La philosophie de la création dans l’œuvre de Mozart
(en opposition avec la dialectique hégélienne)
par Monsif Ouadai Saleh
La musique de Mozart tient le secret éternel des fusions
cosmiques qui viennent à la sensation dans leur pure immanence.
L’immanence s’incarne dans la fusion qui constitue la syntactique pure
de la fluidité. Rien ne force le principe à devenir
existence. Le plus grand anti-hégélien appartient
à la philosophie qui n’a pas de concept ou au concept qui n’a
pas de philosophie : la musique. Le concept dans la pure mouvance du
son résilie la dialectique. Et l’œuvre de Mozart résilie
toute la philosophie de Hegel par le son qui dirime les antinomies
syntactiques de l’existence. L’existence pour Mozart est une mouvance
capable de se générer sans la réduction à
l’antinomie, sans la négativité avec la transfusion des
déliements. La musique de Mozart transcende les nœuds. Elle
cherche la pureté de l’immanence qui s’articule aux
déliements, à l’ouverture qui n’a pas de traces
dialectiques. L’autonomie du principe dynamique de la déliance
est l’œuvre de Mozart. La mouvance ne vient pas du néant. Elle
vient de la maturité de l’existence avec l’immédiat du
mouvement, de l’action, qui dénoue le compact de la dialectique.
Dans l’œuvre de Mozart la solution ne devient pas consistance. Toute
consistance est vouée à la réification. Elle ne
devient pas dénouement. Le dénouement est discontinu.
Elle ne devient pas synthèse d’un ordre de tractatus. Le
tractatus est intransposable. Il est fixation de la transposition, de
l’étymologie transpositive. Or, la transposition au sens
de position interne dynamique exprimante de la relation, de la
liberté, de la pureté étymologique de la
liberté est le fondement du devenir dans l’œuvre de Mozart. En
vérité, il me faut un terme qui définit une
transposition interne et implicite, un terme qui serait une
intra-position relationnelle, une interface de la position qui articule
selon l’ordre de la communion l’explicite et l’implicite. Il me faut un
terme qui décrit une position immédiate et en même
temps une relation dia-médiate. Ce terme aura la
spécificité de joindre l’immédiat
instantané à la grandeur étendue de la conscience.
Dans cette perspective le nœud qui neutralise le pouvoir du
désir et fonde l’être sur le pouvoir de la position se
retire à l’arrière-plan. Le nœud ne devient pas l’aporie
de la dia-médiation. La transcendance de l’aporie comme Mozart
en constitue l’ordre, la structure et l’énergie relève
donc d’un immédiat qui se situe dans la dia-médiation,
d’un immédiat capable de devenir la conscience de la relation et
la conscience de la liberté. C’est-à-dire ce que j’aurai
volontiers la tendance à nommer la dia-médiation. Mais
l’important dans l’œuvre de Mozart, et c’est par là qu’il
dépasse radicalement Hegel, la dia-médiation
elle-même se donne comme immédiate. Le temps dans son
aspect syntactique et duratif, le temps de la durée, devient la
synthèse de l’être. Ce que réalise de prime abord
l’œuvre de Mozart c’est de donner au temps l’unité de la
durée. Il donne à la durée l’unité de
l’immédiat. Ainsi la relation voyage avec son unité
conscientielle. La relation devient dispensatrice de l’unité. La
liberté devient édificatrice de l’unité. Cette
découverte de l’unité, ou l’unitude, qui n’est pas
aporétique de par son sens de l’être, son ontologie, qui
n’est pas aporétique une fois confrontée à la
liberté ou à la relation, détermine la nature et
l’ampleur du tournant non dialectique de Mozart. Elle détermine
l’ampleur du triomphe de Mozart sur Hegel. Ce que propose donc la
négation de la dialectique opérée par Mozart est
la dia-médiation grâce à l’immédiat qui est
à la fois totalité et unitude.
Ce qu’enseigne avec la puissance de l’immédiat l’œuvre de Mozart
est l’évidence que la réification de la solution est la
véritable aporie de l’être face à ses principes
dynamiques, le désir entre autres. La réification du
désir est une aporie purement attachée à la
dialectique. La solution dans l’œuvre de Mozart est tout à fait
différente. Elle diffère par la
spontanéité, par l’immédiateté et par la
liberté étymologique qui est maturité sans
différence. Elle n’est pas ancrage de la présence dans la
conscience de la maturité dialectique. La dialectique est par
ailleurs toujours soit immature soit réificatrice. Elle peut
être l’une et l’autre distorsion à la fois. Dans l’œuvre
de Mozart la solution devient tout simplement étymologique dans
la mesure où la transposition est la pureté même
d’une liberté fluide capable d’infirmer le protéiforme
dans une seule forme : l’harmonie. La transposition est
l’immédiat de l’harmonie.
La genèse est l’immédiat révélé par
l’immédiat tenant toute la constance et la consistance de
maturité immédiate. La mouvance est la pureté des
déliements. L’être, le sens et la maturité sont
dans un œcuménisme de déliance qui tient de la
pureté éternellement résistance au statique. Pari
impossible mais traduisible du rapport du nœud, de la dialectique
à sa transfiguration radicale dans la dynamique, la figure de
rupture avec le nœud. La musique de Mozart est aussi une rupture avec
la trace et la répétition. A l’antipode de
Hegel, l’absolu mozartien relève de l’Esprit dynamique qui
transcende instantanément l’aliénation comme trace de la
négativité dans la valeur suprême de la
présence. Il y a dans l’œuvre de Mozart une synthèse
immédiate qui ne devient thèse ou présence que
dans la mesure où l’antithèse est pure non-sens. Le point
imaginal intuitif de la présence ne remplit pas la fonction d’un
principe de mouvance corrective donc dialectique du sens, mais celle
d’une mouvance ordinative qui s’ouvre sur l’Esprit ordinal de
plain-pied avec son ordre thétique qui est en même temps
un ordre diathétique. La diathèse est le sens
immédiat du dénouement fierique. Ceci veut dire que le
dénouement n’est pas une fin. Le dénouement est une
incarnation du devenir. Le dénouement est un déliement du
nœud, déliance de la présence immédiate dans le
devenir immédiat…
La synthèse postule la thèse qui se dénoue pour
absorber et désorber l’être selon la présence qui
répond aux exigences ultimes et sublimes de l’immédiat.
Il faut comprendre que la mouvance pour Mozart est double : elle est
absorption et désorption. La synthèse postule la
thèse, la thèse postule la présence pour
générer un statut éternel de l’Esprit
immédiat. L’esprit absolu de l’immédiat qui traduit
toutes les syntactiques génétiques de l’évolution
en posant la synthèse au point culminant de la déliance
est la métaphysique de l’être qui fait triompher Mozart
sur Hegel. Pour Mozart, la métaphysique ne meurt pas dans
l’Esprit ni l’Esprit dans la métaphysique, l’Esprit ne meurt pas
dans l’absolu ni l’absolu dans l’Esprit. Il n’y a pas dans l’œuvre de
Mozart cette relation de contraction qui caractérise l’esprit
philosophique du pour-soi voulant être la liberté
ontologique de l’essence, ni l’exclusivité contractée de
l’Absolu qui caractérise aussi l’en-soi philosophique.
L’exclusif intrinsèque est le fondement de la liberté
dialectique. Le fondement de la liberté harmonique
instituée par Mozart est l’inclusif intrinsèque. Le sens
de la relation repose sur cette inclusivité harmonique qui ne
destitue pas mais absorbe en donnant au sens de l’infini la structure
d’une complétude qui traduit immédiatement la
totalité. La relation doit instaurer la totalité. La
totalité doit instaurer la liberté. La liberté
doit instaurer l’immédiat. L’immédiat est cette hauteur
grandiose de l’Esprit qui se génère relation et
continuité indéfectibles.
La postulation dialectique de la liberté (le pour-soi) ou de la
totalité (l’en-soi) ne constitue pas l’essence de la relation
dans l’œuvre de Mozart. Dans l’œuvre de Mozart la forme nodale de
l’absolu devient décontraction. Ce qui implique un processus de
libération de l’en-soi dans le système dynamique du
pour-soi. L’en-soi est la liberté du pour-soi. Dans cette
perspective, il n’y a pas opposition entre ontologie et essence ou
entre principe et totalité. Voilà la raison qui explique
pourquoi l’ordre de Mozart n’est pas négativement dialectique.
Il n’est pas aussi positivement dialectique parce que la
positivité avait l’inhérence de l’harmonie de la relation
d’une manière immédiate. C’est pourquoi ce qu’on pourrait
appeler l’harmonie positive est possible même quand il s’agit de
nouer le nœud. Mais le besoin ne se ressent pas. Le nœud est
imperceptible ou fugace dans la dynamique intrinsèque de la
relation. Le nœud est éphémère. La courbure est
d’une transitivité sublime. La relation est infiniment
transitive dans la correspondance entre le postulat et la postulation.
La distance se réduit à l’harmonie inclusive.
L’écart traduit la possession. La transitivité traduit la
proximité. La relation traduit la liberté dans une
totalité immédiate avec la courbure de l’exception, une
exception qui relève à la fois de la substance holiste et
de la substance moniste. La liberté relationnelle ou syntactique
totalement proximale voilà dans une seule expression le sens de
la transposition dans l’œuvre de Mozart.
Une courbure sans courbure et une exception sans exception. Ceci
relève de la négation de la dialectique sans que la
négation soit raison de l’être, sans que l’être soit
raison de la négation. La réduction transpositive du
même contradictoire est la seule vérité de
l’ontologie de la relation et de la liberté dans l’œuvre de
Mozart. La transposition qui fait trait de la réduction et de la
négativité est celle qui dirime et dépasse la
dialectique hégélienne. Il n’y a pas alors
nécessité de s’attarder sur une opposition centrale.
L’opposition glisse et dérive à l’infini dans le corps de
l’éphémère, dans l’inconsistance. Chaque fois que
la liberté impulse la transposition la dérive de la
dialectique s’enfonce davantage dans la rupture avec l’être. La
dialectique devient non-être. Cette rupture est l’image
même du principe apathique. C’est pourquoi, dans toute
dialectique, ce qui échoue le premier dans l’ordre de la
prévalence ontologique est la liberté qui institue
l’être.
Dans la dialectique l’être de la liberté est un
échec tragique. Dans la dialectique l’être devient
impossible à la liberté et la liberté impossible
à l’être. Dans la dérive mozartienne la
liberté ne distance pas l’être. L’être et la
liberté distancent le nœud, la contraction. Ce que
suggère l’œuvre de Mozart à l’être c’est le
possible ou le possible de la relation, de la transposition pure
ouverte sur la liberté, sur la connature entre l’être et
la liberté. La pureté de la transposition se veut avant
tout attachement à l’immanence. La pureté pour Mozart est
révélation de la transposition immanente. La
transposition a pour condition dynamique de toucher
immédiatement la pureté de l’immanence. L’immanence pure
de la transposition devient la pureté de l’être dans la
pureté de la liberté. La transposition immanente installe
la connature entre la liberté et l’être. Pour Mozart la
transposition c’est l’immanence qui transite sans perdre sa nature,
sans se dénaturer. La relation est l’esprit de cette
transposition en tant qu’immanence de la liberté à
l’être et de l’être à la liberté. L’immanence
est cette relation en tant que connature immédiate. Il faut dire
en fait que ce qui constitue pour la plupart des philosophes un statut
dialectique et une dialectique aporétique entre l’être et
la liberté est pour Mozart une donnée immédiate de
la structure relationnelle et de la structure conscientielle. En quoi
cette position est antidialectique ? L’immédiat ne cherche pas
la relation à la liberté. Il est la liberté qui
s’articule à l’être comme sa propre nature. La
liberté anticipe la relation en lui donnant le statut d’une
présence foncière dans l’être. La liberté
est la nature de la relation. Pour Mozart la relation vient
immédiatement dans la complétude de la liberté.
L’être vient dans la complétude de la relation. Si la
dialectique est l’incomplétude qui cherche un tractatus, un
consensus autour de la complétude, la liberté mozartienne
part de la complétude de la relation vers la complétude
de l’être. Ceci ne veut pas dire qu’il y ait un écart
entre la relation et l’être. La complétude de la relation
confirme la complétude de l’être dans une sorte
d’anticipation qui ne rompt pas l’immédiat. L’immédiat
pour Mozart est une totalité immanente ou pan-immanente. La
dialectique n’a pas de place dans cette totalité parce que
l’immédiat investit une complétude totale de l’immanence.
L’immanence vient par conséquent comme l’être accompli de
la relation, de la liberté, de l’être.
Le possible est la connature de la liberté et de l’être.
Le possible déplace la rupture de la nécessité au
contingent. La liberté en fait de même. Seulement sa
dérive est possible continu d’une synthèse toujours
immédiate et toujours harmonique. La liberté mozartienne
est la dérive du même dans la transposition, dérive
du même dans la relation. Elle est incarnation de
l’immédiat transpositif. Ce même est sans
répétition. Comme je l’ai déjà dit dans un
autre texte, la totalité ne se répète pas.
L’immédiat qui est l’essence de l’œuvre mozartienne institue la
relation comme substance de la non répétition. La
liberté traduit la relation. Leur rapport est une harmonie
sublime qui nomme l’intrinsèque en relation avec sa
totalité immédiate. La dialectique se trouve marginale.
L’essence traverse son apparence avec la totalité requise pour
que la hiérarchie devienne œcuménisme. La relation
progresse librement sans que la liberté soit distance ou
hiérarchie. C’est l’exploit ontologique de la relation et de la
liberté fondé intrinsèquement par Mozart. La
dialectique est éphémère : voici l’axiome
ontologique fondateur de la liberté mozartienne. Cet axiome
prend sa définition ontologique en référence
à cette implication que la relation ne saurait être
devenir essentiel sans son immanence à la liberté. Mozart
est le plus grand immanentiste qui soit. La première
révélation qui tient de l’ordre de l’ordination est que
la liberté mozartienne ne polémique pas. Elle vient au
monde avec la distinction ordinée et non ordonnée.
L’ordination vient à l’existence par la béance harmonique
de la relation. Le nœud y oublie la mémoire violente de la
généalogie.
article publié dans La revue Tehiran
Présentation de Monsif Ouadai Saleh
Monsif Ouadai
Saleh, philosophe et poète marocain. Normalien, professeur de la langue
française au Lycée Al-Atlas Al-Kabir, dans les hauteurs mythiques du
Grand Atlas, hauteurs qui disent la pesanteur de l’Esprit et le Destin de
l’écriture. Les hauteurs ont ici le sens de l’archétype, l’archétype du sens,
car ce qui tente Monsif Ouadai Saleh en tant que poète écrivant le discours
désengagé de la poésie comme le qualifie Jean-Paul Sartre, écrivant la liberté
du discours comme tentations, autrement dit comme dispersions, et en tant que
philosophe discourant la tentation esthétique comme noèse, c’est bien l’Esprit
révélé à l’exercice conscient de la totalité. Dans cette dimension écrire la
poésie et écrire la philosophie de la création relèvent du même acte d’unité et
des mêmes hauteurs des tentations qui rendent en définitive la séparation entre
littérature et philosophie une figure chimérique de la profondeur. Monsif
Ouadai Saleh écrit les hauteurs unifiées de la tentation, lieu où l’archétype
est diversité, multiplicité de la voix sans contradiction avec le même. Ecrivain
a-continuateur de l’hérédité historique d’une francophonie locale souffrant la
grandeur de la résistance à l’effacement de l’identité devant des hôtes
indésirables mais portant quand même quelques essences immatérielles et
éternelles de l’Esprit de la nature de Montaigne, de Descartes, de Pascal, de
Racine… Ecrivain complètement libre de la
tendance auto-coercitive des premiers
écrivains francophones marocains désireux de résister ou de s’égaler à un
quelconque parangon de l’esprit. L’écriture de Monsif Ouadai Saleh puise non
pas dans l’éthique de la résistance mais dans une éthique de la survenance. Survenance
anhistorique dans ce sens où sa Temporalité ne s’enracine ni dans l’identité
forclose par le colonialisme, pensant se libérer par l’égalité illusoire au
signe francique, ni non plus, et non moins illusoire, dans l’introversion qui tient
l’arabesque pour les Hespérides de l’Esprit. A ce stade de la conscience libre
de la langue, l’écriture ne porte point un élan contingent de l’histoire, mais
l’élan pur de l’esprit qui continue le temps par le destin propre de la
création. Ici, être francophone ne relève pas du contingent historique mais du
libre arbitre de l’Esprit en tant que jardin céleste du sens. La genèse de la
création n’a pas la nature d’une langue, mais la langue d’une nature foncière
qui est l’infinitésimalité du signe devant le sens. L’écriture remonte les
chutes vers les confluents de la profondeur brisant les miroirs du signe, mais
adulant et habitant la brisure, au profit d’une réflexion libre où le sens devient
l’élévation de la synthèse, la légitimité de la voix, la nature génétique de
l’écho. Monsif Ouadai Saleh ne concevait pas la langue à travers les frontières
mais bien plutôt les frontières à travers la langue. Frontières absoutes dans
le sens, ce qui donne à la langue le sens de la fluence génétique et celui de
l’universel transitif.
Monsif Ouadai Saleh
recherche Ali Iken
pour francopolis février 2010
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