids et la neige très épaisse qui entrait dans ses bottes.

Il partit en direction de la datcha de son amie la magicienne, en espérant qu’elle pourrait l’aider à retrouver le coupable. Quelle catastrophe si le père Noël ne pouvait apporter les cadeaux aux enfants sages ! Et qu’allait-il pouvoir faire pour ces deux petits garçons du bout du monde ?

En arrivant à la cabane, il la trouva déserte. Le feu était éteint, les boules transparentes posées sur le rebord de la fenêtre brillaient dans la lumière du matin. Le pauvre père Noël se laissa choir dans le fauteuil de Laïka. Il savait qu’il aurait du mal à se relever, tellement il était profond ! Il était triste le bonhomme Noël, tout le monde semblait l’avoir abandonné.

C’est alors que retentit une étrange musique dans la datcha de Laïka : des milliers de petites cloches résonnaient. La boule magique, posée sur la table, se mit à briller. S’extirpant avec beaucoup de mal du fauteuil, le Père Noël s’approcha. Ce qu’il découvrit dans la boule le laissa sans voix : Rudolf le petit renne tirait le traîneau dans lequel Laïka se tenait debout, cheveux au vent. Il entendit la voix de la magicienne, doucement elle lui disait : « repose-toi Père Noël, nous ramenons Oot le petit garçon et le traîneau ».

Le matin de Noël, alors que tous les enfants ouvraient leurs cadeaux, Victor découvrit sous le sapin le petit garçon du bout du monde que le père Noël avait déposé, il dormait. Oot tenait dans sa main la photo d’un petit renne heureux et courageux qui se nommait Rudolf. Ce petit renne avait traversé le globe avec courage pour ramener à temps Oot à Victor.

On dit depuis ce jour là que ce fut le plus beau Noël de Victor et Oot. Depuis Oot a recouvré la santé et les deux garçons sont devenus de grands amis. Il leur arrive souvent d’évoquer l’étrange histoire que je viens de vous raconter avec les sœurs de Victor : Salomé, Isaur et Romane.

Joyeux Noël à tous !

(Victor (le petit garçon du conte) existe, il est coréen et adopté par notre famille, le tableau est peint par un jeune peintre estonien, Estrid Cortembert Tuulma, c'est un pastel sec)

Texte de Roselyne Carrier-Dubarry
Illustrations d’Estrid Cortembert Tuulma
recherche Cécile Guivarch

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Créé le 1 mars 2002

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