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Hiver 2024
Niadi
Cernica : Voyages
aux Îles des Immortels. Traduit
du roumain par Dana Shishmanian (*) |
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Les Îles des Immortels se trouvent dans les Quatre Mers. D’aucuns disent qu’elles
sont dans une des mers seulement. Là-bas sont arrivés uniquement ceux qui les
ont recherchées. Aux Îles des Immortels tout est blanc : les vêtements,
les oiseaux, les animaux. Les palais sont d’or et d’argent. Cependant de ceux
qui ont cherché les Îles des Immortels, tous ne les ont pas trouvées. Ceux
qui les ont trouvées n’en sont jamais revenus et sont devenus Immortels. Ils
voyagent sur le vent, se nourrissent de rosée, sont plus légers qu’un flocon.
Ils sont Immortels. Telle est la vieille légende des Immortels et des Îles des Immortels. Je
ne sais si l’on peut comprendre de là que ce rêve fît partie des légendes et
contes de la Chine antique. Le rêve a continué, et les hommes ont continué à
chercher, au fil du temps, les Îles. Il y a plusieurs manières de devenir Immortel. Les Immortels ont un corps
éternel pour une âme éternelle. L’alchimie, la médecine de la longévité, le
maintien de l’âme dans le corps, la voie morale, parfois d’autres voies, ont
été tentées pour arriver à chevaucher le vent et s’élever jusqu’au ciel. Ce conte n’est pas que sur les Immortels. Il concerne aussi les plus
beaux récits de voyages, les plus beaux miracles, les plus étranges des rêves
des humains. Les Îles des Immortels peuvent aussi être découvertes par l’imagination.
Il n’est pas question d’images compliquées ni de figures de la géométrie
sacrée. Il te faut juste suivre une carte de la pensée, qui te porte d’une
chose à une autre, dans leur transformation infinie, jusqu’à ce que dans leur
caléidoscope s’éclaire la première forme, la première apparition, commune à
toutes, et toutes les formes s’ensuivent d’elle. Cette forme est personnelle,
elle n’est pas la même pour tout homme. Lorsque tu t’identifies à cette
forme, tu t’élèves sur le vent et tu deviens plus léger qu’un flocon. Le cœur
s’éteint, la pensée cesse, et l’âme, portée par la forme, s’en va vers les
Îles des Immortels. L’image de la forme est depuis toujours en nous, d’elle jaillissent tous
les rêves que nous rêvons et toutes les fantaisies que nous imaginons, mais
l’apercevoir par l’imagination, dans sa simplicité originaire, semble
impossible. Elle est notre identité, notre image, et si nous arrivons à la
joindre, par sa perception dans l’imagination, nous nous transformons en
Immortels. Dans toutes les histoires d’un homme, dans tout ce qu’il s’imagine, dans
tous ses rêves, il y a, de manière génuine, la forme initiale. Arriver à la
voir veut dire reprendre, dans leur transformation continue, ces récits et
images. La forme surgit d’elle-même, se fige, et le mental se fige en
elle ; le corps se fait comme du bois, le cœur comme la cendre, la
pensée est calme, le souffle devient comme le vent et te soulève vers le
très-haut – s’envole vers les Îles des Immortels. * Ces lignes, je les ai écrites lorsque, en réunissant en pensée les
légendes et les contes sur ces Îles et sur les Immortels, je les ai trouvé la
racine – la fantaisie qui, tel un souffle, te porte, en un caléidoscope de
lumières, vers ta propre île. Niadi Cernica (Trad. D.S.) |
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(*) Niadi Cernica, Călătorii
în Insulele Nemuritorilor, Editura Muşatinii, Suceava (Roumanie),
2022. Le texte traduit ici est le
premier de ce livret qui renferme, comme le dit l’autrice, « des rêves
issus de la Lune ». Née à Suceava (Roumanie) en 1973, Niadi Cernica est
écrivaine et universitaire, ayant un doctorat en philosophie. (D.S.) |
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Niadi Cernica Francopolis – Hiver 2024 Recherche Dana Shishmanian |
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Créé le 1 mars 2002
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