Catherine Jarrett
FIRS ou L’Âme de La
Cerisaie
Ce poème est un hommage à
l’acteur Jean-Paul Roussillon,
sociétaire de la Comédie Française, qui incarna
Firs
dans La cerisaie d’Antoine Tchekhov,
en 2009 au Théâtre de la Colline
dans la mise en scène d’Alain Françon.
Il devait mourir en juillet de la même année.
Je ne
savais qu'il était mort
Je l'ai vu arpenter la scène
le parquet comme un océan
d'un pas égal rabotant
un cygne
comme si la vie n'en finissait
il les attend
le petit qui prend froid
joues en feu
qu'on doit veiller ensuite des jours des nuits
qui rit
qui ne sait pas petiot que tout s'évade
rien ne tient rien ne dure
le pétale s'affaisse
le duvet du pigeon dans la fulgurance d'un rayon
Les cerisiers s'abattent
leur plumage de noces
et ma petite légère au sommet des grands
arbres
il savait bien qu'elle avait peur
mais elle jetait ses bras
_un deux _je saute _tu es là _tu me tiens
lui c'était la maison le solide
maintenant il se couche
ça prend du temps
comme l'amour
et des précautions infinies
et des blizzards
et ce silence de la neige qu'il connaît si bien
le bruit du coeur le bruit des pas
quelques craquements
je ne savais pas qu'il était mort
ni l'un ni l'autre
ni Firs ni lui
l'âme et le corps d'un coup
mort
dans la vie
la poésie qui souffre
mais resplendit encore
en fait je le savais
et pour le corps aussi
mais refusais de croire
Poésie et Beauté
de tout vous gobergez
et nous nous là-dedans
de simples recueilloirs
donner donner toujours sangloter et chanter
à la fin s'effacer
comme lui
à la fin de la pièce je le voyais encore
sa navigation lente
ses poses maladroites
cette blancheur partout
en son cœur
et autour
rêve de perfection
des fleurs de cerisier
de la vie de demain
tous ces possibles blancs
et le blanc qui efface
Firs se couche
à demain !
recherche Dana
Shishmanian
Janvier 2015
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