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Archives : Contes et chansons 

 

Novembre-Décembre 2020

 

Trois contes de Noël

de Michel Ostertag


 

Le Père Noël devra-t-il être confiné ?

 

Il y a quelque temps, à New York, au siège de l’ONU, s’est réunie une commission extraordinaire à « l’Office mondial du Père Noël ». Un des sujets cruciaux à l’ordre du jour était : « Faut-il ou non confiner le Père Noël ? » À la suite de cette question générale, une avalanche d’autres ont jailli : doit-on obliger le Père Noël à porter le masque pendant la nuit du réveillon ? Sera-t-il autorisé à descendre par les cheminées ou devra-t-il se contenter de déposer les cadeaux devant la porte des logements, de peur de contaminer les familles ? Devra-t-il remplir une autorisation de sortie ? Et le cas échéant, à qui la remettra-t-il ?

Le débat avait été intense. Certains intervenants avaient crié au scandale, comme ce représentant d’un département français qui hurla : « J’ai dépensé une grosse somme pour le ramonage de mes immeubles. J’exige une indemnité ! » Un autre s’était opposé à ce que le Père Noël déposât les jouets devant la porte des maisons, car il craignait qu’ils ne fussent volés ou que des animaux, les sangliers en particulier, ne les saccagent.

Au cours de la réunion, quelqu’un suggéra que l’on demande son avis au Père Noël lui-même. Son bras droit fut chargé de la mission délicate de lui poser les questions suivantes : Accepterait-il de porter le masque pendant sa tournée mondiale ? De se laver les mains ou plutôt de se servir du gel hydroalcoolique chaque fois qu’il déposerait les jouets à l’entrée des maisons ?

Le bras droit accepta sans rechigner, mais prévint la Haute Assemblée que cela prendrait un peu de temps car le Père Noël se faisait vieux et qu’il n’était pas disponible. « Il se repose beaucoup avant sa tournée annuelle », précisa-t-il.

L’Assemblée accepta le délai envisagé.

À la toute fin de la séance, un participant proposa un référendum mondial, mais cela parut hautement irréaliste à la majorité assemblée : Comment comptez-vous toucher nos milliards d’habitants parlant tant de langues différentes, insinua l’un des membres ?

Bref, le débat dura toute la nuit sans jamais aboutir à un accord. La décision fut retardée sine die.

Quelques jours plus tard, la jeunesse fut alertée par les réseaux sociaux et fut très perturbée à l’idée que le Père Noël ne puisse prendre son traîneau et parcourir la planète comme à l’accoutumée pour distribuer leurs cadeaux aux enfants.

Tous les pays manifestèrent leur inquiétude ; les plus hautes instances les relayèrent et on décida de laisser le Père Noël tranquille. On trouva ridicule de vouloir obliger cet homme âgé et fatigué à vouloir remplir une autorisation de sortie (lui qui ne s’autorisait à sortir qu’une nuit par an !) On dépassait les bornes, on marchait sur la tête, on était devenus fous !

La Haute Commission, réunie en urgence décida, à l’unanimité, que le Père Noël serait désormais secondé par un garçon et une fille - parité oblige – et qu’ils auraient mission d’aider à charger et décharger les cadeaux la nuit du réveillon. Ce jeune couple se connaissait depuis l’enfance et s’appelait Noé et Nono. Le Père Noël les guiderait sur tous les chemins, toutes les routes afin qu’ils déposent au plus vite les présents tant attendus par les enfants du monde entier. Les deux jeunes gens pourraient compter sur son sens de l’orientation et son raccourci secret, habitué qu’il était à parcourir depuis tant d’années toutes les routes du ciel.

Le Père Noël accepta cette proposition, tout heureux de partager son traîneau avec deux jeunes personnes. La solitude de Noël, sans qu’il se le fût avoué jusqu’ici, commençait à lui peser.

Bien évidemment, en cette période de confinement, le port du masque resterait obligatoire pour tout l’équipage et afin de contenter l’Administration, l’attestation du Père Noël, en tant que patron de Noé et Nono, leur permettrait d’accomplir leur mission nocturne la nuit du 24 décembre.

Toute une campagne est à l’œuvre, au moment où j’écris ces lignes, pour préparer psychologiquement les populations à voir le Père Noël accompagné par le jeune couple d’assistants. On prétend que les cadeaux seront distribués à une vitesse jamais constatée auparavant et ce message met en liesse tous les réseaux sociaux. On danse déjà de joie, on applaudit à tout rompre, car un Noël hors norme nous attendrait !

 

 

Le Père Noël s’est syndiqué…

 

Qu’est-ce qu’il a encore, le papy Noël ?

Quoi, il s’est inscrit à la CGT ?

Et depuis quand ?

Le mois dernier…

Et il n’a rien dit à personne, le bougre !

Et c’est pour ça qu’il est en grève, en ce moment ? Pas fou, il fait cela au moment de son unique journée de travail de l’année… Et que veut-il ?

Il veut une journée de travail de dix heures seulement et le travail de nuit payé triple…

Rien que cela !

Il veut un aide qui l’accompagne, car depuis quelque temps, il a des vertiges et a peur de tomber du haut de son traîneau…

Bon, on lui mettra un bracelet au poignet relié par satellite, comme ça, si jamais il tombe, nous serons prévenus et nous viendrons le secourir, comme ça, il sera rassuré le papy ! Non !

Pour ce qui est des dix heures de travail, on en reparlera plus tard, pour les prochains pères Noël, car pour l’instant je ne vois pas de solution, il va falloir embaucher… Payer triple, faut pas rêver, il aura une prime de nuit majorée, point barre !

Je vais courir lui annoncer cela, j’espère qu’il reprendra le travail sous peu. Ah ! Les vieux d’aujourd’hui, c’est plus comme avant !

 

 

La complainte du ramoneur

 

Oui, il faut dire qu’en ce moment, la coupe déborde ! J’étais tranquille, jusqu’à maintenant, mon travail consistait à ramoner les cheminées à l’approche de l’hiver, mais depuis quelques années, parce qu’il y a de plus en plus de chauffage électrique et les gens ne touchent plus à leur cheminée, ramoner, ils ne savent plus ce que c’est ! La cheminée dans leurs appartements, ça ne sert plus qu’à la décoration au mieux, au pire à entasser livres, magazines, disques et voilà, qu’aujourd’hui, dans cette période de COVID, les gens veulent fêter le réveillon de Noël, famille réunie et, pourquoi ne pas faire un vrai feu de cheminée avec tous les cadeaux disposés devant la famille, réunie. La belle idée que voilà ! Oui, mais la cheminée, pas ramonée depuis une décennie, comment va-t-elle réagir et si on fichait le feu à l’immeuble, on aurait gagné le pompon, non !

Alors, on décroche le téléphone ou on tape sur Internet et on appelle le ramoneur, vite qu’il vienne ramoner ma cheminée, un peu avant le réveillon de Noël et c’est moi qui suis de garde, je prends le plus vite possible mon échelle, mes hérissons carrés et ronds, les brosses à suie et les cordes aussi, j’enfile ma tenue et me voilà prêt !

Et la fatigue vient vite, à grimper sur les toits, j’ai beau faire très attention à ne pas chuter, mais en fin de journée, d’autant qu’en ce moment la nuit s’étend de bonne heure, la fatigue venant il y a des moments où le risque est réel. Et aussi le coup de blues ! Je devrais changer de métier, suivre une formation, que sais-je, c’est ce que je me répète sans cesse, mais ma consolation sera que la nuit de Noël, le Père Noël ne salira pas sa belle tenue rouge et que les jouets ne seront pas abîmés, salis, déchirés et ça, croyez-moi, ça vaut toutes les primes de fin d’année !

 

 

 

Michel Ostertag

Francopolis novembre-décembre 2020

 

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Créé le 1 mars 2002

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