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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

Sylvie Domenjoud - Marie-Paule Barco - Michel Devillers... et plus


DANSE

CROQUIS À DEUX MAINS

Sabine PEGLION (poèmes) – Jacques BRET (dessins)











Deux regards poétiques sur la danse

 

Le dessin s’est saisi de la danse, et cela a donné ces fugitifs  instantanés de mouvement, ces souvenirs du geste, quelques instants jetés sur le papier. Il était tentant alors que des mots à leur tour se posent sur les dessins.

Une rencontre entremêlant donc danse, dessin et poésie, et qui dévoile trois façons de poser un regard sur le monde et sans doute aussi souligner la spécificité de chacun des regards à travers son dialogue avec les autres. Des pratiques artistiques différentes, qui se cherchent, s’interrogent, se répondent, s’unissent, sans jamais qu’aucune d’elles ne se soumette.

Dessiner la danse, c’est comprendre ce qu’est le dessin mais écrire sur le dessin exige aussi de saisir quelque chose de la parole poétique.

 

Jacques Bret :

« J’ai suivi assidûment pendant cinq ou six ans, deux fois par semaine les cours d’un atelier de peinture qu’animait un vieux monsieur, peintre de profession, qui avait la grande spécialité de nous dire des phrases incompréhensibles qui nous hantaient jusqu’à ce qu’elles prennent tout à coup l’allure d’une évidence ; peindre, c’est beaucoup chercher à quitter ses certitudes sur ce qu’est la peinture pour apprendre à voir les choses avec un autre œil.

A chaque cours, notre professeur nous proposait un nouveau sujet qui pouvait aller d’un empilement de chaises à du papier froissé.

Si l’on cherchait à représenter les chaises en ayant à l’esprit une image de chaises, c’était l’échec assuré.

Si, au contraire, on oubliait les chaises pour ne plus dessiner que l’ensemble de lignes entremêlées qu’elles créaient dans l’espace, alors peut-être, les chaises apparaîtraient-elles au milieu de ce chaos apparent.

Il  faisait également venir des modèles  qui posaient pour nous et nous demandait, là encore, d’abandonner nos images toutes faites.

Les poses duraient entre une demi-heure et une trentaine de secondes.

Au départ, ces dernières me paniquaient et donnaient des choses épouvantables. Pauvres modèles qui non seulement faisaient le métier très dur de rester immobiles, nus sous le regard scrutateur de trente personnes et qui en regardant nos dessins ne voyaient rien d’autre que des monstres.

Les résultats étaient, là encore, meilleurs lorsqu’on s’intéressait à un volume, à un axe, plutôt qu’à une jambe ou un buste.

J’ai le souvenir précis du jour où, une danseuse qui posait pour nous, nous proposa, plutôt que de rester statique, de bouger très lentement dans une danse au ralenti.

Ce fut une expérience magnifique car tout à coup il n’était plus possible de voir un corps mais plutôt les traces qu’il laissait dans l’espace.

Il ne s’agissait plus de réflexion, mais de réflexe, de sensation.

Quelques années plus tard, j’ai eu l’occasion de rencontrer des chorégraphes, et c’est en pensant à cette séance que je leur ai demandé s’ils accepteraient que j’assiste à leurs répétitions pour faire quelques croquis ; voilà presque dix ans que je ne rate pas une occasion de recommencer.

Que dire de ce qui a lieu au cours de ces séances ?

D’abord il s’agit d’oublier que je suis mal assis, que je suis peut-être observé, que mes dessins seront vus par d’autres. Regarder la danse se dérouler, s’imprégner de son rythme, essayer de comprendre par où le geste passe, aide beaucoup à cela.

Ensuite, il se produit comme une sorte d’osmose. Je cesse de penser au geste et je me fie à la sensation interne, à l’impulsion qu’il me donne… C’est un peu comme si je dansais aussi. C’est très grisant !

Le résultat est assez abstrait et c’est aussi pour cela que j’aime cet exercice.

Chaque dessin est un regard ou une somme de regards superposés. Il est exécuté en quelques secondes, le plus souvent à l’encre de chine avec un stylo terminé par un pinceau souple. J’y mêle parfois quelques touches d’aquarelle posées, très vite, à l’instant du dessin. »

 

Ce travail est inspiré des chorégraphies suivantes :

5 passages dans l’ombre ou transparenze, Paco Decina

El gorrion tejedor, Roc in lichen

Pile entre mes os, Laura de Nercy

Psylle, Roc in lichen

Souviens-toi, Pietragalla

Mon Cher Fred, Emilie Carayol

Descensos, En quarantaine compagnie

Pelle Compagnie, Vénus Papilio



 

Sabine Péglion
s’est donc saisie à son tour des dessins et des gestes du danseur pour en proposer une transcription poétique, rythmique et musicale.

Comme pour qui dessine le geste, le travail poétique est périlleux : décrire ne sert de rien, constater est voué à l’échec.

Sabine Péglion a donc écrit ses poèmes en regard aux dessins de Jacques Bret, essayant d’y intégrer la part de silence, de musique que livrent les mots sur la page à l’instar du danseur dans l’espace.

Les mots, dès lors, dessinent des espaces, des mouvements, des traits qui fusent sur le papier.

Ils s’offrent en miroir au dessin, débordent parfois l’image, pour prolonger sur la page ce que l’œil ne voit pas mais que le dessin laisse deviner. Parfois, ils tentent, au-delà du travail de Jacques Bret, de retrouver le geste même du danseur, l’énergie à l’origine du trait de pinceau.

Ils expriment alors l’enchevêtrement des émotions intérieures de l’auteur, du peintre et du danseur pour les proposer en partage au lecteur.

 

 

Les reproductions sont extraites du recueil

Danse, par Sabine Péglion et Jacques Bret, 2009


 
Sabine Péglion et Jacques Bret
Revue Francopolis Avril 2012
recherche Dana Shishmanian

 

 
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Créé le 1 mars 2002


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