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Cœur satellite de Christian Deudon


Bien connu au public amateur de poésie1 et de théâtre2, animateur passionné du Territoire du poème3, porte-voix des poètes – comme par exemple Cristina Castello4, Robert Desnos5 et tant d’autres – Christian Deudon, le comédien, se révèle aussi, on s’en doutait, un poète exquis, en même temps – on le devinait moins - qu’un remarquable peintre.
Son début en volume aux éditions du Petit-Véhicule, avec cet élégant recueil cousu main à la manière si particulière de l’éditeur Luc Vidal, poète lui-même, est un régal. Ludique et grave, expérimental et lyrique, éclatant de couleurs et de sons tout autant que de silences et d’échos du vide, auto-illustré avec une justesse des formes et des couleurs qui se superpose comme en palimpseste aux tons des poèmes, Cœur Satellite est une merveille à avoir entre les mains, et à goûter avec délices au petit matin.

Ci-dessous quelques fragments que j’ai affectionnés en particulier.


  SUSPENS

Nulle image au miroir endormi   
Le passé déploie ses gerbes de fleurs éteintes
Aux couleurs d’épices

Le fil de l'écriture traverse le vide
A travers la nuit

Les trouvères trouvent les mots
Des vents amers

Vent du sud
Dans la chevelure blonde
De l'onde

La beauté nue s'allonge
Dans le hamac de lèvres envoûtantes

Je regarde le ciel

Un oiseau le submerge




SUBITUS CALOR III

Grande porte ouverte
Bleu sur lequel le pied prend appui
Sandales ailées
Pour l'accès à un feu nouveau

Langue d'artistes de caniveaux stellaires

Ils savent reprendre la formule
 Qui fait des bulles dans les cerveaux

Voix des rocs et des ruisseaux
Chants d'oranges et de vignes
Grondements dans les tombeaux
Vibrations et signes

La hauteur n'est pas dans l'abîme
La poussière est sur le manteau
Légère, l'enclume dans le vide
Mystère, derrière les vantaux
Apolline, erre dans son château

Au bord du vide, le poète emplit sa cruche
Pleine de vacuité
Un désert de sable l'entoure
Quand la récolte commence

Un écrit sur le sable n’est qu'un vain bavardage
Les dunes striées comme des pages vierges
S'imprègnent de pattes d'oiseaux

Attisée de froideur
L'aube rouge lèche le vent du nord


¸
L'aube rouge lèche le vent du nord

MISE AU MONDE

Être au monde sans en être abstrait
Sans s’en être abstrait, naître au monde d’un trait

Un trait d’absence restaure le rêve à sensation
Le mystère de la clairière fait la nature pénétrable

Le soleil au levant se couche dans les lotus
Une poule gratte le sol feuillu
Entourée d’un silence d’automne

Un enfant piaille et rit comme un torrent
Courant de vie en rigoles de sang

Les mots sautent les barrières
Un courant d’air est dans le vent

Épuisé de tant de mots
De morts nouvelles
Le pêcheur de rêves anciens
Remonte ses filets

Et les mots libres chargés de rêveries
Remordent le présent


 Francopolis mars 2014
Christian Deudon

 
par Dana Shishmanian

Créé le 1 mars 2002

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