Sortie de prison, par Claire Ceira
J'y étais depuis trop longtemps pour me souvenir de ce qu'est
une rue parcourue et vide. J'y étais depuis que les trottoirs s'étaient relevés
j'étais tombée sur le visage
dans la cohue.
J'étais tenue dans tes bras gris et froids, geôle sans geôlier murs
sans espace intérieur
maison
d'arrêt.
Depuis tout ce temps j'avais pris l'habitude de m'appuyer et voici
que la porte s'ouvre, il a plu
dehors tout brille
le monde est un papier d'argent et je me déchire, immobile
devant mon nom libéré.
attends un peu liberté
L'eau glacée du monde coulait dans la tige
de mes os longs
j'arrête
devant les cils de ta lumière
loin des verres fumés des fenêtres
Attends-moi liberté et ne me coupe pas
la tête
quand je la tends au devant
des regards des autres
nue et sans protection
quand je sors du puits de ton eau
vérité.
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Sans titre, par Xavier Jardin
partout
où la lumière
soustrait
l'ombre à l'ombre
retranche à la nuit
une part d'aveuglement
égale
à la somme
des astres
partout
où lentement s'extrait nu
le songe
dérobé à un paysage
inhumain
où le miroir
poli des regards
s'est tu
dissimulant le geste
comme un fil découpe
le calcaire fin
des évidences
partout
où débute
le décompte
perpétuel
des pierres
récitées
jusqu'à l'écroulement
du jour
pierres tombales
brisant les reflets
de circonstances
abysses
illusions dissipées
aux tempes du matin
exténuées
de lutter de sombrer
renaissant toujours
pour que ce corps
vacille
encore une fois
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Low, par Claire Ceira
on est pareils aux fils des anges
couchés dans le sens de la voie des rails vides
on rêve les yeux saturés
dans le ciel d'été
Le bleu diffuse
sous la peau et dans les pensées, un signe.
comme les étincelles brèves
et bleues
quand on roulait en oblique
sur les routes de la nuit
noires
comme la lampe
bleue SORTIE des cinémas, des salles obscures
quand on quittait un instant des yeux
l'écran, les images
on voudrait se trouver de l'autre côté des portes, dans le cheminement des couloirs,
juste un labyrinthe
sans bifurcation.
on rêve d'être dans l'écran
et de cette ampoule nue
au mur, ici, simplement.
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Sans titre, par Xavier Jardin
blessure
lunaire
le corps
répand la sève
comme l'écorce saigne
l'azur
naufrage
moisson en désordre
la vague désarticulée
d'un songe gît
au beau milieu
du ciel
coagulé
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Orphée, par Claire Ceira
Je passerai encore par la même faille, mêmes eaux mêmes lames même
descente
saluant en chemin la voix d'ombre
et la grotte sous la cascade.
je trouverai ta réserve, myriade
de poissons le long des falaises calligraphie verticale
comme enfin
quelque chose à déchiffrer.
C'est de l'absence de fond que viennent la paix,
et la fécondité.
Semant le long de l'interminable trajet
tout ce qui nous restait encore de crainte,
comme des images pour les yeux
d'un nouveau-né,
nous ne cesserons
il n'y a pas de fond dirons-nous sans y croire
et
nous y croirons.
nous descendrons dans la poche souple
et sans fond
rejoignant les daims, jusqu'aux épaules dans le bord des bois
dans les instants d'avant la balle,
dans les nuages d'insectes
des pays où le froid
reste
à l'envers de l'été, où l'été verse et puis descend, très vite.
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Sans titre, par Xavier Jardin
de ce lieu
où la mer
tombe
à la verticale des jours
d'une bouche
à une autre bouche
d'une main
à une autre main
à ce lieu
où le ciel s'inverse
déversant
l'ivresse des oiseaux
des cimes
à la terre
ce lieu où l'ombre
n'a pas plus de poids
que l'aile ou le vent
la lumière ou la nuit
ce lieu qui s'ouvre
se ferme comme un regard
ce lieu qui encercle
qui libère
ce lieu
plus furtif
que la caresse du songe
sur l'épaule nue
ce lieu
plus précaire
que la rosée légère
aux soleils dévêtus
où est ce lieu
somme de tous les lieux
habités
rêvés
demeure de pierres
colline de blés
ce lieu où se confond
la naissance et la mort
l'écume le frisson
le sommeil et puis
l'aurore
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