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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

 

 

 

Septembre-Octobre 2020

 

 

Notes en si mineur.

 

Poèmes de Dana Shishmanian

en accompagnement musical

(*)

 

 

Autoportrait en si mineur

 

L’œil qui voit est plein de ténèbre – l’œil de lumière est presque aveugle

il est trop lumineux pour voir, l’autre – trop ténébreux pour manquer de vision

des vagues de brume s’écoulent de l’un à l’autre par un canal secret

et se déversent les inondant d’une lourde mélancolie

par-dessus reviennent des notes d’une douceur insupportable

la clarté fend le cœur – c’est peut-être le mystère de la conversion

si seulement le chaos des roches d’antan peut émerger tout remplir

mâcher l’âme entre des pierres de moulin jusqu’au silence des minuits

dont surgissent des aubes incertaines entre deux interrogations

l’une montant à quatre pattes l’autre descendant à reculons de quatre marches

sous le toit cassé la lune s’invite dans ton cerveau

pour délivrer les eaux qui te submergent

déchaînée la tempête est à nouveau là

quand une mélodie oubliée revient et confond tout

mais le dernier mot

doit être le premier

 

 

Écouter la Sonate en si mineur de Franz Liszt dans l’interprétation ravageuse de Lazar Berman :

https://www.youtube.com/watch?v=jjjfbmjJlQ0

ainsi qu’une autre, datant de juillet 2020 et qui est probablement d’Igor Levit :

https://www.youtube.com/watch?v=staE5zq7tPQ

Josef Danhauser (1805-1845), Liszt am Flügel / Liszt au piano, 1840. Alte Nationalgalerie, Berlin.

Ce fichier et sa description proviennent de Wikimedia Commons :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Josef_Danhauser_Liszt_am_Fl%C3%BCgel_1840_01.jpg

 

*** 

 

La chambre anéchoïque

 

Dans le vide ils sont produits mais on ne les entend pas

il n’y a rien pour faire écho pas de parois surfaces objets quelconques

au point de se demander s’ils peuvent seulement se propager

je pense que non

l’onde subsiste si des particules existent pour faire obstacle

faire avancer pulser d’un point à l’autre se réverbérer se faire entendre

ainsi l’espace n’est forcément pas vide puisque ondes y vont et viennent

particules émettent et sont émises sons s’entendent et se taisent

lumière s’y meut et émeut cœurs battent et cessent

nerfs s’énervent et se tendent cerveaux explosent mains écrivent des poèmes

mais si une toute petite chambre anéchoïque peut être introduite dans l’espace

vraiment véritablement

tout y serait absorbé oui c’est le trou noir

il y en a une infinité en fait – une passoire je te dis une passoire…

 

 

Écouter (non pas 4’33’’ qui est complètement anéchoïque mais) Dream

(une composition pour piano de 1948),

par ce grand architecte des silences qu’est John Cage :

https://www.youtube.com/watch?v=9hVFCmK6GgM

 

“Everything we do is music.". John Cage’s Quotations,

https://quotes.pub/q/everything-we-do-is-music-classical-composerfrom-433-512656

 

***  

 

Le brin d’herbe

 

Le défi du brin d’herbe seul sous l’œil de la tornade

quand roulent les tambours des tonnerres et se déchaînent les vents

par-dessus les cordes qui se déchirent

je ne sais chanter mais lui il chante pour moi

il joue du piano il joue le larghetto du deuxième concerto de Chopin

un ciel lourd noir apaisé s’appuie sur sa cime frêle

jusqu’au silence des racines

lui il n’en a pas mais se tient tout seul dans le vide

 

Jadis je traversais les champs et les forêts vertes de la Germanie heureuse

à l’aube de l’ère moderne quand l’art était encore nature

mon âme s’abreuvait de sources vives de nuages et de plantes

je n’avais pas de pieds pour courir je dévalais les pentes

en me roulant dans l’herbe et mes pensées naissantes

s’accrochaient dans les ronces

j’étais une bouche large ouverte et un souffle ardent

refroidi par les torrents encore vifs qui gelaient en hiver dès la nuit venue

les matins je faisais gicler le sang des geysers de sons

de sous le ventre de la terre que j’étais

sans bonheur sans malheur

 

 

Écouter le concerto n° 2 de Frédéric Chopin,

dont Baudelaire disait : « cette musique légère et passionnée qui ressemble à un brillant oiseau voltigeant sur les horreurs d'un gouffre »,

dans l’interprétation abyssale de Samson François, une vidéo historique : https://www.youtube.com/watch?v=6TM8teAy7r0

(le larghetto est à partir de la minute 32)

 

Texte et photos de Céline et Jacques Lanciault

Photo ci-dessus : Le magnifique monument représentant le grand compositeur polonais Frédéric Chopin est une des attractions principales du parc du palais de Łazienki. Le monument a été réalisé en 1907 par le sculpteur polonais Waclaw Szymanowski. Mais, la Première Guerre mondiale retarda son installation… qui fut réalisée en 1926. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les Allemands l’ont détruit. Le moule de la statue ayant survécu, un nouveau moulage a été réalisé et « Chopin » a repris sa place dans le parc en 1958!

http://www.jacqueslanciault.com/2016/09/16/varsovie-parc-lazienki-superbe-monument-a-frederic-chopin/

 

 

©Dana Shishmanian

 

 

(*) Ces trois textes inédits font partie d’un recueil en préparation écrit en accompagnement à des écoutes musicales pendant et après le confinement.

 

 

 

 

Créaphonie : Dana Shishmanian

Francopolis, septembre-octobre 2020

 

 

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Créé le 1 mars 2002